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Lettre à Fernand Darchicourt

Cher Monsieur Darchicourt,

Je sais bien que vous êtes mort en 1968, mais en cette lugubre soirée d’élections municipales, aussi sinistre que les commentaires sans intérêt, sans souffle, sans substance du Premier ministre Ayrault, je souhaite ardemment écrire au socialiste que vous fûtes – un peu poussé par le patron Guy Mollet, certes – à l’ouvrier, à l’ancien mineur devenu maire d’Hénin-Liétard, puis député, jamais battu dans une élection.

Votre femme et vous même étiez voisins de mes parents Boulevard Basly (Basly qui inspira à Zola le personnage d’Étienne Lantier). Ce boulevard, qui deviendra résidentiel, était situé dans le quartier qu’on appelait le « Vieux Hénin », célèbre pour sa fête annuelle, une fête populaire qui rassemblait les ouvriers et les petits bourgeois, ceux qui constituaient le common people cher à Orwell qu’il voyait porteur de la “ décence ” nécessaire à la démocratie et au progrès. Orwell qui, à la fin de sa vie, quand vous êtes entré en politique, soutiendra le parti travailliste parce qu’il avait créé une vraie sécurité sociale, démocratisé l’éducation et nationalisé les grands moyens de production. Je doute qu’à cette époque vous auriez pu imaginer, même dans vos pires cauchemars, des figures telles que Strauss-Kahn, Moscovici, Hollande et toute cette cohorte de petits marquis roses qui suscite la désespérance populaire depuis bientôt trente cinq ans.

Vous aviez deux fils. L’aîné, Yves (“ Yvon ” pour nous) était un modèle de sagesse, de bon sens pour notre petite bande du Boulevard Basly et ses terrains d’aventure : le stade de foot ouvert à tous et un terril désaffecté où nous faisions du vélo. Tout jeune homme, il intègrera calmement, en pleine connaissance de cause, un Front National plafonnant à l’époque à 1 ou 2% de l’électorat. Il quittera le parti de la famille Le Pen, le jugeant mou du genou, et animera avec sa femme un groupement identitaire (les néofascistes flamands ne sont pas très loin) qui crache sur ce qu’il appelle la “ Ripoublique ”. Son jeune frère Pierre (Pierrot) ne laissera pas que des regrets lorsqu’il quittera la mairie d’Hénin. Mais, cher Monsieur Darchicourt, vous ne verrez pas votre progéniture dans ses œuvres.

Dès le début des années soixante, avec la fermeture des puits, Hénin a raté sa reconversion. Et puis, ce ne fut que marchés bizarroïdes et privatisation rampante des services publics. Avec à la clé, une puis deux générations de gens complètement déboussolés. Un exemple. Il y a deux ans, une de mes amis d’enfance, boucher de son état (vous vous fournissiez chez ses parents), voit deux jeunes lascars en passe-montagne faire irruption dans sa boutique, armés d’un 7.65. Hé oui, aujourd’hui, des Héninois de 17 ans possèdent des armes de poing. Ils s’emparent de la caisse (65 euros) et bouclent le commerçant dans sa chambre froide. Le boucher connaît ces deux jeunes, des voisins, depuis le temps du landau. Il sort par la porte arrière de sa chambre froide, appelle la police qui coffre des gamins qui écoperont de deux mois de prison ferme. Paumés ces jeunes ? Assurément. Mais pas plus que ces deux femmes lourdement voilées que j’ai repérées sur Google Earth en train de poireauter devant le café où mon père et ses collègues instits allaient faire un 421 devant une bière le samedi après-midi après les cours. Alors, cher Monsieur Darchicourt, vous avez dû penser comme moi que le brave Jean-Luc Mélenchon avait bien du mérite d’aller défier le lepénisme en son terreau. Steeve Briois, votre désormais successeur, est sûrement, comme on dit là-bas, un bon garchon. C’est en tout cas un sacré militant qui a conquis la ville maison par maison pendant que vos suivants solfériniens magouillaient et grenouillaient. Des Solfériniens qui, depuis bien longtemps, ne se disent même plus socialistes mais « divers gauche ».

Les Héninois vont connaître les horreurs de la politique frontiste : clientélisme, prises illégales d’intérêt, réaction à tous les étages. Le gentil Steeve, au sourire à la fois doux et carnassier, ne résoudra rien. Le chômage continuera de frapper une population qui abandonne son RSA ou son RMI à des hypermarchés florissants qui ont vidé la ville de sa substance (ne jamais se tromper d’ennemi !). Les gens pensent que si Briois et son équipe ne font pas l’affaire, ils seront battus aux prochaines élections. Ils oublient qu’avec l’extrême droite ce n’est jamais aussi simple.

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