Les administrateurs du site d’information ont été informés par Facebook, jeudi, que leur page avait été "dépubliée" en raison d’une "activité récente" qui "n’est pas conforme aux règles des pages Facebook". Lorsqu’une page Facebook n’est pas publiée, elle n’est plus consultable par le public, seulement par les administrateurs. Venezuela Analysis aura la possibilité de faire appel de la décision.
On ne sait pas exactement quelle activité spécifique a motivé la décision de FB.
Le site a réagi en disant : c’est une "tentative évidente de bloquer notre couverture locale de la situation sur le terrain au Venezuela. Avez-vous besoin de plus de preuves que [Facebook] est le bras armé des [médias grand public] pour censurer les voix alternatives ?"
Le site a également indiqué que sa page a été dépubliée après qu’il a posté un "article brillant qui démolissait la couverture lamentable des [médias grand public] sur la tentative d’assassinat contre le [président vénézuélien Nicolas Maduro", samedi.
L’organe d’information financé par ses lecteurs est une exception dans le paysage médiatique anglophone en raison de sa position pro-bolivarienne qui offre un contraste frappant avec l’essentiel de la couverture du Venezuela aux États-Unis, qui promeut généralement l’opposition vénézuélienne, en relayant servilement ses déclarations et en couvrant abondamment ses manifestations souvent violentes, tout en clouant le gouvernement élu au pilori.
Venezuela Analysis a reçu le soutien enthousiaste de beaucoup de personnalités d’influence. Le cinéaste John Pilger a écrit : "Jamais un pays, son peuple, sa politique, son dirigeant, ses mythes et ses vérités n’ont fait l’objet d’autant de mensonges et de contre-vérités que le Venezuela au cours de la dernière décennie. Non seulement [Venezuela Analysis] a fait beaucoup pour corriger cela par son respect scrupuleux des faits, qu’ils soient patents ou dissimulés, mais il offre une occasion unique de se livrer à une véritable analyse de l’un des mouvements populaires les plus imaginatifs du monde".
Le cinéaste Oliver Stone a déclaré : "Contrairement à la plupart des reportages des médias grand public sur les gouvernements d’Amérique latine, Venezuela Analysis fournit une contre-expertise qui ferait cruellement défaut sinon, en offrant une vision progressiste des développements au Venezuela, qui va au fond des choses et prend également en compte le point de vue des pauvres qui forment la majorité du pays."
Le linguiste et philosophe Noam Chomsky a écrit que le site "a régulièrement fourni une description, une analyse et des commentaires très utiles sur les développements au Venezuela, comme on en trouve rarement aux Etats-Unis ou en Occident en général, et indispensables à une compréhension équilibrée".
Tout le monde n’apprécie pas autant la couverture de Venezuela Analysis, cependant. Dans une dépêche des États-Unis révélée par WikiLeaks, le site figure sur une liste de sites Web dont se servirait soi-disant le gouvernement vénézuélien pour utiliser "libéralement, le cyberespace dans sa guerre contre l’oligarchie, le néolibéralisme, le gouvernement des États-Unis et le projet de Zone de libre-échange des Amériques."
La censure par FB de la page de "Venezuela Analysis" fait suite à la censure coordonnée de YouTube, Facebook et Apple du site Infowars, un média d’extrême droite. Toutes les dérives sont à craindre si des entreprises de technologie se mettent à décider toutes seules de ce qu’il est permis de dire.
Cette censure fait également suite à la suppression de quelque 32 pages par Facebook, dont une manifestation organisée par des militants de gauche de Washington, contre un rassemblement d’extrême droite organisé en commémoration du rally meurtrier de Unite the Right à Charlottesville, Virginie en 2017, qui était truffé de slogans et de symboles néonazis. L’un des six organisateurs de la manifestation de Washington a été accusé d’avoir eu une activité compatible avec des trolls présumés du Kremlin.
Facebook a intensifié sa recherche des opinions alternatives depuis le rapport du directeur du renseignement national de janvier 2017 sur "les activités et les intentions de la Russie dans les récentes élections américaines" dont la moitié des pages était consacrées à détailler des allégations douteuses contre RT et Spoutnik, et qui disait notamment que ces médias cherchaient à fomenter une "agitation radicale" au profit du Kremlin.
Depuis, Twitter a interdit à RT et à Sputnik de faire de la publicité sur sa plate-forme, et Google a "dé-listé" les deux médias de sa page de recherche Google News, ce qui a fait dire à Ivor Crotty, le directeur des médias sociaux de RT, dans un tweet ironique sur le traitement algorithmique défavorable de RT par Facebook, que Facebook était "un bon Américain".
Facebook s’est associé au Conseil de l’Atlantique - financé par l’OTAN, des États du Golfe et des entreprises d’armement - pour éliminer les soi-disant fausses nouvelles de sa plate-forme. Le rival régional du Venezuela, la Colombie, que le gouvernement vénézuélien a accusé d’avoir participé à la récente tentative d’assassinat contre Maduro, est devenu en juin le premier "partenaire mondial" de l’Amérique latine de l’OTAN.
Il va sans dire que les positions du think tank sur la Russie sont celles des faucons purs et durs, mais ses positions sur le successeur d’Hugo Chavez sont également celles du Département d’Etat américain. Le Conseil de l’Atlantique prétend que le leader bolivarien démocratiquement élu Maduro a entraîné le Venezuela "dans la pire crise économique et humanitaire de son histoire", et appelle les Etats-Unis à "intensifier les sanctions économiques contre le Venezuela dans le cadre d’une stratégie visant à modifier le comportement autoritaire de Maduro ".
Venezuelanalysis
Traduction : Dominique Muselet