Enquête sur la vidéo de la pendaison de Saddam Hussein, et au-delà qui est responsable de quoi ? par Danielle Bleitrach.
Il manifesto, mardi 2 janvier 2007.
On nous l’avait montrée comme une pendaison sobre, réglée : la vidéo distribuée par le gouvernement irakien était muette.
Mais ensuite est arrivée la bande sonore dans laquelle les gardes et les spectateurs qui n’arrêtent pas de se foutre de Saddam Hussein ; comme des ultras de stade, ils lui crient le nom de Moqtada al-Sadr, ennemi implacable du dictateur ; lui hurlent « Va en enfer ! » ; lui entonnent une prière chiite, à lui qui est sunnite ; jusqu’à ce que, juste avant que ne s’ouvre la trappe, Saddam Hussein dise : « Les vrais hommes ne se conduisent pas comme ça ».
L’exécution se révèle donc comme ce qu’elle était, une vengeance, vile, en plus, abjecte. Les médias anglo-saxons sont maintenant « scandalisés » : ils auraient voulu une exécution aseptisée. Aux Usa, sévit toujours l’idée que la peine de mort puisse être prescrite comme dans une salle d’opération, par le gaz, par l’électricité, par une injection, tout moyen pourvu que ça ne rappelle pas le sang. On se retrouve au contraire avec un assassinat de gangsters de rue qui arrivent finalement à mettre la main sur le boss enfin désarmé du gang rival. Et maintenant donc les puritains s’indignent. La Bbc est « choquée ». Le New York Times a la nausée. L’hypocrisie n’a pas de limite : la faute de l’opprobre retombe naturellement entièrement sur le premier ministre Nuri Al Maliki.
Les américains, eux, avaient essayé de tuer Saddam selon le protocole, mais ces barbares ont tout fait rater. Au malaise dégoûté des médias contribue aussi le nouveau seuil franchi par les pertes étasuniennes en Irak, qui ont maintenant dépassé le mur des 3.000 morts. C’est extraordinaire comme tout d’un coup certains chiffres deviennent des seuils. Personne dans les médias étasuniens n’avait pipé mot quand ils avaient dépassé les 1.000 morts, tout comme ils étaient aussi restés assez discrets pour les 2.000. Maintenant, tout d’un coup, la côte 3.000 devient une « pierre angulaire », comme l’est la mort de Saddam Hussein, selon Georges Bush le jeune. On ne voit pas encore très clairement pourquoi à partir de l’été dernier le système des médias s’est réveillé tout d’un coup, après des années de silence obséquieux, pour ne pas dire d’omertà , envers Bush. Les médias découvrent maintenant que la guerre est une affaire sale, que le sang se mêle toujours à la merde, comme dans la pendaison dégoûtante de Saddam Hussein.
C’est dans ce contexte qu’un conseiller de Al Maliki a rabroué Romano Prodi, seul gouvernant européen à avoir exprimé son désaccord avec un peu plus que l’embarras maugréant des autres capitales. Le conseiller irakien a dit : « Que Prodi s’occupe de Mussolini, nous nous occupons, nous, de Saddam Hussein ; en concluant par une perle : « A la fin de la seconde guerre mondiale, Mussolini a été jugé en une minute seulement. Le juge lui a demandé son nom et, à la réponse « Benito Mussolini », il lui a dit : le tribunal vous condamne à mort, et la sentence a été exécutée sur le champ ».
Pas mal, comme imagination : il n’y a eu ni procès, ni juge, ni condamnation, Mussolini a été fusillé en même temps que sa maîtresse Claretta Petacci, à côté de Come, le 28 avril 1945, par des partisans qui les avaient capturés alors qu’ils essayaient de s’enfuir d’Italie. Ce fut un geste préjudiciable, mais totalement différent d’un procès farce qui s’est conclu en une exécution obscène. Il ressemble plus à la mort des deux fils de Saddam Hussein, Udai et Qusai, tués en juillet 2003 par des soldats étasuniens. La guerre c’est tuer l’ennemi, pas condamner le vaincu rien que parce qu’il a perdu. Il serait plus honnête de dire : « Malheur aux vaincus ».
Marco D’ Eramo
– Source : il manifesto www.ilmanifesto.it
– Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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