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"Tout n’était que mensonges" : comment l’armée américaine a couvert l’assassinat de deux journalistes en Irak (The Guardian)

L’ancien journaliste de Reuters Dean Yates était responsable du bureau de Bagdad lorsque ses collègues irakiens Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh ont été tués. Une vidéo de WikiLeaks intitulée "Collateral Murder" (Meurtre collatéral) a ensuite révélé les détails de leur mort

Malgré les innombrables propos de l’armée américaine sur l’assassinat des journalistes irakiens de Reuters Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh, leur collègue Dean Yates en a deux à lui : "Tout n’était que mensonges ."

L’ancien chef du bureau de l’agence Reuters à Bagdad en a également encrés sur son bras - une déclaration permanente sur la façon dont ces mensonges "m’ont foutu en l’air", alors qu’il a d’abord blâmé Namir - injustement - et ensuite lui-même pour les meurtres.

Le tatouage sur son épaule gauche est un ruban vert bouclé portant les mots "Iraq, Bali et Aceh". Aux points opposés du ruban sont inscrits PTSD et Fight Back, Moral injury et 12 juillet 2007.

L’expérience de Yates lors des attentats à la bombe de Bali en 2002 et du tsunami du lendemain de Noël en 2004 a été à l’origine de son stress post-traumatique, mais le 12 juillet 2007 est le jour qui a changé irrévocablement sa vie - tout en mettant fin violemment à celle de Namir et de Saeed. C’est aussi le jour qui l’a lié par un fil de vérité au co-fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, qui allait devenir, trois ans plus tard, le hacker-éditeur-activiste le plus tristement [sic !- NdT] célèbre du monde avec la divulgation de milliers de secrets militaires américains classés.

Parmi eux figurait une vidéo de WikiLeaks intitulée Collateral Murder, filmée depuis un hélicoptère Apache de l’armée américaine alors qu’il mettait en pièces Namir, 22 ans, et Saeed, 40 ans, ainsi que neuf autres hommes, tout en blessant gravement deux enfants.

Les États-Unis poursuivent leurs efforts juridiques pour extrader [kidnapper - NdT] Assange d’une prison britannique, où il est placé en détention préventive dans un état de santé précaire, afin de répondre à des allégations d’espionnage. Il est instructif de noter que l’acte d’accusation américain détaillé de 37 pages ne mentionne pas Collateral Murder - la vidéo qui a causé au gouvernement et à l’armée américains plus de dommages à leur réputation que tous les autres documents secrets réunis, et qui a fait de WikiLeaks et d’Assange le principal ennemi mondial du secret d’État.

Les États-Unis craignent-ils que la référence à cette vidéo ne donne lieu à des accusations de crimes de guerre contre le personnel militaire impliqué dans l’attaque ? Il est certain que le fait d’inclure la vidéo dans le dossier de l’accusation contre M. Assange ne pourrait que justifier son rôle dans la révélation des mensonges de l’armée américaine sur les meurtres horribles.

De fortes lamentations ont éclaté

Au début du 12 juillet 2007, M. Yates s’est assis dans le "bureau des créneaux" du bureau de Reuters dans la zone rouge de Bagdad. Il était prêt à faire face aux événements habituels : un attentat à la voiture piégée alors que les Irakiens se rendaient au travail, une frappe militante sur un marché, la police ou l’armée irakienne. C’était plus calme que d’habitude.

Yates se souvient : "Je me souviens encore du visage angoissé du collègue irakien qui a défoncé la porte. Un autre collègue a traduit : "Namir et Saeed ont été tués."

Le personnel de Reuters s’est rendu en voiture dans le quartier d’al-Amin où Namir avait dit à ses collègues qu’il allait vérifier une possible attaque aérienne américaine à l’aube. Des témoins ont déclaré que Namir, un photographe, et Saeed, un chauffeur/réparateur, avaient été tués par les forces américaines, probablement lors d’une attaque aérienne au cours d’un affrontement avec des militants.

Yates a envoyé un e-mail au porte-parole de l’armée américaine en Irak et a téléphoné à un rédacteur en chef de Reuters pour lui annoncer la nouvelle.

Alors que le bureau était dans une crise de colère et de deuil, Yates devait encore écrire les premiers articles sur les deux hommes tués sous sa surveillance. Il a d’abord écrit qu’ils étaient morts dans ce que la police irakienne appelait "l’action militaire américaine".

Yates raconte : "Les photos prises par nos photographes et cameramen montraient un minivan sur les lieux, dont l’avant était mutilé par une puissante force de percussion ... Il y avait beaucoup de choses que nous ne savions pas. Les soldats américains avaient saisi les deux appareils photo de Namir, nous ne pouvions donc pas vérifier ce qu’il avait photographié".

En début de soirée, le porte-parole militaire n’avait toujours pas répondu. Yates a fait pression pour qu’il réponde - et pour que les appareils photo de Namir lui soient rendus. Peu après minuit, l’armée américaine a publié une déclaration en gros titre : "Lors de combats à New Baghdad, les forces américaines et irakiennes tuent 9 insurgés, en détiennent 13".

Elle citait un lieutenant américain qui disait : "Neuf insurgés ont été tués lors de la fusillade qui a éclaté. Un insurgé a été blessé et deux civils ont été tués au cours de la fusillade. Les deux civils étaient des employés du service d’information de Reuters. Il ne fait aucun doute que les forces de la coalition étaient clairement engagées dans des opérations de combat contre une force hostile".

Yates, secouant la tête, déclare : "Les affirmations américaines selon lesquelles Namir et Saeed ont été tués lors d’un échange de tirs n’étaient que des mensonges. Mais je ne le savais pas à l’époque, alors j’ai modifié mon article pour tenir compte de la déclaration de l’armée américaine".

Ce fut une période choquante pour le personnel local des organisations de presse étrangères à Bagdad. Le 13 juillet, le jour des funérailles de Namir et de Saeed, Khalid Hassan, reporter/traducteur du New York Times, a été abattu.

Après les funérailles, Yates a fait pression sur l’armée américaine pour obtenir les caméras de Namir et l’accès aux caméras et aux enregistrements air-sol concernant l’Apache qui a tué ses collègues.

Le 14 juillet, Yates a appris que des militants avaient assassiné un traducteur irakien de Reuters.

Dans le but de sauver la vie de ses employés, il a commencé à collaborer avec d’autres responsables d’organismes de presse étrangers afin d’engager le dialogue avec l’armée américaine pour mieux comprendre ses règles d’engagement.

"Nous avons traité avec eux en toute bonne foi", dit-il. "Au final, ce n’était qu’une farce."

Meurtre de sang-froid

Le 15 juillet, l’armée américaine a rendu les caméras de Namir. Namir avait photographié les conséquences d’un tir précédent et, quelques minutes plus tard (juste avant sa mort), des Humvees de l’armée américaine à un carrefour proche. Il n’y avait pas de photos de tireurs insurgés ni d’affrontements avec les forces américaines. Les date et heure montrent que trois heures après la mort de Namir, son appareil photo a photographié un soldat américain dans un baraque ou une tente. Les troupes qui ont nettoyé la scène du crime ont manifestement joué avec ses appareils photo après la mort de Namir.

L’équipe de Reuters avait déjà parlé à 14 témoins à al-Amin. Tous ont déclaré qu’ils n’avaient pas connaissance d’une fusillade qui aurait pu provoquer l’attaque de l’hélicoptère.

Yates se souvient : "Les mots qui n’ont cessé de se former sur mes lèvres étaient "meurtre de sang-froid"."

Le personnel irakien de Reuters, quant à lui, craignait que le bureau soit trop mou envers l’armée américaine. "Mais je ne pouvais écrire que ce que nous pouvions établir et l’armée américaine insistait sur le fait que Saeed et Namir avaient été tués lors d’un affrontement", dit Yates.

La réunion qui l’a mis sur la voie d’une culpabilité et d’un sentiment de culpabilité destructeurs, paralysants - et finalement suicidaires - "qui m’ont fondamentalement foutu en l’air pendant les 10 années suivantes", le laissant dans un état de "préjudice moral", s’est déroulée au quartier général de l’armée américaine dans la zone verte le 25 juillet.

Yates et un collègue de Reuters ont rencontré les deux généraux américains qui avaient supervisé l’enquête sur les meurtres de Namir et de Saeed.

Ce fut une longue réunion, officieuse. Les généraux ont révélé une foule de détails, leur disant qu’un bataillon américain avait recherché les milices responsables des bombes de bord de route. Ils avaient fait appel à des hélicoptères de soutien après avoir essuyé des tirs. Un Apache avait l’indicatif d’appel Crazy Horse 1-8.

"Ils ont décrit un groupe d’hommes repérés par cet Apache," dit Yates. Certains semblaient être armés et le Crazy Horse 1-8 ... avait demandé la permission de tirer parce qu’on nous avait dit que ces hommes étaient des "hommes d’âge militaire" ... et qu’ils semblaient avoir des armes et qu’ils agissaient de façon suspecte. On nous a donc dit que ces hommes sur le terrain ont été attaqués."

Les généraux leur ont montré des photos de ce qui avait été collecté après la fusillade, dont "deux AK-47 [fusils d’assaut], un lance-roquettes et deux appareils photo".

"Je me suis demandé pendant de nombreuses années quelle part de cette réunion avait été soigneusement chorégraphiée pour que nous repartions avec une certaine impression de ce qui s’était passé. Eh bien, pendant un certain temps, ça a marché", dit Yates.

Il y a eu des discussions sur ce qui autorisait Crazy Horse 1-8 à ouvrir le feu alors qu’il n’y avait pas d’échanges de tirs. L’un des généraux a insisté sur le fait que les morts étaient "d’âge militaire" et, parce qu’ils étaient apparemment armés, ils "exprimaient donc une intention hostile".

Yates dit : "Puis ils ont dit, ’OK, nous allons vous montrer quelques images de la caméra du Crazy Horse 1-8’".

Les généraux leur ont montré environ trois minutes de vidéo, en commençant par un groupe comprenant Saeed et Namir dans la rue.

"Nous avons entendu le pilote demander la permission de tirer." Après que le pilote ait reçu la permission, les hommes ne sont plus visibles. L’hélicoptère se déplace pour avoir une vue dégagée.

Yates raconte : "Lorsque l’hélicoptère tourne en rond, on peut voir Namir se diriger vers un coin et s’accroupir en tenant quelque chose - son appareil photo à objectif long - et prendre des photos de Humvees. L’un des membres de l’équipage dit : "Il a une grenade"... Il est clairement agité. Et puis 15, 20 secondes plus tard, l’équipage a une vue dégagée... Je regarde Namir accroupi avec son appareil photo que le pilote pense être un lance-roquettes et ils sont sur le point d’ouvrir le feu. Je vois alors un homme que je crois être Saeed qui s’éloigne et qui parle au téléphone. Puis des tirs les touchent. J’ai la tête dans les mains ... Les généraux arrêtent la bande."

Les généraux ont minimisé un incident qui s’était déroulé peu après, en disant qu’une camionnette s’était arrêtée et que le Crazy Horse 1-8 a estimé qu’elle aidait les insurgés, en leur récupérant leurs corps et leurs armes.

"A un moment donné, après avoir regardé ces images, je me suis dit que si l’hélicoptère avait ouvert le feu, c’était parce que Namir regardait dans le coin. J’en suis venu à blâmer Namir pour cette attaque, pensant que l’hélicoptère avait tiré parce qu’il s’était fait passer pour suspect et cela a juste effacé de ma mémoire le fait que l’ordre d’ouvrir le feu avait déjà été donné. Ils allaient ouvrir le feu de toute façon. Et la seule personne qui a récupéré ça, c’est Assange. Le jour où il a diffusé la cassette [5 avril 2010], il a dit que l’hélicoptère avait ouvert le feu parce qu’il avait demandé et obtenu une autorisation. Et il a dit quelque chose comme : "Si c’est dans le respect des règles d’engagement, alors les règles d’engagement sont mauvaises."

Reuters a demandé l’intégralité de la vidéo. Le général a refusé, disant que Reuters devait la demander en vertu des lois sur la liberté d’information. L’agence l’a fait, mais ses demandes ont été refusées.

Au cours de l’année suivante, Yates a vérifié si elle avait été publiée. Pendant ce temps, lui et d’autres dirigeants d’agences de presse étrangères ont continué leurs réunions de bonne foi avec divers généraux américains afin d’améliorer la sécurité de leur personnel à Bagdad.

À l’occasion de l’anniversaire des assassinats de Namir et de Saeed, Yates a voulu rompre l’accord officieux avec les généraux. Il a fait valoir qu’il s’était écoulé suffisamment de temps pour que le Pentagone remette la cassette à Reuters. Ses supérieurs ont insisté pour que l’accord soit respecté. Un passage de l’article qu’il a écrit pour l’anniversaire disait : "La vidéo de deux hélicoptères américains Apache et des photographies de la scène ont été montrées aux rédacteurs de Reuters à Bagdad le 25 juillet 2007 lors d’un briefing officieux."

Yates est resté à Bagdad jusqu’en octobre 2008. Il n’a pas reçu la vidéo complète. Reuters a continué à la demander. Yates a été réaffecté à Singapour. Il présentait des symptômes de stress post-traumatique, notamment une aversion au bruit et un engourdissement émotionnel. Il évitait tout ce qui avait trait à l’Irak et avait des troubles du sommeil.

Le 5 avril 2010, lorsque Wikileaks a publié Collateral Murder au National Press Club de Washington, se rendant ainsi célèbres (et exposant la façon dont les États-Unis ont mené la guerre en Irak sur le terrain), Yates était hors de portée, se promenant dans le parc national de Cradle Mountain pendant des vacances en Tasmanie avec sa femme, Mary, et leurs enfants.

Namir et Saeed seraient restés des statistiques oubliées dans une guerre qui a tué d’innombrables combattants irakiens, des centaines de milliers de civils et plus de 4 400 soldats américains, sans Chelsea Manning, analyste du renseignement militaire américain à Bagdad. En février 2010, Chelsea Manning, alors âgée de 23 ans, découvre la vidéo Crazy Horse 1-8 et la transmet à WikiLeaks. Le mois précédent, Manning avait divulgué à WikiLeaks 700 000 documents militaires américains classifiés sur les guerres en Irak et en Afghanistan. Assange a dévoilé la vidéo Crazy Horse 1-8 (une version de 17 minutes et la version complète de 38 minutes sont toujours sur le site de WikiLeaks). La vidéo a été reprise par des milliers d’organisations de presse dans le monde entier, suscitant l’indignation et la condamnation mondiales des tactiques militaires américaines en Irak - et faisant de WikiLeaks un diseur de vérité controversé, un éditeur et un ennemi critique du secret d’État. WikiLeaks a ensuite rendu publique la base de données contenant 700 000 documents.

Regardez ces salauds morts

Collateral Murder est un spectacle affligeant. Le carnage provoqué par les tirs de canons de 30 mm de l’hélicoptère Apache est dévastateur. La vidéo montre l’artilleur qui suit Namir alors qu’il trébuche et tente de se cacher derrière des ordures avant que son corps n’explose au moment où les projectiles frappent la maison.

Les paroles de l’équipage sont écoeurantes.

Il y a cela, après que Namir et d’autres aient été déchiquetés :

 "Regardez ces salauds morts."
 "Joli."

Et ça :

 "Joli tir."
 "Merci."

Saeed survit aux premiers tirs. L’hélicoptère continue de tourner, avec Saeed dans son viseur, alors qu’il rampe, gravement blessé et désespéré de vivre.

"Allez mon pote... tout ce que tu as à faire, c’est de prendre une arme", dit l’artilleur, impatient d’en finir avec Saeed.

Une camionnette s’arrête. Deux hommes, dont le chauffeur (dont les enfants sont à l’arrière), aident Saeed, qui est mourant, à monter dans la camionnette.

On entend encore des discussions agitées au sujet de la camionnette. Le Crazy Horse 1-8 ne tarde pas à l’attaquer.

"Ouais, regarde ça. En plein dans le pare-brise."

Deux jours après la diffusion de la vidéo par Assange, Yates émerge de Cradle Mountain. Il a mis des heures à allumer son téléphone et à vérifier ses courriels, pour finalement apprendre l’existence de Collateral Murder dans un journal local.

"C’était l’horreur totale - Saeed essayait de se relever depuis environ trois minutes quand ce bon samaritain s’est arrêté avec sa fourgonnette et que l’Apache a ouvert le feu et les a simplement éliminés - c’était totalement traumatisant".

Yates a immédiatement pensé : "Ils [l’armée américaine] nous ont baisés. Ils nous ont juste baisés. Ils nous ont menti. Ce n’était que des mensonges."

Le jour de la publication de Collateral Murder, un porte-parole du Commandement central américain a déclaré qu’une enquête sur l’incident peu après qu’il se soit produit a révélé que les forces américaines n’étaient pas au courant de la présence des journalistes et pensaient qu’ils engageaient des insurgés armés.

"Nous regrettons la perte de vies innocentes, mais cet incident a fait l’objet d’une enquête rapide et il n’y a jamais eu de tentative de dissimulation d’un quelconque aspect de cet engagement".

L’article publié par Reuters sur les meurtres collatéraux reprend la phrase de l’article du premier anniversaire de Yates : "Des vidéos de deux hélicoptères américains Apache et des photographies de la scène ont été montrées aux rédacteurs de Reuters à Bagdad le 25 juillet 2007 lors d’un briefing officieux."

Le personnel irakien de Reuters, indigné, était resté sous l’impression que Yates avait vu la vidéo dans son intégralité.

"Je déteste l’admettre, mais c’était pour moi l’occasion de rétablir les faits et je ne l’ai pas fait", déclare Yates. J’aurais dû prendre le téléphone et dire à Reuters "nous ne pouvons pas laisser passer ça et nous devons dire ce que nous savons".

Dans un courriel adressé à un rédacteur en chef ce soir-là, Yates a écrit : "Je pense que nous devons insister fortement sur la question de la transparence auprès de l’armée américaine ... Quand je repense à cette réunion avec deux généraux à Bagdad ... je me sens trompé ... ils n’ont pas été honnêtes ... Nous avons ensuite rencontré l’armée à plusieurs reprises pour travailler à l’amélioration de la sécurité des journalistes en Irak".

Le rédacteur en chef a répondu : "Je comprends que c’est terrible pour vous. Prenez bien soin de vous, soyez assurés que nous ne laisserons pas tomber".

Puis Yates a tourné la page.

Il s’est installé en Tasmanie, a souffert de PTSD et, après trois séjours à l’hôpital Austin Health’s Pavillon 17 à Melbourne (une unité spécialisée dans le PTSD), il a dû faire face à sa douleur émotionnelle - le "traumatisme" qui s’exprime maintenant dans son tatouage sur l’épaule - après les décès de Namir et de Saeed. Reuters a payé pour son traitement et a accepté de lui créer le poste de responsable de la stratégie de santé mentale et de bien-être lorsqu’il ne pouvait plus travailler comme journaliste (il a maintenant quitté la société).

C’est dans le Pavillon 17, en 2016 et 2017, qu’il a compris le préjudice moral qu’il subissait en accusant injustement Namir d’avoir poussé Crazy Horse 1-8 à ouvrir le feu. L’autre élément de son préjudice moral était lié à la honte qu’il ressentait de ne pas avoir protégé son personnel en découvrant le laxisme des règles d’engagement dans l’armée américaine avant qu’ils ne soient abattus - et de ne pas avoir révélé plus tôt qu’il savait à quel point les États-Unis avaient menti. Yates a fait la paix avec Namir et Saeed - et avec lui-même.

Assange, dit-il, a fait connaître au monde la vérité sur les meurtres et a révélé le mensonge, chose que lui et d’autres n’avaient pas fait.

"Ce qu’il a fait était un acte de vérité à 100%, révélant au monde entier à quoi ressemble la guerre en Irak et comment l’armée américaine mentait".

Concernant l’accusation américaine contre Assange, Yates déclare : "Les États-Unis savent à quel point Collateral Murder est embarrassant, à quel point il est honteux pour l’armée - ils savent qu’il y a des crimes de guerre potentiels sur cette cassette, en particulier lorsqu’il s’agit de la fusillade du van ... Ils savent que les badinages entre les pilotes font écho au genre de langage que les enfants utiliseraient dans les jeux vidéo".

Fight Back (Bats-toi), peut-on lire, tatoué sur l’épaule gauche de Yates.

Dans le cadre de la tentative d’extradition [kidnapping, en réalité – NdT] d’Assange vers les États-Unis, il est probable que de nombreux autres mots seront prononcés sur les événements du 12 juillet 2007, les mensonges de l’armée américaine - et leur exposition par le biais du Collateral Murder.

Paul Daley

Traduction "l’armée US a couvert bien d’autres meurtres de journalistes, au cas où vous poseriez la question" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

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