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Zelensky, l’offensive ukrainienne et le "mystère" des 10 000 hommes

Au-delà des considérations politiques et stratégiques plus larges, l'un des aspects les plus intéressants de l'offensive que les troupes ukrainiennes mènent dans la région russe de Koursk concerne le personnel militaire impliqué. Nous savons qu'il s'agit d'environ 10 000 hommes, et les vidéos provenant de la zone de combat témoignent du fait qu'il s'agit en grande partie d'unités d'élite, équipées des meilleures armes parmi les nombreuses fournies par les pays occidentaux. La question qui se pose alors est la suivante : comment et où les commandants ukrainiens ont-ils obtenu une force de frappe aussi importante et massive ? Et quels espoirs les Ukrainiens placent-ils dans cette expédition ?

Les Russes réagissent et il ne fait aucun doute qu’ils déploieront tous leurs moyens pour repousser les Ukrainiens au-delà de la frontière. Vladimir Poutine a envoyé son conseiller militaire personnel, le général Aleksej Dyumin, pour coordonner les opérations depuis Koursk, montrant ainsi qu’il veut suivre la crise de près (au fait, qu’est-il arrivé au ministre de la défense Andrei Belousov, soudainement silencieux ?). Pendant ce temps, les lignes de ravitaillement des Ukrainiens s’allongent et la dynamique de leur avancée est fortement réduite. Si l’opération se déroule bien, Zelensky aura une carte importante à jouer. Mais que se passera-t-il si elle se passe mal ? Si ses troupes sont, tôt ou tard, contraintes de battre en retraite après avoir subi des pertes importantes ? N’oublions pas non plus que les Russes n’ont déplacé aucune troupe hors du Donbas, où ils continuent d’attaquer.

Le sujet est important car, ces derniers temps, l’Ukraine a éprouvé de sérieuses difficultés à trouver de nouvelles recrues. Tous les programmes visant à persuader ou à forcer le retour au pays (par exemple en bloquant le renouvellement des documents dans les bureaux diplomatiques étrangers) des quelque 800 000 hommes valides qui se sont réfugiés dans les pays de l’UE se sont jusqu’à présent révélés infructueux. Et depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de mobilisation (avril 2024), les actions des patrouilles militaires chargées de "repérer" les hommes valides pour le service sont devenues de plus en plus agressives, dans certains cas carrément violentes. Et avec elles, le mécontentement évident de la population.

De ce point de vue, une importante sonnette d’alarme vient d’être tirée par les autorités ukrainiennes, dont nos médias ont bien sûr évité de parler. Il s’agit de Kovel, un centre de Volynie, donc de l’ouest de l’Ukraine, la partie la plus nationaliste du pays. À Kovel, une patrouille militaire a tenté d’enrôler de force trois hommes, mais s’est heurtée à l’opposition de la population, qui a même assiégé le district militaire. Après des moments de tension, les trois hommes ont été libérés et la manifestation a pris fin. Les responsables du district militaire ont tenté d’amortir l’échec en parlant, comme c’est souvent le cas, d’un complot russe.

Le succès de la manifestation de Kovel a été pris très au sérieux par les autorités ukrainiennes. Si l’exemple se répand, dans toute l’Ukraine, les parents, les connaissances et les amis des personnes mobilisées de force pourraient envisager de réagir, voire de recourir à la force. Ce n’est pas un hasard si l’administration présidentielle de Zelensky a immédiatement décidé de renforcer les mesures de sécurité dans les centres de recrutement du service militaire et de porter le nombre de conscrits valides à 150-200 000. Une armée, en somme, pour approvisionner l’armée en soldats. En outre, les fonctionnaires seront également impliqués dans la mise en œuvre de la conscription, dans l’espoir d’apaiser les tensions sociales.

Même à la lumière de cet épisode et d’autres, moins graves mais similaires, la question initiale reste posée : où Zelensky a-t-il "trouvé" les 10 000 hommes qu’il utilise depuis une semaine pour envahir la région russe de Koursk ? Est-il possible que ses forces disposent d’autant d’hommes (répétons-le aussi : des unités les mieux préparées et les plus combatives) pour s’engager à long terme dans une aventure à l’issue aussi incertaine ? La réponse la plus raisonnable semble encore être la suivante : l’objectif de l’offensive ukrainienne est à court terme et Koursk est une carte à jouer à court terme. Mais pour quoi faire ?

13 août 2024

 https://italienpcf.blogspot.com/2024/08/zelensky-loffensive-ukrainienne-et-le.html
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COMMENTAIRES  

15/08/2024 17:41 par montauba

La question n’est pas seulement comment l’Ukraine a rassemblé ces soldats. Ne peut-on imaginer des troupes de l’Otan sous uniforme Ukrainien ?
Par ailleurs, je trouve très surprenant que la Russie, qui est remarquablement informée, n’ait pas perçu, vu venir cette énorme troupe qui allait s’en prendre à sa frontière orientale.
Deux graves questions

15/08/2024 19:32 par RBOBA

Où Zelenski a-t-il trouvé les 10 000 hommes ? Peut-être une première réponse : des volontaires, non ! De différents pays de l’Otan ! Des mercenaires de partout et pas que des pays européens.

15/08/2024 23:06 par L'Ange qui passe

Cette offensive éclair, bien préparée à la barbe de l’état-major russe, ne laisse pas d’interroger.

Et quel en est le but ?
Affaiblir les bombardements massifs en Ukraine ?
Provoquer un retournement de l’opinion contre Poutine ?
Acquérir des territoires russes pour négocier une paix inévitable en position de force ?
Faire sauter la centrale nucléaire russe à proximité, pour plonger la Russie dans le chaos ?

Quoi qu’il en soit, la propagande occidentale se déchaîne et met à l’encan la peau de l’ours russe, mais pour l’instant ce dernier ne souffre que de blessures légères.

16/08/2024 13:44 par Vincent

Je ne sais plus où je l’ai vue ou lue, mais j’ai bien aimé l’analyse qui démontrait la corrélation entre cette offensive otanukrainienne et la remontée spectaculaire des cours du gaz.
Peut-être ne faut-il pas trop chercher ailleurs que l’intérêt spéculatif d’une telle opération, qui sur le plan militaire, outre l’aspect communicationnel, est une pure aberration.

16/08/2024 14:39 par J. Baud(comme la ceinture)

Nous savons qu’il s’agit d’environ 10 000 hommes,

oui, enfin, à nous le savon, ok, mais d’où viennent ces chiffres en fait ? L’un s’en va répétant 10 000, et toute la cohorte moutonnière de bêler 10 000...

Selon J.Baud, par exemple, c’est un chiffre largement surévalué (sur YT, chaîne Espoir et Dignité) ce serait plutôt 2000

17/08/2024 11:16 par michel PAPON

L’objectif pourrait être le dernier gazoduc qui dessert l’UE et dont l’arret, comme celui de la Baltique, permettrait aux USA d’obliger les européens à acheter le gaz US quatre fois plus cher !

18/08/2024 13:59 par danielle Bleitrach

on m’a envoyé le lien avec cet article qui est intéressant, voici quelques compléments :

Je parle après de longues discussions avec Marianne qui lit en Russe tous les commentaires et les discussions dans les réseux sociaux…
L’hypothèse que les commentateurs russes n’écartent pas est que les Ukrainiens sous la direction du général russe qui dirige actuellement est qui a reçu une formation soviétique c’est qu’a été inventé le faible recrutement en fait il y a eu un recrutment beaucoup plus pléthorique qui a été formé par les occidentaux, les USA et les britanniques en particulier à une sorte de guerilla rapide/ Le fait qu’il y aq la fois "terrorisme" et à la mode russe Maskirovska typique...

En ce moment les hypothèses se multiplient et aucune ne doit être écartée, parce qu’il y en une qui à peu près adoptée à l’unanimité c’est le rôle des USA et de l’OTAN. Il y eu une variante émise par un gars de Crimée qui fait toujours beaucoup de bruit mais n’est pas très sur qui dit que les Etats-Unis n"étaient pas dans le cou, c’est une fois de plus les britanniques.

24/08/2024 18:31 par Rémi

Je viens de lire cet article. Il pose de bonnes questions. Depuis , 9 a 10 jours se sont écoulés, et les pertes ukrainiennes avoisinent probablement les 4000 hommes, voir plus. LCI et Cie n’en parleront surement pas

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