La récente visite à Paris du Président panaméen MARTINELLI a été fructueuse. Bien qu’il n’ait pas été reçu avec beaucoup d’éclat, le Président panaméen est à la tête d’un Etat latino-américain politiquement à droite comme la Colombie, le Chili, le Costa-Rica et le Honduras et ne peut donc qu’être apprécié par les autorités françaises.
Bien que son gouvernement soit rudement contesté à l’intérieur, que ce soit par les travailleurs agricoles des grandes plantations bananières ou les tribus indigènes qui refusent de voir leur territoire bouleversé par des sociétés minières internationales , il avance dans son projet de faire de Panama une sorte de DUBAI latino-caribéen, ambition que viendra symboliser le doublement en cours du canal.
Les investisseurs étrangers montrent donc un intérêt soutenu pour ce petit pays. Ils sont pourtant freinés par le fait que le Panama a mauvaise réputation et a été classé dans la « liste grise » des paradis fiscaux établie par l’OCDE et l’on sait que la chasse aux paradis fiscaux fait partie du discours convenu resservi à chaque sommet où il est question de la « crise économique et financière ». De temps en temps il faut bien faire quelques gestes qui confirment les propos officiels. Comme nous le relations en Juillet 2010, la BNP PARIBAS a dû fermer son agence à Panama.
Mais ces gestes ne peuvent cacher longtemps la pression des intérêts capitalistes et la France cherchait depuis à ré-émerger sur le marché panaméen.
L’occasion lui a été offerte par le cas NORIEGA.
Celui-ci, bien que condamné en 2010 à sept ans de réclusion pour blanchiment d’argent par la Justice française, va quitter sa prison française et n’accomplira sans doute jamais le reste de sa peine. Il va être livré au Panama où d’autres procès l’attendent pour différentes atteintes aux droits de l’homme commises du temps où, appointé par la CIA (*), il était, de 1983 à 1989 le véritable maitre du pays en qualité de commandant de la garde nationale.
En satisfaisant la demande d’extradition, déjà ancienne, du gouvernement panaméen, le gouvernement français sort en quelque sorte le Panama de la liste noire des pays pas très présentables et obtient en échange le droit pour les firmes françaises d’accéder aux marchés publics panaméens. Il ne s’agit pas de perspectives théoriques mais de projets immédiats.
Les entreprises françaises de BTP n’avaient pas été retenues pour la première phase des travaux de doublement du canal consistant principalement en opérations préparatoires à la construction des nouvelles écluses (terrassements, viabilisation…). Elles pourront postuler pour la seconde (la construction des écluses elles-mêmes) le nouveau canal devant être mis en service en 2014.
La deuxième cible française est la construction du métro de Panama qui intéresse toute la filière ferroviaire française, du matériel roulant, à la signalisation et à la billettique.
En ces temps de déséquilibre prolongé du commerce extérieur, le gouvernement français n’allait pas continuer longtemps à faire la fine bouche sur le marché panaméen, paradis fiscal ou pas. La livraison de Noriega s’imposait.
Elle suscitera et suscite déjà quelques remous au Panama. En effet le code pénal panaméen prévoit qu’un inculpé âgé de plus de 70 ans -Noriega a 78 ans - peut ne pas être incarcéré et simplement assigné à résidence. Les plaignants - des familles de citoyens panaméens assassinés du temps de la dictature de Noriega - ne trouvent pas cette douceur de traitement à leur goût. D’autre part NORIEGA ne dirigeait pas seul le pays et certains de ses collaborateurs - donc des complices - sont encore sur place.
Elle peut également embarrasser les Etats-Unis car c’est bien un de leurs collaborateurs directs qui va devoir rendre publiquement des comptes sur son action en tant que quasi chef d’Etat devant la justice panaméenne. Le procès à venir ne pourra pas non plus éviter que soit rappelé que le limogeage de NORIEGA en Décembre 1989 par celui même qui l’avait recruté du temps où il dirigeait la CIA , un certain George H.W. BUSH, avait été une opération militaire brutale conduite par le même BUSH devenu Président et COLIN POWELL, alors chef d’Etat-major, qui avait fait 3000 morts à Panama et 30 000 sans abri.
COMAGUER
* D’après les auteurs étasuniens qui se sont penchés sur son cas, Noriega issu d’un milieu très pauvre, orphelin très jeune, devient boursier de la CIA quand il est formé à l’école des officiers de Chorillos au Pérou. Il ne touche à l’époque que 5 dollars par mois en tant qu’agent débutant mais renseigne sur les partis de gauche et les étudiants péruviens. Il passe ensuite par la fameuse ECOLE DES AMERIQUES dont il est diplômé en 1967 spécialisé en contre insurrection et combats dans la jungle avant d’être recruté comme « patron » du Panama par BUSH qui lui fait allouer par la Centrale des sommes qui, selon les sources, varient entre 100 000 et 500 000 dollars par an. NORIEGA avait vite compris qu’en prélevant au passage une partie de la commission occulte encaissée par la CIA sur le trafic de la cocaïne colombienne il pouvait gagner beaucoup plus. Mais , comme on dit, pour manger avec le diable, il faut une longue cuillère !