En ce qui concerne l’arrêt historique de la Cour internationale de justice sur Gaza-Israël, il est en effet regrettable que presque personne ne lise le document original, s’en remettant aux reconstructions simplifiées des journaux et des parties intéressées.
Le document n’a été lu qu’en termes minimalistes, déplorant ou appréciant - selon le côté - l’absence d’injonction à Israël de suspendre sa campagne militaire vicieuse contre les Palestiniens de Gaza.
Cet arrêt a toutefois porté un coup dévastateur au mythe fondateur d’Israël. Un pays qui se présente comme éternellement persécuté a été accusé par le plus haut organe de justice mondial de commettre un génocide présumé contre les Palestiniens de Gaza. Ce sont les victimes, et non les auteurs, du "crime suprême". Un peuple qui est victime d’un génocide est maintenant susceptible de le commettre.
L’arrêt de la Cour remet en cause l’impunité dont jouit Israël depuis sa création il y a 75 ans.
Lisez ce document. Il s’agit de 29 pages rédigées dans un anglais clair détaillant les infamies perpétrées à Gaza contre les civils palestiniens et vibrant d’indignation face à l’impunité des responsables.
Le sens de la phrase est sans équivoque. Des crimes de toutes sortes sont commis à Gaza. La compétence de la Cour est limitée au génocide, et la première et seule chose à déterminer - pour l’instant - est de savoir s’il est "plausible" que des actes relevant de sa compétence aient lieu.
La réponse de la Cour est qu’un possible génocide a lieu à Gaza de la part d’Israël. La plainte de l’Afrique du Sud est recevable parce qu’elle est corroborée par des sources crédibles, en grande partie issues du système des Nations unies auquel la Cour elle-même appartient.
Six des huit recommandations formulées par l’Afrique du Sud sont donc acceptées et adoptées. Voilà pour tous du double jeux. La Cour a ordonné à Israël de "prendre toutes les mesures en son pouvoir" pour prévenir les crimes assimilables à un génocide, tels que "tuer, causer des dommages physiques et mentaux graves, infliger au groupe des conditions de vie calculées pour entraîner sa destruction physique totale ou partielle, et imposer des mesures visant à empêcher les naissances au sein du groupe". Ce dernier point fait clairement référence au devoir d’Israël de protéger les 50 000 naissances qui assurent la reproduction physique des 2,3 millions d’êtres humains vivant à Gaza. Israël doit également fournir une assistance humanitaire adéquate à la population palestinienne et doit prévenir et punir tous les actes d’incitation au génocide, tels que ceux lancés par les membres du gouvernement Netanyahou.
La Cour est tellement convaincue qu’elle a affaire à un génocide potentiel qu’elle soupçonne la disparition d’éléments de preuve à charge et ordonne à Israël de prendre "des mesures efficaces pour empêcher la destruction et assurer la préservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes relevant des articles II et III de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide à l’encontre des membres du groupe palestinien dans la bande de Gaza".
Il a été ordonné à Israël de faire rapport dans un délai d’un mois pour expliquer ce qu’il a fait pour mettre en œuvre les mesures provisoires.
Il est clair que ces mesures préventives sont impossibles à mettre en œuvre si Israël poursuit sa guerre d’anéantissement de Gaza et de ses habitants. D’où la critique la plus courante de l’arrêt. Mais je ne crois pas que la Cour aurait pu aller plus loin en ordonnant à Israël un cessez-le-feu immédiat. Cela aurait constitué une anticipation du verdict final, qui n’interviendra que dans quelques années.
Mais c’est Tel-Aviv qui anticipera le jugement, car il est peu probable qu’il mette un terme à sa mauvaise conduite après l’avertissement de La Haye et avant d’avoir exterminé des dizaines de milliers d’innocents palestiniens supplémentaires. Et il n’y a aucun espoir d’une nouvelle intervention de l’ONU. L’administration Biden opposera sans aucun doute son veto à une résolution du Conseil de sécurité demandant à Israël de mettre en œuvre les mesures provisoires exigées par la Cour internationale. L’Assemblée générale, si le Conseil de sécurité n’approuve pas les mesures, peut voter à nouveau une résolution appelant à un cessez-le-feu, mais n’a pas le pouvoir de le faire respecter.