Au Brésil, le weekend dernier, une majorité d’électeurs ont exprimé leur joie même si certains craignent une possible « dérive » au nom de la crise tandis que mercredi aux Etats-Unis, les pires forces réactionnaires et racistes hurlaient leur satisfaction de la « raclée » qu’ils venaient de donner à Barack Obama et au parti démocrate qui perd la majorité à la Chambre des représentants et se maintient tout juste au Sénat. Les trois prochaines années risquent d’être mouvementées pour l’actuel locataire de la Maison blanche.
Nous avons dans ces colonnes - et cela nous a été parfois reproché - salué avec enthousiasme la personnalité et les promesses de Barak Obama, applaudi aux changements annoncés avec son arrivée au pouvoir après les calamiteuses années Bush (père et fils), espéré voir naître enfin des Etats-Unis mains tendues au plus défavorisés, tolérant avec le monde, jouant un rôle émancipateur.
Pourquoi, deux ans et demi après, une telle déconfiture électorale ? La raison tient en quatre facteurs : les électeurs noirs, jeunes, citadins et de la classe moyenne ont souvent déserté le vote démocrate en se réfugiant dans l’abstention ouvrant ainsi grandes les portes à l’électorat le plus rétrograde et surtout ignorant. Des jeunes de Chigago, par exemple, le fief d’Obama raflé par les républicains, ne sont pas allés déposer leurs bulletins de vote préférant rester chez eux. « Je suis déçu, déclarait il y a quelques jours sur une radio un étudiant ce cette ville. Il y a deux ans et demi devant mon téléviseur avec des copains je hurlais ma joie en voyant Barack Obama prêtant serment le jour de son investiture. Pour quel résultat ? Nos conditions de vie n’ont pas changé, elles se sont aggravées… »
C’est vrai. Barak Obama a dû s’affronter aux lobbies, aux multinationales (pharmaceutiques, par exemple dans le cas de l’aide médicale aux plus pauvres), aux pressions diverses visant à atténuer son action. Mais en passant des compromis avec ses adversaires, il a laissé sur le bord de la route beaucoup de ceux qui lui avaient fait confiance. Quelques chiffres confirment cette dure réalité.
Selon Arianna Huffigton, écrivaine et polémiste renommée interrogée par Annick Cojean dans « Le Monde magazine », cent millions d’Américains vivent avec des revenus inférieurs à ceux de leurs parents au même âge. La classe moyenne sur laquelle a reposé l’essor économique de ce pays est une espèce en voie de disparition. »
Mme Huffigton dresse un bilan bien éloigné le « l’exemple américain ». 8,4 millions d’emplois perdus depuis la fin 2007, un Américain sur 5 sans emploi ou sous-employé, un sur 8 vivant de bons alimentaires, un crédit sur cinq menant à la saisie, coupes claires dans les services vitaux pour les plus faibles dans de nombreux Etats, 30% des lycéens quittant l’école sans diplôme… Pour Mme Huffington « Obama a raté son moment, il n’a pas osé. Il n’a pas su faire preuve de l’audace, de l’indépendance et du charisme d’un Roosevelt qui, en pleine dépression, avait lancé un programme de travaux gigantesques dont les bénéfices se ressentent encore aujourd’hui. Pour des dizaines de millions d’Américains, le rêve est brisé. Le principe fondateur, « un homme, une voix », a été remplacé par l’arithmétique de la politique des groupes d’intérêts. Les lobbies et leur déluge de dollars ont envahi Washington. Une vraie prise de pouvoir. Le gouvernement fixe ses priorités au milieu de ce bazar de trafic d’influence. »
Pour de nombreux Américains la peur du déclin cède souvent à la colère laquelle se retourne contre Obama, véritable bouc émissaire. Des petits partis d’extrême droite font leur beurre sur cette désillusion. Ils rentreront vite dans la grande maison républicaine.
Le vote des Américains se fonde toujours sur les questions économiques internes. Les affaires du monde n’intéressent que la frange cultivée de la population. Or, Obama n’a pas réussi aussi ses paris internationaux. Aucun résultat dans les négociations israélo-palestiniennes, embourbement en Afghanistan, poursuite des tueries en Irak…
Quel avenir pour Obama ? Deux possibilités s’offrent à lui : continuer à composer avec les lobbies, les multinationales, le camp républicain ou mettre en application ses promesses électorales. S’Il choisit la première hypothèse et ne sait pas retrouver l’enthousiasme de 2007, il y a fort à parier que sa réélection est compromise.
José Fort, pour cuba-si-France.