D’abord, à noter que "rampant", en anglais, ne veut pas dire "rampant", sauf en héraldique.
"Rampant Islamophobia", ne se traduit pas par : "islamophobie rampante" ce qui ne veut pas dire grand-chose, surtout dans le contexte actuel, mais par "islamophobie endémique", ce qui est bien plus vraisemblablement ce qu’a voulu dire Milne.
A part cela, l’article de Seumas Milne est très sensé et très bien documenté.
Merci à lui de nous expliquer, entre autres, que, contrairement à ce que dit bruyamment haut et fort une gauche qui se prétend radicale, que les caricatures de CH étaient tout sauf d’innocentes attaques contre les religions.
Si c’était le cas, ils auraient depuis longtemps été attaqués par les observateurs scrupuleux de l’antisémitisme, par exemple.
Au lieu de cela, on voit sur une photo, BHL lisant (ou faisant semblant, mais l’important, c’est le soutien affiché) CH avec un sourire amusé.
BHL, qui, rappelons-le, est une pointure en repérage d’antisémitisme et qui a poussé les gouvernements à tous les bombardements contre les pays musulmans. Le contenu de CH devait bien correspondre à ses attentes pour lui avoir fait une telle publicité, non ?
Pareil pour l’encadrement catho qui a fait sonner le glas à Notre-Dame de Paris.
Quant aux dessins de CH, qui se voulaient provocateurs comme ceux de leurs aînés, ils sont le contraire de ce vent de liberté débridée qui seyait à l’air du temps de l’époque.
Quand on cible les opprimés, quand on ridiculise le malheur des faibles, quand on humilie les minorités, en se moquant de leur foi, quand on dessine leur prophète dans des positions pornographiques, et qu’on épargne les nantis, ou qu’on les égratigne à peine, question d’avoir un alibi, on se place automatiquement dans le camp des puissants. TINA.
Deux dessins illustrent la subtilité des "caricatures" de CH. C’est ce que rappelle l’article de Black Agenda report, "Charlie Hebdo : “Je Suis White People".
D’abord, celui-ci, qui présente C. Taubira en singe, soi-disant en réponse à un dessin "raciste"(cette fois-ci) de Minute, pour lequel ce dernier a été condamné à 10.000 euros d’amende.
Où est la différence ? Et pourquoi y a-t-il eu différence de traitement ?
Taubira en singe, de quelque bord que ce soit, c’est tout aussi inadmissible.
L’autre représente les jeunes filles enlevées par Boko Haram.
Quel esprit malsain peut prétendre à un quelconque humour derrière ce dessin ?
D’ailleurs, les lecteurs ne s’y sont pas trompés, qui n’achetaient plus le magazine.
Ceux que cela faisait rire avaient leurs propres publications. Les autres, passés les coups de pub pour défendre la "liberté d’expression de CH", s’en désintéressaient.
D’autre part, il est de bon ton, dans la France blanche, comme le dit justement Milne, de se déclarer ouvertement islamophobe, une formule magique pour ne pas tomber sous le coup de la loi contre le racisme. A ce qu’on croit.
Je me demande si tous ceux qui disent "cracher" sur les religions, quelles qu’elles soient, iraient jusqu’à se proclamer ouvertement "judéophobes", question de prouver que c’est bien des religions qu’il s’agit et "pas d’attaques racistes".
Pourtant, contrairement à ce qu’on nous explique pour bien marquer la différence, les lois françaises sont claires : elles condamnent, et sont censées punir, les provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence nationale, raciale ou religieuse.
Or, malgré les caricatures, malgré les innombrables reportages qui paraissent dans les magazines, qui sont autant de provocations à la haine religieuse, personne, à ma connaissance, n’a jamais été condamné pour islamophobie.
Et parmi la gauche, beaucoup ont accepté sans états d’âme, voire avec la satisfaction de celui qui se pense supérieur, les discriminations flagrantes à l’encontre des musulmans (dont parle Milne, mais qui sont niées par ceux-là mêmes), en justifiant cela par les lois de la république, dont les textes, on le voit, sont à l’opposé de ce qu’ils prétendent vouloir faire appliquer en son nom.
Ceux qui défilaient dimanche en même temps que les criminels de guerre pour défendre la liberté d’expression, sous une bannière probablement écrite par quelque agence de com’ (comme pour les "révolutions de couleurs" ; dire que nous, dotés d’un esprit critique hérité des Lumières, n’y avons vu que du feu !), n’avaient même pas conscience de ce que la situation pouvait avoir de pathétique.
Comme s’ils ignoraient que ces gens-là musèlent depuis toujours, et de plus en plus, leur liberté d’expression par le biais, entre autres, de leurs grands médias, et de leurs journalistes et "experts" triés sur le volet.
Sans parler des pressions, voire de la répression, exercées contre les journalistes d’opposition.
Ainsi, par exemple, l’armée US (et ses alliés) est responsable, au cours des guerres au MO, de la mort d’un grand nombre de journalistes.
En 2003, par exemple, les locaux d’Al Jazeera, dont les reportages depuis Bagdad irritaient les forces d’occupation, étaient bombardés par un missile, faisant trois morts et quatre blessés parmi les journalistes.
Et en juillet 2007, deux journalistes de l’agence Reuters, Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh, qui travaillaient à Bagdad étaient froidement assassinés par les US.
Et il y a eu aussi :
– L’armée israélienne a tué 17 journalistes au cours des bombardements de l’été dernier sur Gaza.
– En avril 1999, l’Otan bombardait délibérément le siège de la radio et de la télévision d’état serbe, tuant 16 personnes. D’autres structures avaient également été attaquées dans tout le pays.
Loin d’avoir des scrupules après ce crime de guerre, le porte-parole de l’OTAN avait déclaré avec aplomb que cette station TV était le "ministère des Mensonges"
– En juillet 2011, l’Otan avait bombardé les installations de la télévision d’état en Libye, tuant trois personnes et en blessant 21.
Etc. etc. etc.
Alors, manifester pour la liberté d’expression avec ces assassins, c’est du pur Orwell, qui ne doit pas arrêter de se marrer dans sa tombe, tellement il en a l’occasion.
Et que la gauche se soit crue obligée de rejoindre, sous une bannière œcuménique et donc prétendument d’"unité nationale", les rangs de la droite la plus dure et la plus liberticide qu’on ait connue, ce n’est même plus scandaleux, c’est accablant, tellement on se sent seuls et impuissants dans les vestiges d’une force d’opposition.
Et on a raison de dire qu’il y aura désormais un "avant-Charlie" et un "après Charlie", car cela marquera la date où la gauche s’est définitivement sabordée pour s’allier ostensiblement aux classes dominantes et s’en prendre ouvertement aux libertés des populations les plus démunies, ce sous-prolétariat exploité, qui, pieds et poings liés au pouvoir blanc, n’a d’autre recours que la religion pour croire à un monde meilleur.
L’extrême-droite ne gagne du terrain que parce que nous n’avons rien à lui opposer, si ce n’est du vent pour souffler dans les bronches des victimes de l’empire.
@ Palamède Singouin : tout à fait exact.
Vous m’avez précédé.
La critique de Seumas Milne est gratuite et ignorante.
Milne est un militant pacifiste qui n’a pas attendu qu’on le lui dise pour manifester ouvertement contre les derniers bombardements sur l’Irak et la Syrie (ici) et contre les guerres de l’occident, dont celles de Cameron et de ses prédécesseurs.
C’est plus que quiconque ne l’a fait en France contre les crimes perpétrés par Hollande, et avant lui Sarkozy, au MO et en Afrique. C’est bien plus que quiconque fera pour manifester contre les nouveaux bombardements qui ne manqueront pas de se produire avec l’aval de la majorité de la population française, toute émoustillée de s’être retrouvée dans la rue pour une cause commune.
Mais, si les observateurs extérieurs lui donnent des leçons d’humanité et de pacifisme, le coq français renâcle.
Ce qu’écrit Milne n’est ni de la complaisance envers son propre gouvernement, ni le rejet de la faute sur l’Union Soviétique.
Mais pour savoir qui est Milne, il faudrait avoir lu ce qu’il écrit dans le Guardian.
Ici, il parle de ce qui se passe en France et en sait bien plus que le petit commentateur toujours en quête de son quart d’heure de gloire.
Quant à la "perfide Albion", elle a parmi sa population une foule de gens qui se sont élevés contre les guerres impériales, ce que le franchouillard, trop occupé à se regarder le nombril et à gloser sans fin, ne peut revendiquer de ce côté-ci de la Manche.Ici, contre la guerre en Irak m et là contre l’Afghanistan, entre autres exemples.
Et, enfin, quel rédacteur en chef adjoint français d’un grand organe de presse milite effectivement contre les guerres impérialistes, affiche en public ses positions contre celles-ci et dénonce les crimes de ses dirigeants, qui appellent la guerre contre l’Afghanistan "la Guerre juste" ?
C’est la raison pour laquelle il faut aller voir ce qui se dit à l’étranger pour avoir une analyse honnête de la situation ici en France.
Quant à l’Afghanistan, voici ce qu’il en dit ici.
Quant à l’article ci-dessus, où il mentionne l’Union Soviétique, il dit exactement ceci :
"Instead, a form of violent fundamentalism fostered in the war against the Soviet Union in Afghanistan 30 years ago has blown back into western heartlands"
Ce qui se traduit par :
["avant 2001, il n’y avait pas eu d’attentats de ce type en Europe…"]
Une forme de fondamentalisme violent qui a été encouragé pendant la guerre contre l’Union Soviétique en Afghanistan il y a trente ans se répercute depuis en plein cœur des pays occidentaux.
Ce qui ne veut pas du tout dire la même chose.
Quand on veut critiquer les propos d’un auteur, la première des choses à faire, c’est de lire ce qu’il a dit dans sa version originale.