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Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air

J’aime quand les choses se déroulent ainsi, et que tout devient plus clair.

Au début il y eut la révolte des Tunisiens. Un silence gêné suivit les premières manifestations et les premiers morts, et puis il eut la fameuse "bourde" de madame Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères, qui proposa l’aide sécuritaire de la France au régime de Ben Ali. On arrêta in extremis des cargaisons de grenades lacrymogènes à destination de la Tunisie, et on avoua la faute à demi-mot : le gouvernement n’avait pas pris la mesure de la situation des Tunisiens. Il s’avérait qu’en effet (après vérification ?) le régime de Ben Ali était bel et bien une dictature, dont les membres ont volé et affamé leur peuple depuis plus de vingt ans…

Et bien aujourd’hui, ceux qui se demandaient comment un tel aveuglement était possible ont leur réponse : vue à travers les hublots d’un jet, on voit beaucoup moins bien.
Plus sérieusement, la polémique enfle depuis quelques jours à propos des voyages de la ministre, effectués à bord d’un jet privé appartenant à un homme qui, s’il n’était pas proche de monsieur Ben Ali, ne devait pas se trouver non plus bien proche des préoccupations populaires des Tunisiens. Malgré les ratés de la communication gouvernementale à ce sujet et les nombreux appels à la démission de la ministre, cette dernière reçut pourtant le soutien du président et du premier ministre, et jura qu’on ne l’y prendrait plus.

De nombreux analystes jugèrent que la faute méritait tout de même démission, et qu’en d’autres Etats elle serait déjà effective. Mais qu’à cela ne tienne : le pays des droits de l’homme n’a pas de leçons à recevoir de quiconque, et madame Alliot-Marie restera en place, en dépit de l’incompréhension générale.

Or aujourd’hui nous apprenons les véritables raisons du maintien de la ministre à son poste, et surtout celles du soutien que lui a apporté le gouvernement : monsieur Fillon, le premier ministre, a lui-même bénéficié durant les vacances de noël des largesses du gouvernement égyptien, en passant ses vacances aux frais du régime si contesté aujourd’hui, celui-là même qui tente encore d’étouffer la contestation populaire par tous les moyens possibles.

Imaginez-donc la situation ! Que se passerait-il si madame Alliot-Marie avait du démissioner ? Monsieur Fillon devrait-il en faire de même ? Cela deviendrait bien vite une affaire d’Etat !

Car avec ce nouvel élément mis en lumière, c’est tout le tableau qui s’éclaire, et on comprend mieux la frilosité du gouvernement Français à réclamer le départ du "président" Egyptien… ainsi que son volontaire soutien apporté à la ministre française. Des vacances tous frais payés à un premier ministre par le dirigeant d’un pays qui, ces dernières semaines, a démontré à la face du monde toute sa monstruosité, cela fait mauvais genre pour notre belle démocratie. D’autant que, dans le cas de madame Alliot-Marie comme dans celui du premier ministre, cela signifie que leurs petits écarts ont en réalité été financés par… l’argent volé respectivement aux peuples Tunisien et Egyptien !
Nous avons ici réunis tous les éléments expliquant la réaction française face aux évènements historiques qui se déroulent en Tunisie et en Egypte, éléments et réaction qui devraient nous faire réfléchir à l’état de notre propre démocratie. Se trouve aujourd’hui établie une connivence certaine doublée d’une hypocrisie totale, car tous savons que le gouvernement ne pouvait ignorer la corruption de ces deux régimes (rien que le fait d’être élu plus de vingt ans de suite aurait du leur sembler louche…. ), et qu’il continuait malgré cela à profiter des largesses de ces deux régimes autoritaires.

Pour conclure sur la conduite à tenir maintenant, je voudrais reprendre les paroles du premier ministre lui-même qui hier, dans un beau discours (du 7 février 2011) à l’adresse de la justice (oui, de la justice, quelle ironie !), parlait de fautes et de responsabilité : je le lui retourne donc à son adresse, en n’y apportant que quelques corrections minimes, effectuées entre [ ]

"Les magistrats [ministres] jugent [agissent] au nom du peuple français. L’autorité judiciaire [le gouvernement] tire sa légitimité de ce principe.

Et bien, c’est au nom de ce principe que tous les acteurs de la chaîne pénale [gouvernementale] doivent la transparence à la société toute entière ! C’est au nom de ce principe que l’exécutif se doit de respecter et de garantir le fonctionnement de la Justice ! C’est aussi et enfin au nom de ce principe que nous devons collectivement refuser l’idée de la fatalité !

La fatalité ne peut être une excuse collective. Nous tous, nous devons rendre des comptes aux Français.

Quand un drame horrible survient [comme la répression vilolente de l’expression démocratique], rien n’est pire qu’un système qui se referme sur ses certitudes.
Si des fautes sont relevées par ces inspections, dont nous connaîtrons bientôt les conclusions, elles seront sanctionnées. C’est légitime.

Chacun doit assumer la responsabilité des conséquences des décisions qu’il prend.

Ce devoir de responsabilité est la contrepartie des hautes missions dévolues aux magistrats [ministres], aux personnels de l’administration pénitentiaire, aux personnels de la police et de la gendarmerie [à l’administration française]. Dois-je préciser que leur statut prévoit des procédures et des garanties s’ils sont mis en cause dans l’exercice de leurs fonctions. La Constitution elle-même prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature puisse être saisi par les citoyens qui reprochent une faute aux magistrats [en fait pour les minsitres il me semble que seule une cour spéciale puisse le faire].

Si les inspections en cours révélaient des dysfonctionnements collectifs ou des insuffisances dans l’organisation de la chaîne pénale [gouvernementale], nous avons le devoir de prendre des mesures de correction, pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise."

Maintenant, il faut le prendre au mot.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

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