PAS EN NOTRE NOM MONSIEUR VOGEL ET AVEC JEAN BRICMONT
Je vois que notre camarade Jean Bricmont n’est pas ’lâché’ par tous ceux qui détestent sa capacité d’analyse et de ’déconstruction’ de la logique sioniste qui infiltre jusqu’aux cercles militants qui se disent favorables à la paix en Palestine ... Quelle paix ? Après la victoire ’définitive’ de quelle logique ? En sacrifiant quelle notion de justice ?
Oui sa ’lecture’ est difficile parfois car elle demande une rigueur et une absence de complaisance à toute forme de préjugé, aussi bien à nos amis de la Palestine qu’a nos amis militants juifs pour la paix et aux présumés antiracistes parfois bien sélectifs venus de diverses familles de pensée .
Deux articles a un an d’intervalle font le lien je crois qui permet d’éclairer cette hargne qui doit nous inciter à mieux percevoir des propos qui ne sont ambigus que pour ceux qui les tronquent ou les manipulent et en occultent les pages les plus dérangeantes ; ces deux articles donc :
22 10 2009 Antifascistes encore un effort, ...si vous voulez l’être vraiment. Jean BRICMONT- Publié le jeudi 22 octobre 2009 http://www.france-palestine.org/article.php3?id_article=12991 (Publié avec ’réticence’ affichée sur un site pourtant "˜ami’)
27 12 2010 Les trois formules du professeur Bricmont Jean VOGEL http://www.legrandsoir.info/Les-trois-formules-du-professeur-Bricmont.html (Publié lui aussi sur d’autres sites et proposé à Le Grand Soir, site très respectable et courageux qui n’a pas pour habitude de se dérober aux débats difficiles)
N’en doutons pas, il est des personnalités comme Jean B qui s’exposent plus que d’autres ; Ce sont celles qui entrent dans la ’pensée complexe’ d’une situation ou se croisent des postures qui semblent inconciliables, antagonistes, infréquentables, immondes parfois et qui pourtant venues d’éclairages et d’histoires différentes convergent vers l’identification d’un péril réel qui a prétention a écrire et dicter à tous une page sanglante et pour longtemps de notre histoire contemporaine. Assurément le "˜sionisme’ n’est pas une idéologie banale ni "˜comme les autres’ qui se réduirait à un dogme académiquement décryptable et historiquement analysable comme d’autres courants de pensée l’ont été. La confusion des mythes et de l’histoire, l’usage du mensonge et du révisionnisme historique, l’agressivité préventive envers toute forme de considération critique, en sont des constituants qu’il nous faut bien considérer comme "˜spécifiques’ et aboutissement d’une volonté portée par certains membres d’une communauté qui ne cesse de paraître déchirée en des courants complexes et divergents, mais se ressoude à la moindre alerte sur une crispation identitaire.
Cette exacerbation identitaire prend parfois une dimension que certains osent qualifier de paranoïaque, jusqu’à stigmatiser les "˜mauvais’ juifs, les "˜alter juifs’, les juifs "˜traîtres’, qui ne se plient pas docilement à la "˜vérité’ et à l’acceptation la justification et la défense des crimes commis, que voudrait imposer au monde l’actuel régime d’Israël (Capitale Tel Aviv, reconnue depuis sa création par la communauté internationale onusienne !). Cette crispation peut atteindre ceux là même qui se disent progressistes et du camp de la paix, jusqu’à rendre difficile, voire impossible de chercher seulement à trouver les mots "˜communs’ de notre vocabulaire et de notre histoire pour décrire dans un "˜Etat’ pourtant reconnu, la nature d’un régime, la gravité de ses actes, l’exploitation du caractère mythique de ses fondements, l’imposture de sa construction biblique qui ne saurait s’imposer comme le "˜cadastre’ divin du Moyen Orient ni comme une vérité à la face du monde.
Cette exacerbation identitaire devient le modèle de ce qui, étendu sous critères ethno religieux, à d’autres communautés humaines, nous replongerait dans la barbarie si nous ne savions en démanteler les fondements et ramener à la raison ceux qui en attisent l’enfer programmé. Ceux là qui ont inventé le mot "˜goy’ résumant à lui seul une certaine approche de l’altérité, ont même inventé déjà le concept d’antisémitisme "˜passif’ pour désigner ceux qui n’oeuvrent pas activement pour défendre Israël quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse… Oui Jean Bricmont est de ceux qui ne se laissent pas aveugler ni neutraliser ou séduire… C’est un "˜homme à abattre’, non parce qu’il serait soupçonnable d’antisémitisme, ce qui est absurde, mais pour être d’un universalisme bien plus authentique que tous ses détracteurs.
Ce qui reste d’humanisme sur cette planète, en tout lieu et sous toute culture et toute influence religieuse ou philosophique à le droit de dire "˜pas en notre nom’, face au sionisme inspirateur d’une politique expansionniste et criminelle méprisant toutes les lois et traités internationaux qui tentent d’apaiser, même imparfaitement, les tensions du monde. Tous ceux là qui s’accordent ce droit de refus le font, en affirmant aussi que chacun de ceux là , "˜nés quelque part’ et par hasard juifs puisqu’ils s’en revendiquent, seront demain revenu dans une humanité "˜ordinaire’ en se définissant eux aussi comme appartenant à celle-ci qui n’aspire qu’a la Paix et sait que ce sont les maîtres et les prêtres, imams ou rabbins, qui attisent les haines en agitant nos peurs et nos pulsions les plus basses ou les plus honteuses… Le genre humain mérite mieux que de se soumettre pour une éternité à la durée "˜bibliques’ et aux conséquences apocalyptiques à la folie de ceux là .
A lire l’article de Jean Vogel, largement diffusé sur les sites communautaires belges prétendument modérés et partisans de la paix, sur le réseau Indy et repris par bien d’autres ; on peut se demander : Vogel- Bricmont ….Quelle mouche a piqué Vogel ?
Il est assez difficile de se faire une idée des raisons qui motivent la hargne de Jean Vogel vis-à -vis de Jean Bricmont. La "˜joute’ entre eux n’est pas nouvelle et a laissé trace de quelques échanges dans lesquels Vogel divergeait sérieusement de Bricmont en ce qui concerne disait Vogel lui-même, les "˜solutions à adopter’, mais une part importante des analyses de Bricmont semblait partagée par son contradicteur. Je cite ici un échange du 29 5 2009 (1) :
« Cher Jean Bricmont, des quelques réactions reçues…, la vôtre est la seule à m’objecter des arguments rationnels et non des insultes ou du pathos ; c’est nettement plus stimulant. Pour circonscrire la discussion, je noterai d’abord ce sur quoi nous sommes d’emblée d’accord et qui ne donne donc pas lieu à débat :
1. la nécessité de défendre le droit à la liberté d’expression, y compris évidemment pour Dieudonné. Je suis personnellement partisan de la conception états-unienne d’une liberté d’expression beaucoup moins limitée et encadrée qu’en Europe et je suis notamment opposé aux lois mémorielles sur la Shoah, le génocide des Arméniens, la traite des Noirs, ou quoi que ce soit d’autre...
2. le constat que le développement ou l’exacerbation de l’antisémitisme dans le monde aujourd’hui sont d’abord et avant tout un effet de la politique d’Israël envers les Palestiniens (et non, effectivement, l’expression d’une "haine éternelle" des Juifs ou d’un "retour du refoulé" antisémite après 60 ans de censure).
3. le caractère insupportable du chantage à l’accusation d’antisémitisme utilisé contre les opposants et les critiques d’Israël, les antisionistes, les chercheurs qui soulèvent des réalités déplaisantes (le pauvre John Mearsheimer), des humoristes, etc, etc, etc. Plus la politique israélienne perd de sa légitimité aux yeux de l’opinion publique européenne (et, à un bien moindre degré, états-unienne), plus l’usage de cette arme devient frénétique, avec pour effet évident de renforcer par réaction le véritable antisémitisme. »
Et Vogel poursuivait alors « 4. Une fois ces points établis, il n’en reste pas moins que ce n’est pas parce que les sionistes (pour parler vite) accusent d’antisémitisme à peu près tous les gens dont les positions leur déplaisent qu’il n’y en a pas parmi ceux-ci un certain nombre qui camouflent leur antisémitisme du masque de l’antisionisme ou qui en tout cas les confondent allègrement. Si je ne me trompe, contrairement à ceux dont je disais qu’ils ne "veulent rien savoir"de ce dernier fait, vous en convenez également. Là où nous divergeons, je pense, c’est sur le jugement politique à porter sur cette situation et sur la réponse à lui donner …etc. »
Mais qu’est ce qui a pris Jean VOGEL de renoncer à la part de raison et de nuances qu’il savait exprimer pour privilégier seulement un dénigrement caricatural de la pensée de Jean Bricmont ? Se serait il laissé contaminer par la peur ? Ne connaîtrait il plus que la pensée "˜binaire’ qui fonde l’affirmation que quiconque n’est pas pro-israelien et donc pro-sioniste déclaré est un antisémite qui se cache ou qui s’ignore ?
A-t-il subit une influence nouvelle en forme d’intimidation pour qu’il renonce à « ce sur quoi nous sommes d’emblée d’accord et qui ne donne donc pas lieu à débat » ?
Assurément un tel propos ne peut plus s’inscrire dans un échange ou se confronteraient des bonnes volontés présumées échangeant leurs argumentaires et dans une vision constructive et critique à la fois, mais dans une posture de propagande primaire ou tout est permis pour déconsidérer celui devenu "˜adversaire à abattre’…
Il est posé d’emblée que c’est "˜l’invention bricmontienne’ qui va être démantelée …
Un commentaire laissé sur LGS résume l’imposture et la malveillance en relevant que les insuffisances que Vogel attribue (par des citations plus que tronquées) à Bricmont n’en sont pas :Je cite Bricmont : "Ces deux arguments [l’un est que Dieu a donné cette terre aux Juifs, et l’autre est l’Holocauste] sont profondément racistes, car ils reviennent à affirmer qu’il est juste que les Juifs, et eux seuls, puissent établir en Palestine leur État, alors que celui-ci serait de toute évidence arabe, comme la Jordanie ou le Liban, sans la lente invasion sioniste. On peut aussi illustrer le problème par la « loi du retour » : tout Juif, où qu’il soit, même s’il n’a aucun lien avec la Palestine, et ne souffre d’aucune persécution, peut, s’il le souhaite, émigrer en Israël et facilement en devenir citoyen, tandis que les habitants qui ont fui en 1948, ou leurs enfants, ne le peuvent pas. Si l’on ajoute à cela le fait qu’une cité proclamée Sainte par trois religions est devenue « la capitale éternelle du peuple Juif » (et la leur uniquement), on peut commencer à comprendre la rage que tout ceci provoque à travers le monde arabo-musulman."Citant encore Bricmont (le même article) : "Je n’utilise pas le terme « raciste » pour signifier l’existence d’une différence raciale entre Juifs et Arabes, mais pour désigner une attitude radicalement déshumanisante, niant chez l’autre ce qu’on admet pour soi-même (la possibilité d’avoir un état en Palestine)." Il est singulièrement déplacé de faire de cet argumentaire dont on peut toujours débattre un aveu éclairant d’antisémitisme ! Et plus déplacé encore d’accoler au nom de Bricmont dans l’article de Vogel ceux de Nasrallah, Ahmadinejad, Le Pen, Poutine… Si l’expression "˜dire n’importe quoi’ a un sens elle peut ici s’appliquer.
Triste constat qui décourage la réplique. La seule parade est d’inviter à lire vraiment les écrits de Jean Bricmont. Ils "˜secouent’ parfois même ceux qui pensent être de ses amis car il va plus loin dans une logique de justice et de liberté que bien des idéologues "˜embedded’ dans des causes moins universalistes qu’ils ne le prétendent.
Dans un échange récent Jean Bricmont stigmatisait « l’hypocrisie de la plupart des défenseurs auto-proclamés des droits de l’homme …qui se "mobilisent" toujours pour des causes lointaines, qu’ils connaissent mal, au nom des droits de l’homme, mais ne lèvent pas le petit doigt lorsque quelqu’un est jeté en prison pour un an, pour pur délit d’opinion, dans leur propre pays. Et qui se cherchent alors des excuses, du style, ne pas signer avec X.… (et) l’hypocrisie de la gauche "démocratique", "antistalinienne", qui aime dire, avec R. Luxembourg, que la liberté est toujours celle de ceux qui pensent autrement, mais qui, quand quelqu’un pense vraiment autrement qu’eux …le laisse croupir en prison. » (2) Oui les prisons israéliennes sont pleines de palestiniens soumis à l’arbitraire, des otages croupissent dans certains déserts victimes de causes qui les dépassent et le sort d’une lointaine incarcérée dans un pays de "˜barbus’ nous interpelle plus que celui de militants "˜de chez nous’ encore privés de liberté après avoir fini depuis longtemps de purger leurs peines pour avoir réprouvé par la révolte une société infâme dans sa capacité illimitée à faire régner l’injustice sociale, à protéger les privilèges, absoudre les crimes des puissants, exploiter la misère du monde comme une si banale matière première.
Oui sur le chemin à suivre nous pouvons côtoyer Jean Bricmont (3) sans crainte que ses "˜inventions’ nous poussent vers l’infâme, mais avec une exigence de justice partagée au-delà des clivages conventionnels entre groupes militants de causes dispersées chacune sous leur drapeau dont le seul point commun est souvent la trace d’une couleur de sang. Sa pensée ne s’intéresse pas qu’au "˜point chaud’ moyen oriental et mérite mieux qu’une telle désinvolture qui déconsidère, au profit d’une seule cause bien peu défendable, son auteur. Oui, quelle mouche a piqué Vogel ?
(1) Echange avec Jean Vogel http://hegemonie.blogspot.com/2010/12/echange-avec-jean-vogel.html
(2) Réponse du professeur Jean Bricmont à Henri Goldman, rédac’ chef de "Politique". : 8 12 2010 http://blanrue.blogspot.com/2010/12/reponse-du-professeur-jean-bricmont.html
(3) Impérialisme humanitaire. Droits de l’homme, droit d’ingérence, droit du plus fort ?
http://www.tilsafe.com/libfr/015-LGP-BLAD/LGP.html
Jacques Richaud 30 12 2010