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Terrorisme et Société Civile contre Cuba 1/4

Ce texte - très long et indispensable - sera transmis en plusieurs parties.

Les références seront communiqués en fin de la dernière partie.

Pour ceux qui ne connaissent pas, Philip Agee est un ancien agent de la CIA
qui opérait en Amérique latine. Il a quitté l’organisation dans les années
70 et depuis dénonce les activités de ses anciens employeurs. Il vit
actuellement à Cuba où il a crée une agence de voyage,
http://www.cubalinda.com/

* * * *

CSP

Titre : Terrorisme et Société Civile comme instruments de la Politique des États-Unis contre Cuba

par Philip Agee

Compte-rendu des conférences données par Agee lors des Ateliers pour la Paix organisés par le Mouvement de la Paix cubain à la Havane, Mai 2003

* * * *

PREMIERE PARTIE

La condamnation de Cuba fut immédiate, énergique et pratiquement unanime le mois dernier à la suite de l’emprisonnement de 75 dissidents politiques et e l’exécution sommaire de 3 pirates d’un ferry. Parmi les critiques figurent d’anciens amis de Cuba reconnus internationalement.

En lisant les centaines de condamnations qui me parvenaient par courrier, ilétait facile de voir comment les ennemis de la révolution se sont emparés de la question pour condamner les violations des droits de l’homme à Cuba. C’était la fête. La confusion délibérée ou involontaire entre les dissidents et les pirates, deux affaires qui n’avaient rien à voir l’une avec l’autre, était facile à faire puisque les deux événements se sont déroulés au même moment. Une publication du Vatican est allé jusqu’à décrire les pirates comme des dissidents alors qu’ils étaient en fait des terroristes. Mais d’autres, d’habitude plus amènes avec Cuba, se sont joints à la vague de condamnations en faisant l’amalgame entre les deux affaires. Les remarques qui suivent abordent la question des droits de l’homme dans les deux cas.

En ce qui concerne l’emprisonnement de 75 militants de la société civile, la principale victime a été l’histoire, car ces gens étaient des piècesmaîtresses dans les efforts actuels du gouvernement des États-Unis pourrenverser le gouvernement Cubain et détruire la révolution. Certes le changement de régime, c’est ainsi que l’on appelle désormais le renversementd’un gouvernement, a toujours été l’objectif des États-Unis à Cuba depuis les premiers jours du gouvernement révolutionnaire. Les programmes prévuspour atteindre cet objectif comportaient la propagande pour dénigrer la révolution, l’isolement diplomatique et commercial, un embargo commercial, le terrorisme et le soutien militaire aux contre-révolutionnaires, l’invasion de la Baie des Cochons, des tentatives d’assassinats contre Fidel Castro et d’autres dirigeants, la guerre bactériologique et chimique et, plus récemment, une tentative de fomenter une opposition politique interne qui voudrait se faire passer pour une société civile indépendante.

TERRORISME

Warren Hinkle et William Turner, dans le livre "The Fish is Red" [note de CSP - le livre à été réédité en anglais sous un nouveau titre "Deadly Secrets"], très certainement le meilleur livre sur la guerre de la CIA contre Cuba au cours des vingt premières années de la révolution, racontent comment la CIA a déployé ses efforts pour sauver la vie d’un de leurs agents cubains partisans de Batista. C’était au mois de mars 1959, moins de trois mois après le triomphe du mouvement révolutionnaire. Le chef-adjoint de la principale force de police secrète de la CIA sous Batista avait été captur, jugé et condamné au peloton d’exécution. La CIA avait créé l’unité en 1956 et l’avait baptisé Brigade de Répression des Activités Communistes ou BRAC. Avec l’entraînement, l’équipement et l’argent de la CIA, l’unité devint sans doute la plus grande organisation de torture et de meurtre de Batista, répandant sa terreur dans tous les milieux politiques de l’opposition, pas seulement chez les communistes.

Le chef adjoint de la BRAC, un certain José Castano Quevado, avait reçu une formation aux États-Unis et était l’homme de liaison avec le Bureau de la CIA à l’ambassade des États-Unis. A l’annonce de la sentence, le chef du bureau de la CIA envoya un journaliste collaborateur nommé Andrew St George auprès de Che Guevara, qui à l’époque dirigeait les tribunaux révolutionnaires, pour plaider la cause de Castano. Après avoir écouté St George pendant une bonne partie de la journée, le Che lui a dit de dire au Chef de la CIA que Castano allait mourir, sinon pour avoir été un exécuteur de Batista, mais aussi parce qu’il était un agent de la CIA. St. Georgequitta le quartier général du Che situé dans la forteresse de la Cabana pourtransmettre le message à l’ambassade des États-Unis située sur le promenade de bord de mer Le Malecon. En prenant connaissance de la réponse du Che, le chef de la CIA a répondu solennellement, "C’est une déclaration de guerre". De fait, la CIA perdit beaucoup d’autres de ses agents cubains au cours des premiers jours et au cours des années de guerre non conventionnelle qui suivirent.

Aujourd’hui, lorsque je passe en voiture sur la 31eme Avenue en direction del’aéroport, juste avant de tourner à gauche à l’hôpital militaire de Marianao, je passe devant un grand bâtiment blanc de plusieurs étages qui occupe tout un bloc et qui abrite un poste de police. Son style ressemble à un pseudo-château des années 20 et lui donne des airs de fast-food géant. Le bâtiment est entouré de hauts murs et au somment des murs à chaque angle se trouve un poste de garde, tous désertés à présent, comme ceux qui dominent les cours des prisons. A coté, séparée par la 110eme Rue, se trouve unemaison verte assez grande avec des barreaux aux fenêtres et autres protections. Je ne sais pas à quoi sert la maison aujourd’hui, mais c’était dans le temps le siège de la BRAC, une des pires inventions de la CIA à Cuba.

Le 10 mars 1959, le même mois où l’adjoint de la BRAC fut exécuté, lePrésident Eisenhower présida une réunion du Conseil de Sécurité Nationale dont l’ordre du jour était le renversement du gouvernement Cubain. Ce fut le début d’une politique ininterrompue visant à renverser le régime, suivie par toutes les administrations depuis Eisenhower.

En lisant les articles sur les arrestations de 75 dissidents, 44 ans presque jour pour jour après l’exécution de l’adjoint de la BRAC, et en voyant la réaction du gouvernement US devant les procès et les sentences, je me suis souvenue d’une phrase prononcée à Washington en 1959 et qui semblait ressurgir en 2003 : "Hé ! Ce sont NOS GARS que ces salopards sont en train de baiser !"

L’année suivante j’étais en train de suivre une formation dans une base secrète de la CIA en Virginie lorsqu’en mars 1960 Eisenhower approuva un projet qui devait devenir l’invasion de la Baie des Cochons. Nous étions en train d’apprendre tous les trucs d’espions, comme les écoutes téléphoniques, le maniement d’armes, les arts martiaux, les explosifs et le sabotage. Le même mois, la CIA, dans une tentative pour empêcher l’armement de Cuba avant l’invasion prévue, fit exploser un cargo français, Le Coubre, alors qu’il était en train de décharger des armes de Belgique sur un quai de la Havane. Plus de 100 personnes sont mortes au cours de l’explosion et en combattant l’incendie qui suivit. J’aperçois des morceaux du Coubre, désormais érigés en monument aux victimes, chaque fois que je roule le long de l’avenue du port qui passe devant la principale gare ferroviaire de la Havane.

Au mois d’avril de la même année, deux jours avant le déclenchement de l’invasion de la Baie des Cochons, un sabotage effectué par la CIA incendia El Encanto, le plus grand magasin de la Havane où j’avais moi-même effectué des achats lors de ma première visite en 1957. Il ne fut jamais reconstruit. Chaque fois que je passe par Galiano, à Centro Havana, en route vers Chinatown, je passe devant le parc Fe Del Valle, là où se dressait le magasin El Encanto. Son nom vient d’une femme qui est morte dans l’incendie.

Certains de ceux qui ont signé des déclarations pour condamner Cuba pour les procès de dissidents et les exécutions de trois pirates connaissent parfaitement l’histoire de l’agression US contre Cuba depuis 1959 : meurtres, terrorisme, sabotages et des destructions qui ont coûté près de 3500 vies et plus de 2000 handicapés. Ceux qui ne connaissent pas l’histoire peuvent lire le livre incontournable de Jane Franklin "Cuba and the United States : A Chronological History " [ note de CSP : Publication 1997, Ocean Press. 420 pages, ISBN 1-875284-92-3 ]

Un des meilleurs résumés de la guerre terroriste des États-Unis contre Cuba dans les années 60 fut formulé par Richard Helms, ancien directeur de la CIA, lors d’une audition devant la Commission d’Investigation du Sénat sur les tentatives d’assassinat de la CIA contre Fidel Castro. Tout en avouant les "invasions incessantes de Cuba menées sous les auspices du gouvernement", il ajouta :

Nous avions des forces d’intervention qui frappaient Cuba constamment. Nous tentions de faire sauter les centrales électriques. Nous tenions de saboter les usines sucrières. Nous tentions toutes sortes de choses à cette époque. C’était la politique du gouvernement des États-Unis.

Au cours de la même audition, le Sénateur Christopher Dodd s’adressa à Helms

Il est probable qu’au moment même où l’on tirait sur le Président Kennedy, un officier de la CIA rencontrait un agent Cubain à Paris et lui remettait un appareil destiné à assassiner Castro. [Note : l’officier travaillait pour Desmond Fitzgerald, un ami de Robert Kennedy et à l’époque chef des opérations de la CIA contre Cuba, et l’agent était Rolando Cubela, un Commandant de l’armée Cubaine qui avait des contacts réguliers avec Fidel Castro et dont le nom de code à la CIA était AMLASH.]

Helms répondit :

Je crois qu’il s’agissait d’une seringue hypodermique. C’était quelque chose qui s’appelait "Blackleaf Number 40" et c’était en réponse à AMLASH qui avait demandé que nous lui fournissions un appareil avec lequel il pourrait assassiner Castro. Je regrette qu’ils ne lui aient pas donné un pistolet. Cela aurait rendu l’opération beaucoup plus simple et moins exotique.

En révisant l’histoire vous découvrirez qu’aucune administration US depuis Eisenhower n’a renoncé au terrorisme d’état contre Cuba, et le terrorisme contre Cuba n’a jamais cessé. Il est vrai que Kennedy s’était engagé auprès de Krouchtov à ce que les États-Unis n’envahissent pas Cuba, ce qui mit fin à la crise des missiles de 1962, et cet engagement a été respecté par les administrations successives. Mais cet engagement disparut en même temps que l’Union Soviétique en 1991.

Les groupes terroristes d’exilés Cubains, dont la plupart sont basés à Miami et ont acquis leur savoir-faire grâce à la CIA, ont continué les attaques au cours de toutes ces années. Les autorités états-uniennes les tolèrent, qu’ils agissent sous la direction de la CIA ou de leur propre initiative.

Très récemment, au mois d’avril 2003, le quotidien Sun Sentinel de Fort Lauderdale révéla, photos à l’appui, l’entraînement de guérilla dans les environs de Miami des Commandos F-4, un des groupes terroristes actuellement basés là -bas. L’article était accompagné des commentaires d’une porte-parole du FBI qui disait que les activités des exilés Cubains à Miami ne constituaient pas une priorité pour le FBI. En recherchant sur Internet, on trouve une foule de détails sur les activités terroristes des exilés [ notamment sur http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/- remarque opportuniste de CSP ] et aussi sur leurs relations avec le bras armé paramilitaire de la Fondation Nationale Cubano-Américaine (Cuban American National Foundation - CANF - en anglais).

Il existe de nombreux articles sur l’arrestation au Panama en novembre 2000 d’un groupe de 4 exilés terroristes dirigés par Luis Posada Carriles, un membre surdoué de la CIA. Ils planifiaient l’assassinat de Fidel Castro qui participait à une conférence. Dans le curriculum de Posada on trouve l’attentat contre l’avion de ligne de la Cubana en 1976 qui coûté la vie aux 73 passagers ; un emploi de la CIA au Salvador dans les années 80 pour fournir des armes aux "contras" terroristes au Nicaragua ; l’organisation en 1997 d’une série de 10 attentats à la bombe à la Havane dans des hôtels et autres lieux touristiques, qui coûta la vie à un touriste Italien. Un an après, il avoua dans une interview au New York Times que les directeurs de la CANF à Miami avaient financés les attentats. Pendant toutes ces années, Posada a pu entrer et sortir librement des États-Unis.

Un autre des terroristes intouchables de la CIA s’appelle Orlando Bosch, un pédiatre devenu terroriste. En tant que co-organisateur avec Carriles de l’attentat de 1976 contre l’avion de la Cubana, Bosch fut arrêté une semaine après cet attentat et passa 11 années en prison au Venezuela sous le coup de 3 procès engagés contre lui pour ce crime. Il fut acquitté à chacun des procès et libéré en Août 1987, puis arrêté à son retour à Miami en février 1988 pour avoir violé une liberté conditionnelle qui lui avait été accordée suite à d’autres actes terroristes pour lesquels il avait été condamné. En 1989 le Ministère de la Justice (US) ordonna son extradition en citant les rapports du FBI et de la CIA qui indiquaient que Bosch avait commis 30 actes de sabotage entre 1961 et 1968 et se trouvait impliqué dans la tentative d’assassinat contre l’ambassadeur Cubain en Argentine en 1975. Une élue au Congrès, Ileana Ros-Lehtinen, une cubano-américaine de Miami qui entretient des relations étroites avec la CANF, ainsi que Jeb Bush, le directeur de campagne de Ros-Lehtinen avant qu’il ne soit lui-même élu au poste de gouverneur, intervinrent en faveur de Bosch auprès du Président George Bush (père), qui était directeur de la CIA au moment de l’attentat contre l’avion Cubain. Le président Bush ordonna en 1990 l’annulation de l’ordre d’extradition. Bosch fut libéré et depuis se promène librement dans les rues de Miami.

Il était devenu évident que le gouvernement des États-Unis n’allait pas prendre des mesures pour arrêter le terrorisme basé à Miami. Les Cubains ont alors décidé en 1990 d’envoyer leurs propres agents en Floride pour infiltrer les organisations d’exilés et se prévenir des futures actions terroristes. Ils infiltrèrent quelques uns des groupes d’exilés et transmettaient leurs rapports à la Havane, parmi lesquels figuraient les plans de vol illégaux au-dessus de Cuba par l’organisation Brothers to the Rescue (Frères à la Rescousse - ndt)

Malgré tout, le gouvernement Cubain espérait pouvoir convaincre les États-Unis d’entreprendre des actions contre les terroristes basés à Miami. Alors en 1998 Cuba remis au FBI une documentation volumineuse sur les activités terroristes basées aux États-Unis contre Cuba. Mais au lieu de prendre des actions contre les terroristes, le FBI arrêta 10 membres du réseau d’agents Cubains chargés d’infiltrer les organisations terroristes. Plus tard, les cinq officiers Cubains en charge du réseau furent jugés à Miami, où une condamnation était certaine, accusés de conspiration pour espionnage et pour ne pas s’etre faits enregistrés comme agents au service d’une puissance étrangère [ note de CSP - étrangement, il semblerait que les espions aux États-Unis doivent se faire officiellement enregistrer comme tels... ]. Ces Cubains n’ont jamais tenté d’obtenir et n’ont jamais reçu le moindre document gouvernemental ou information secrète de quelque nature que ce soit. Ils ont pourtant été condamnés à de très lourdes peines. Un d’entre eux fut condamné à deux peines de prison à vie. Les traitements inhumains qui ont été infligés à ces hommes inflexibles, et qui ont été ordonnés par Washington pour tenter de les détruire mentalement et physiquement et les retourner contre Cuba, constituent une sorte de record mondial pour une punition sordide, l’oeuvre d’esprits dérangés. L’exigence de leur libération est le principal sujet politique à Cuba aujourd’hui.

[ note de CSP - "et vous ? qu’avez vous fait pour les Cinq de Miami aujourd’hui ?" ]

Très récemment, en déclarant la guerre sans fin contre le terrorisme après les attentats du 11 Septembre 2001 par Al Qaeda, et avant la guerre contre l’Irak, le Président Bush a déclaré que les États-Unis se réservaient le droit d’employer toutes les armes en leur possession, ce qui apparemment inclut le terrorisme. Plutôt que de commencer sa guerre anti-terroriste à Miami, là où le vol de la présidence des États-Unis fut accompli et où dépend peut-être sa future réélection, il a lancé une série de guerres préventives que nous avons pu suivre à la télévision. D’abord l’Afghanistan puis l’Irak, et à présent il menace la Syrie, l’Iran et d’autres qui sont sur la liste des pays accusés de soutenir le terrorisme. Cuba, bien entendu, est figure à tort sur la liste. Mais ici, à Cuba, les gens prennent l’affaire très au sérieux et comme un prétexte préliminaire pour une action militaire des États-Unis contre ce pays.

SOCIETE CIVILE ET DISSIDENTS

Dans les années 80, sous l’administration Reagan, il fut décidé que les opérations terroristes ne suffiraient pas pour imposer un changement de régime à Cuba. Le terrorisme n’avait pas marché, ni l’invasion de la Baie des Cochons, ni l’isolement diplomatique de Cuba qui s’estompait peu à peu, ni l’embargo économique. Désormais Cuba ferait partie d’un nouveau programme mondial pour financer et développer des ONG et des Associations, connuessous le nom de Société Civile, dans le cadre de la politique néo-libéraleglobale des États-Unis. La CIA et l’Agence pour le DéveloppementInternational (Agency for International Development - AID) joueraient un rôle clé dans le cadre de ce programme, ainsi qu’une nouvelle organisation baptisée en 1983 "National Endowment for Democracy" (NED)

En fait, le nouveau programme n’avait rien de nouveau. Depuis sa création en 1947, la CIA a été largement impliquée dans le financement secret et la manipulation d’ONG étrangères. Ces vastes opérations s’étendaient dans le monde entier et visaient les partis politiques, les syndicats, les organisations patronales, les organisations de jeunesses et étudiantes, les groupes féministes, les organisations civiques, les communautés religieuses, les organismes professionnels, intellectuels et culturels, et les grands médias publics [ note de CSP : pour Reporters Sans Frontières et Le Monde, mission accomplie. Pour CSP, j’attends une offre SERIEUSE ]. Le réseau fonctionnait au niveau local, national, régional et global. Des opérations médiatiques, par exemple, se déroulaient pratiquement sans cesse dans tous les pays, et la CIA payaient des journalistes pour publier leurs articles comme s’ils avaient été écrits par les journalistes eux-mêmes. A la Direction des Opérations au siège de la CIA, ces opérations étaient coordonnées avec les Directions régionales par la Division des Organisations Internationales (International Organizations Division - IOD), puisque certaines de ces opérations avaient un caractère régional ou continental, englobant de nombreux pays et parfois le monde entier.

Au cours des années la CIA a exercé une influence phénoménale dans les coulisses, un pays après l’autre, en utilisant des éléments de la société civile pour pénétrer, diviser, affaiblir et détruire les organisations ennemies de gauche et imposer des changements de régimes par le renversement de gouvernements indésirables. Ce fut le cas, parmi beaucoup d’autres, en Guyane en 1964. Après dix ans d’efforts, le gouvernement de Cheddi Jagan fut renversé par des grèves, du terrorisme, de la violence et des incendies perpétrés par les agents syndicaux internationaux de la CIA. A peu près à la même époque, alors que j’étais basé en Ecuador, nos agents de la société civile, à travers des manifestations massives et une agitation sociale, provoquèrent deux coups d’état militaires en trois ans contre des gouvernements civils démocratiquement élus. Et au Brésil au début des années 60, les mêmes opérations syndicales furent organisées par la CIA ainsi que d’autres opérations de la société civile contre le gouvernement. Au bout d’un certain temps ces actions de masse provoquèrent le coup d’état militaire de 1964 contre le Président Joao Goulart, déclenchant une répression politique d’une brutalité sans nom et qui devait durer 20 ans.

Mais le 26 février 1967, le ciel tomba sur la tete de l’IOD et sur son réseau global de sociétés civiles. A cette époque j’étais en visite au siège (de la CIA) à Langley, en Virginie, prés de Washington. J’allais etre muté de l’Ecuador vers l’Uruguay. Ce jour-là le Washington Post publia un rapport détaillé révélant une longue liste de fondations, certaines fausses, d’autres réélles, que la CIA employait pour financer son réseau mondial d’ONG. Ces combines financières étaient connues sous le nom de "canaux de financement". En plus des fondations, de nombreuses autres organisations étaient identifiées, et aussi des intellectuels journalistes célèbres, des syndicats, et des clubs de reflexion politiques ("political think tanks"). Peu après, des journalistes du monde entier se sont mis a recoller les morceaux du puzzle et à établir les liens entre ces noms et les actions d’organisations dans leurs propres pays, affiliés au réseau. C’étaient les
jours les plus sombres pour la CIA depuis le fiasco de la Baie des Cochons.

Le président Johnson ordonna une enquête et affirma que de telles opérations de la part de la CIA allaient cesser, mais en fait elles n’ont jamais cessé. Nous en avons la preuve dans les opérations réussies de la CIA au Chili pour provoquer le coup d’état de Pinochet en 1973 contre le gouvernement élu de Salvador Allende. A cette occasion ils ont combiné les forces des partis politiques d’opposition, de syndicats, des organisations patronales, des associations de femmes au foyer et des médias pour provoquer le chaos, sachant que tôt ou tard les militaires Chiliens, fidèles à la doctrine militaire fasciste traditionnelle en Amérique latine, prendraient pour excuse ce désordre pour justifier une prise de pouvoir et restaurer l’ordre et éliminer la gauche. Ces opérations étaient pratiquement une copie conforme de la déstabilisation du Brésil et du coup d’état dix ans auparavant. Nous nous souvenons tous des horreurs qui ont suivi au Chili.

(à suivre)

Source : CUBA SOLIDARITY PROJECT

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/

"Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba, nous n’avons rien dit, nous n’étions pas Cubains."

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Honte à tous ceux à gauche qui ont tourné le dos à Assange. J’ai vu ce que vous avez fait, bande d’enfoirés.

Daniel Fooks

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