Lundi 30 juillet 2006.
Mon frère est entré en cachette chez mon voisin Larbi avec qui on est fâchés (dans les petits villages, ça arrive) et ce fourbe l’a capturé.
J’ai pris mon avion et j’ai bombardé l’épicerie et la boulangerie du village. Plus quelques maisons trop proches. Vous auriez fait comme moi. On a le droit de se défendre.
Puis j’ai démoli le château d’eau, et le pont. Bien obligé, Larbi avait répliqué.
Des gens (des complices ?) ont essayé de fuir. J’ai bombardé la route. Désolé, mais c’est la faute à Larbi. Il y avait des journalistes dans le convoi. Ils ont râlé. Sorry, c’est la guerre.
J’ai encore lâché quelques bombes autour de la maison de Larbi et bousillé tout le quartier avec les gens dedans. Je leur avais dit de partir, c’est leur faute.
J’ai détruit l’église, la mairie et la salle des fêtes où des complices de Larbi auraient pu trouver refuge. Pas d’omelette sans casser des oeufs.
J’ai demandé à mes enfants d’écrire « Enfants de Larbi, on vous aime » sur une méga bombe et je l’ai larguée de très haut. Boum ! du côté de l’école maternelle. 54 civils tués, parmi lesquels 37 enfants. C’est la faute à Larbi, il avait dû y entreposer sa poudre.
J’ai écrabouillé la station d’épuration. Toutes les eaux sales coulent vers les villages alentour. Qu’ils aillent se plaindre à ce salopard de Larbi !
Jusqu’au jour où Larbi sortira de son trou, les mains en l’air pour que je lui colle une balle dans la nuque, il n’y aura pas de paix.
Des bavures ? Mais c’est la faute à Larbi qui se cache dans son village et qui utilise les infrastructures, les bâtiments, les hommes, les femmes et les enfants comme bouclier. Le lâche ! Il suffirait qu’il ait eu le courage d’aller seul au milieu du terrain de foot pour m’y faire un bras d’honneur et une seule bombe suffirait. Une petite. Les destructions, les assassinats aveugles de civils ne seraient pas à déplorer. Alors, c’est la faute à qui ?
Ne me dites pas, à moi, que je suis un belliciste sans coeur, que j’abuse à pénétrer à ma guise chez mes voisins, à arracher leurs oliviers, à détruire leurs silos, à confisquer leur eau, à déplacer les bornes de propriété, à poser des barbelés partout, à zigouiller les jeteurs de cailloux. Je m’appelle Shimon Peres, prix Nobel de la paix et je suis Israélien.
Au nom des souffrances que des européens ont infligé aux juifs il y a soixante ans, je ne peux être contredit quand je dis : « Tout ça, c’est entièrement la faute à Larbi et j’ai le droit de me défendre. »
Et celui qui regarde avec horreur ces dizaines de poupées de chiffons disloquées et grises qui étaient des enfants rieurs avant que je débarque dans leur village avec l’ami Tsahal, celui qui fait « Tsss ! tsss ! » et qui me jette un regard noir, celui-là , croyez-en mon expérience de vétéran, celui-là est antisémite.
Maxime Vivas
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