La justice étasunienne attaque une grande entreprise française travaillant à Cuba

photo : Porte conteneurs en escale à Port Mariel

Le gouvernement cubain a lancé en 2013 une zone spéciale de développement dans le port de Mariel. Cette zone est destinée à accueillir des investissements étrangers dans des conditions fiscales et douanières privilégiées et à positionner Cuba dans le trafic maritime international très actif dans cette zone voisine du canal de Panama. En 2016 faisant suite au dégel diplomatique consécutif à la visite de François Hollande à Cuba la compagnie français CMA CGM, 3° transporteur mondial de conteneurs, a créé un terminal portuaire à Mariel. Son activité s’y poursuit en compagnie de sa filiale logistique CEVA. Depuis cette date des navires opérés par cette compagnie française font régulièrement escale dans ce port cubain.

Mais la CMA CGM vient d’être poursuivie par un tribunal étasunien en application de la loi Helms Burton. On peut trouver une excellente description des dispositions de cette loi et de son caractère illégal au regard du droit international dans le Journal officiel de la République française (voir ci-après).

Loi américaine Helms-Burton
10e législature
Question écrite n° 17434 de M. Xavier de Villepin (Français établis hors de France - UC)
publiée dans le JO Sénat du 12/09/1996 - page 2315
M. Xavier de Villepin attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la loi américaine Helms-Burton à l’encontre de Cuba. Cette législation vise à un renforcement de l’embargo exercé par les Etats-Unis et ouvre des facultés de rétorsion de caractère extraterritorial. Il souhaiterait donc savoir si la France envisage d’intervenir auprès de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce. La question se pose également pour la loi américaine d’Amato. Il serait intéressant de savoir si nos entreprises ne seront pas directement on indirectement affectées par ces législations d’inspiration profondément unilatérales.

Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée dans le JO Sénat du 17/10/1996 - page 2701

Réponse. - La loi américaine dite Helms-Burton prévoit des sanctions à l’encontre d’entreprise et de particuliers d’Etats tiers supposés profiter de biens ayant appartenu à des ressortissants américains et expropriés par le Gouvernement cubain. Elle comporte des dispositions d’application extraterritoriale qui sont contraires au droit international et aux engagements internationaux des Etats-Unis. Plusieurs actions ont été engagées pour empêcher la mise en oeuvre de ce texte. Une étroite concertation entre les pays membre de l’Union européenne a permis d’engager diverses initiatives politiques (déclaration de l’Union, démarches auprès des autorités américaines). La procédure de règlement des différends prévue par le traité OMC a également été actionnée ; elle pourrait aboutir à la constitution prochaine d’un panel, la procédure de conciliation n’ayant pas donné de résultats. Enfin, la commission a reçu mandat du Conseil d’élaborer une législation " en miroir ", qui permettrait aux entreprises européennes de se prémunir contre les effets de la loi Helms-Burton. De son côté, la France s’est engagée à titre national dans la préparation d’une législation analogue qui donnerait aux sociétés françaises concernées par la loi Helms-Burton la possibilité de protéger leurs intérêts devant les tribunaux. Ces actions ont d’ores et déjà obtenu des résultats, puisque le Président des Etats-Unis a suspendu le droit ouvert à d’anciens propriétaires de biens expropriés d’attaquer en responsabilité civile devant les tribunaux américains les investisseurs ayant acquis les biens concernés. Ce premier pas, encourageant, n’est pas suffisant. Aussi, la France et l’Union européenne continuent-elles d’étudier et de mettre en place les diverses mesures adéquates. Il en va de même pour la loi d’Amato, qui institue un embargo secondaire contre l’Iran et la Libye (sanctions contre les entreprises d’Etats tiers effectuant des investissements nouveaux dans le secteur des hydrocarbures supérieurs à 40 millions de dollars dans ces deux pays). Des contre-mesures sont à l’étude au sein de l’Union européenne. Une action précontentieuse a été engagée à l’OMC. Aucune entreprise française n’a pour le moment été directement affectée par les lois Helms-Burton et d’Amato, ce qui ne signifie pas que nos entreprises ne puissent pas être touchées à l’avenir. En tout état de cause, l’effet de ces législations est avant tout dissuasif : elles visent autant à décourager l’investisseur potentiel qu’à sanctionner l’investisseur effectif. Aussi les autorités françaises, comme l’Union européenne dans son ensemble, sont-elles déterminées à réagir fermement et à assurer celles de nos entreprises qui hésitent à investir qu’elles seront défendues.
Erratum : JO du 31/10/1996 p.2865

On notera au passage que la fermeté ainsi affichée par la diplomatie française en 1996 ne semble plus de mise aujourd’hui.

La plainte émane d’une famille cubano-étasunienne de Miami qui, pour faire simple, prétend que la CMA CGM lui a volé sa place sur les quais de Mariel qu’elle a quittés en 1959.

Voir https://www.docdroid.net/xqjfqwW/demanda-familia-cubanoamericana-pdf

La CMA CGM risque une amende de 1 milliard de dollars.

Cette action est une démonstration flagrante que la politique anti cubaine de l’équipe Biden ne le cède en rien à celle de l’équipe Trump.

Question : La République française qui en Juin à l’ONU a voté pour la levée de l’embargo sur Cuba va-t-elle élever la voix et protester ?

COMMENTAIRES  

16/08/2021 09:33 par Autrement

On voit une fois de plus que les USA ont d’ores et déjà franchi toutes les lignes rouges qui peuvent distinguer un État de droit d’une association de gangsters et de tueurs (on voit d’ailleurs l’origine de l’histoire dans le film de Scorsese, "Gangs of New-York" : comment les mafieux se sont installés pignon sur rue et sont devenus des notables politiques éligibles et élus ; voir aussi Howard Zinn).

La fameuse "loi Helms-Burton" est une parfaite illustration de la façon dont le Capital déguise en Droit et érige en Loi (à faire appliquer y compris par les armes, les ravages et les massacres, voir l’Afganistan !) la plus sordide "raison du plus fort". La duperie du "Droit" prétendument indépendant des intérêts de classe est ici évidente.
Comme l’est la multiplication récente des abus liés à une utilisation du Droit, au prix d’arguties rhétoriques révoltantes, comme moyen de persécution bassement politicien.

Face à cela, l’attitude de l’UE et de la France est aussi plate et lâche que les Accords de Münich.

Non qu’il faille défendre en soi les affaires de CMA CGM CEVA (un transporteur mondial de conteneurs devrait être nationalisé et obéir à des lois d’intérêt général), mais cette entreprise a un accord avec Cuba, accord que l’État français se doit de faire respecter, et c’est aussi l’intérêt de la France qu’une entreprise française ne soit pas régie par une loi extra-territoriale contraire au droit international.

On attend en effet (sans illusion...) qu’une affaire de cette sorte fasse la Une des médias (allez les patriotes en carton !), et que nos gouvernements soient forcés de réagir plus efficacement qu’en paroles diplomatiques.

Il faut enfin isoler la Bête dans l’opinion, et rendre toute sa légitimité au droit à l’insurrection !

Avec une pensée supplémentaire pour le cas d’exra-territorialité du procès Assange, où s’étale toute l’ignominie et l’hypocrisie dont se couvre la barbarie USA-RU-UE et ses servants médiatiques.

"Contre nous de la tyrannie..." et la suite...

16/08/2021 15:06 par Ellilou

L’extraterritorialité des lois des Etats-Unis est LA preuve (que seuls ignorent, les imbéciles, les naïfs et les pourris) que les autres pays du "monde libre", nos belles démocraties occidentales, ne sont que des lâches et des laquais !
Viva Cuba !

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