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Pakistan : l’affaire Raymond Davis. Un agent de la CIA, accusé d’un double-meurtre, révèle d’étranges accointances.

Lorsque l’agent de la CIA Raymond Davis a abattu deux civils pakistanais en plein jour dans une rue fréquentée à Lahore, il n’imaginait probablement pas que toute la classe politique à Washington volerait à son secours. C’est pourtant ce qui est arrivé. Barack Obama, Hillary Clinton, Mike Mullen, John Kerry, Leon Panetta et bon nombre de grosses pointures sont tous intervenus en faveur de Davis. Aucun de ces défenseurs acharnés de «  l’état de droit » n’a montré le moindre intérêt pour les victimes ni même pour une enquête qui pourrait découvrir ce qui s’est réellement passé. Oh, non. Ce que Clinton et consorts désirent, c’est de voir leur agent Davis embarqué dans le premier avion pour Langley (siège de la CIA - NdT) afin qu’il puisse recommencer à tirer dans le tas dans une autre partie du monde.

Clinton sait-elle que Davis a tiré cinq balles dans le dos de ses victimes, et qu’il s’est ensuite tranquillement rendu à sa voiture pour prendre un appareil photo et photographier les cadavres ? Sait-elle que les deux soi-disant «  diplomates » qui se sont portés à son secours en Land Rover (en tuant au passage un passant) ont été discrètement évacués du pays pour ne pas passer devant un tribunal ? Sait-elle que les familles des victimes sont à présent menacées et agressées pour les empêcher de témoigner contre Davis ? Voici un extrait d’un article du magazine The Nation, publié jeudi dernier :

«  Trois hommes armés ont forcé Muhammad Sarwar, l’oncle de Shumaila Kanwal, veuve de Fahim abattu par Raymond Davis, à avaler des pilules empoisonnées après avoir fait irruption dans sa maison à Rasool Nagar, Chak Jhumra.

Sarwar a été emporté d’urgence à l’hôpital dans un état critique où les médecins tentent de le sauver depuis Jeudi. Le frère de Muhammad Sarwar a déclaré à The Nation que trois hommes armés ont fait irruption dans la maison après avoir cassé une vitre. En entendant le bris de verre, Muhammad Sarwar est sorti. Les malfrats ont commencé à le rouer de coups. Les autres membres de la famille, dont des femmes et enfants, qui se sont précipités à son secours ont été pris en otage et battus. Les trois malfrats ont ensuite pris tout le monde en otage sous la menace de leurs armes et obligé Sarwar à avaler des pilules empoisonnées. »

Bien joué, Hillary. On est en plein dans «  l’état de droit » tel qu’on l’entend ici aux Etats-Unis.

Mais pourquoi toutes ces intrigues et pressions ? Pourquoi le Département d’Etat invoque-t-il la convention de Vienne sur les relations diplomatiques pour prétendre que Davis bénéficie de l’immunité diplomatique ? Si Davis est innocent, alors il n’a rien à craindre, n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas laisser le procès se dérouler au lieu de renforcer l’idée largement répandue que Davis représente une pièce maîtresse dans les opérations clandestines des Etats-Unis au Pakistan ?

La vérité est que Davis photographiait depuis un certain temps des installations sensibles et des madrasses, le genre d’activité à laquelle se livrent les espions qui cherchent de nouvelles cibles. Il a aussi été en contact étroit avec des membres d’organisations terroristes, ce qui laisse entendre un lien entre la CIA et les attentats au Pakistan. Voici un extrait de The Express Tribune de mercredi :

«  Son téléphone portable a révélé des contacts avec deux auxiliaires d’Al Qaeda au Pakistan, Tehreek-e-Taliban du Pakistan (TTP) et le sectaire Lashkar-e-Jhangvi (LeJ), ce qui fait croire qu’il était impliqué dans les attentats qui ont frappé les forces de sécurité pakistanaises et la population. Ceci indique que l’Amérique travaille avec les Talibans et Al Qaeda contre l’état pakistanais afin de viser, selon un officiel, les installations nucléaires pakistanaises.

«  Al Qaeda » ? La CIA travaille avec des «  auxiliaires d’Al Qaeda au Pakistan ? » Pas étonnant que les médias gardent un silence de plomb sur cette affaire.

Évidemment, la plupart des Pakistanais croient maintenant que les Etats-Unis complotent avec les terroristes pour semer les troubles, affaiblir l’état et accroître leur influence dans la région. Mais n’est-ce pas ainsi que les Etats-Unis agissent partout dans le monde ?

De plus, beaucoup de gens ont remarqué que les attaques par drones (avions sans pilote - NdT) des Etats-Unis ont cessé depuis l’arrestation de Davis. Est-ce une coïncidence ? C’est peu probable. Davis était probablement en train de collecter des coordonnées auprès de ses nouveaux copains pour les transmettre au Pentagone. Les bombardement par drones sont extrêmement impopulaires au Pakistan. Plus de 1400 personnes ont été tuées depuis août 2008, la plupart des civils.

Mais il y a plus. Voici un extrait de The Nation (pakistanais) :

«  Un avocat local a présenté à la justice un document affirmant que l’accusé (Davis) préparait une cartographie des lieux sensibles au Pakistan via un système de GPS installé dans sa voiture. Il a ajouté que des puces téléphoniques, des armes à feu et des caméras ont été trouvés sur les lieux du crime le 27 janvier 2011. »

Ainsi, la puce éléctronique de Davis a permis d’identifier de futures cibles dans les régions tribales. Il est probable qu’il était assisté par des recrues ou des membres locaux de Tehreek-e-Taliban.

De nombreuses affirmations extravagantes ont été formulées quant aux activités menées par Davis, une bonne partie n’étant probablement que pure spéculation. Un article publié par l’agence ANI est alarmant, mais ne fournit aucune preuve. Voici un extrait :

«  Le fonctionnaire américain Raymond Davis, accusé d’un double-meurtre, a été arrêté en possession de documents secrets de la CIA qui indiquent que lui ou le redoutéecommando US «  task force 373 (TF373) » opèrent dans la région et fournissent aux terroristes d’Al Qaeda «  des matériaux fissiles nucléaires » et des «  agents biologiques », selon le rapport.

Les services de renseignement Russes (SVR) mettent en garde que la situation dans le sous-continent est devenue «  grave » et qu’une guerre ouverte serait sur le point d’éclater entre le Pakistan et les Etats-Unis, selon The European Union Times...

L’élément le plus sombre de ce rapport du SVR est «  l’ISI (Service de renseignement pakistanais) indique que le document classifié de la CIA découvert sur Davis montre que lui, et/ou le TF373, ont fourni aux terroristes d’Al Qaeda «  des matériaux fissiles nucléaires » et des «  agents biologiques » destinés à être utilisés contre les Etats-Unis afin de déclencher une guerre ouverte pour pouvoir rétablir l’hégémonie de l’occident sur une économie globale qui serait sur le point de s’effondrer dans les mois à venir ».

Même s’il est impossible de prouver que c’est faux, tout ceci semble un peu tiré par les cheveux. Mais cela ne signifie pas pour autant que Davis n’était pas occupé à quelque chose d’important. Au contraire. Si Davis travaillait avec Tehreek-e-Taliban (selon de nombreuses sources) alors on peut en déduire que la guerre contre le terrorisme n’est qu’une ruse pour camoufler un projet impérial plus vaste. Selon Sify News, le président pakistanais, Asif Ali Zardari, pense que c’est bien le cas. Voici un extrait :

«  Zalmay Khalilzad, l’ancien émissaire des Etats-Unis en Afghanistan, a un jour qualifié de «  pure folie » l’affirmation du Président Pakistanais Asif Ali Zardari selon qui les Etats-Unis «  organisaient » les attentats (suicides) par les Talibans Pakistanais à l’intérieur de son pays, et qu’il pensait qu’à la fois Zardai et le président Afghan Hamid Karzai, qui croyait lui-aussi à cette théorie de conspiration US, étaient des dirigeants «  dérangés ».

La version de Zardari sur l’implication des Etats-Unis dans les attentats est fournie en détail à la page 116 du livre du journaliste US Bob Woodward, «  Obama’s Wars », selon The News :

Voici ce que relate Woodward : «  un soir au cours d’un somment trilatéral (à Washington, entre Obama, Karzai et Zardari) Zardari dînait avec Zalmay Khalilzad, un ancien ambassadeur US en Afghanistan, en Irak et aux Nations Unies, sous la présidence Bush. Zardari a abandonné sa réserve diplomatique. Il a dit que l’un des deux pays devaient organiser les attentats par les Talibans pakistanais dans son pays : l’Inde ou les Etats-Unis. Zardari ne pensait pas que l’Inde en était capable, contrairement aux Etats-Unis. Karzai lui a dit que les Etats-Unis étaient bien derrière ces attentats, confirmant ainsi les affirmations de l’ISI pakistanais. »

«  M. Président » a dit Khalilzad, «  que gagnerions-nous à faire ça ? Expliquez-moi. »

«  C’est un complot pour déstabiliser le Pakistan, a suggéré Zardari, afin que les Etats-Unis puissent envahir le pays et s’emparer des armes nucléaires ». Il ne pouvait pas expliquer autrement l’expansion rapide de la violence. Et la CIA n’avait pas pourchassé les dirigeants des Talibans Pakistanais, un groupe appelé Tehreek-e-Taliban ou TTP, qui avait attaqué le gouvernement. TTP était aussi accusé pour l’assassinat de l’épouse de Zardari, Benazir Bhutto. »

Les affirmations de Zadari paraîtront familières à tous ceux qui suivent les événements en Irak. Nombreux sont ceux qui sont convaincus que la seule explication logique pour la vague d’attentats dirigés contre des civils était que la violence était organisée par les groupes qui pouvaient tirer profit d’une guerre civile.

Et qui cela pourrait-il bien être ?

Malgré tous les efforts de l’administration Obama pour saboter l’enquête, l’affaire Davis progresse. Qu’il soit puni ou non n’est pas la question. Il ne s’agit pas de Davis. Il s’agit de savoir si les Etats-Unis collaborent avec ces mêmes organisations qu’ils condamnent publiquement pour un objectif plus large. Si c’est le cas, alors la guerre contre le terrorisme n’est qu’une vaste fumisterie.

Mike Whitney
24 février 2011

http://www.informationclearinghouse.info/article27558.htm

Traduction "en attendant de savoir ce qui se passe réellement en Libye" par VD pour le Grand Soir, avec probablement les fautes et coquilles habituelles

URL de cet article 12922
   
« Les déchirures » de Maxime Vivas
Maxime VIVAS
Sous ce titre, Maxime Vivas nous propose un texte ramassé (72 pages) augmenté par une préface de Paul Ariès et une postface de Viktor Dedaj (site Le Grand Soir).. Pour nous parler des affaires publiques, de répression et d’impunité, de management, de violences et de suicides, l’auteur (éclectique) convoque Jean-Michel Aphatie, Patrick Balkany, Jean-Michel Baylet, Maïté Biraben, les Bonnets rouges, Xavier Broseta (DRH d’air France), Warren Buffet, Jérôme Cahuzac, Charlie Hebdo, (…)
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