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Les Etats-Unis intensifient les préparatifs de guerre contre l’Iran

WSWS, 3 février 2007.


On assiste actuellement à une intensification américaine continue et manifeste des préparatifs de guerre contre l’Iran. Les préparatifs militaires s’accompagnent d’un déluge de propagande contre Téhéran, en provenance de sources américaines, et relayé sans esprit critique par des médias serviles. La principale accusation actuellement portée contre le régime iranien est que ses agents appuient et arment des milices chiites en Irak pour qu’elles attaquent les troupes américaines - accusation à laquelle à ce jour aucune preuve concrète n’a été fournie.

Le mois dernier, le président Bush a non seulement ordonné à l’armée américaine de « rechercher et détruire » les réseaux iraniens en Irak, mais a confirmé la semaine dernière qu’il avait autorisé les troupes américaines à capturer ou tuer les agents iraniens. Ce lundi, dans un entretien accordé à la radio publique nationale, Bush a réitéré que « Si l’Iran intensifie son activité militaire en Irak au détriment de nos troupes et/ou du peuple irakien innocent, nous allons riposter avec fermeté. »

Lors des audiences de confirmation du Congrès américain cette semaine, les personnes nouvellement nommées par Bush se sont fait l’écho du même message. John Negroponte, qui a été nommé au poste de secrétaire d’Etat adjoint, a déclaré ce mardi devant la commission sénatoriale sur les relations avec l’étranger que « le comportement [de l’Iran], tel le soutien aux extrémistes chiites en Irak, ne devrait pas continuer sans réaction de notre part. S’ils ont le sentiment qu’ils peuvent continuer ce genre d’activité en toute impunité, alors cela nuira à la sécurité en Irak et à nos intérêts dans ce pays. »

L’amiral William Fallon, nommé à la tête des forces armées américaines au Moyen-Orient, a déclaré ce mardi devant la commission sénatoriale des forces armées, que l’implication de l’Iran dans le terrorisme et la violence sectaire avait un caractère « déstabilisant et troublant ». « Ils n’ont pas aidé en Irak. Il me semble que dans la région, alors qu’ils augmentent leurs moyens militaires, nous devrons étudier attentivement ce qu’ils font et ce qu’ils pourraient amener à la table », a-t-il ajouté.

Fallon a indiqué qu’il avait l’intention de contribuer à la construction d’une coalition régionale « pour faire face aux actes de l’Iran ». Fallon est le premier officier de la marine jamais nommé à la tête des forces armées américaines au Moyen-Orient et son rôle ne se limitera évidemment pas à la diplomatie. Fallon dirigera la très importante flotte américaine actuellement dans le golfe Persique, qui, pour la première fois depuis l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003, comprendra deux groupes de porte-avions.

Le Jerusalem Post a signalé que le navire d’assaut, USS Bataan, avait traversé le canal de Suez mardi, en route vers le golfe Persique. Le groupe de combat, comprenant sept vaisseaux, compte 2 200 soldats et marins américains, des hélicoptères et des avions de chasse Harrier. Le porte-avion USS John C. Stennis et les navires qui l’accompagnent sont attendus dans la région dans le courant de ce mois-ci, où ils rejoindront le porte-avion Dwight D. Eisenhower qui se trouve déjà dans le golfe. En tout, Fallon pourra compter sur quelque cinquante navires ainsi que sur des centaines d’avions.

Un commentaire paru dans le quotidien français Le Figaro le 27 janvier notait qu’avec deux porte-avions « les États-Unis ont désormais la capacité d’engager une offensive aérienne 24 heures sur 24 pendant trente ou quarante jours. Ils peuvent s’appuyer sur le quartier général de la 5e Flotte au Bahreïn, sur l’immense base aérienne d’al-Udaïd au Qatar et son centre de commandement opérationnel, ainsi que sur la base de Diego Garcia dans l’océan Indien pour le ravitaillement. Les satellites américains auraient identifié 1 500 cibles liées au programme d’armement nucléaire iranien, réparties sur 18 sites principaux. Nul ne doute que des dommages considérables pourraient leur être infligés. Des cibles industrielles et pétrolières pourraient s’ajouter à cette liste. »

De façon inquiétante, un article paru mercredi dans le Los Angeles Times donnait un aperçu de projets prévoyant des patrouilles plus agressives le long de la frontière entre l’Iran et l’Irak, par les avions de guerre américains, soi-disant pour empêcher la contrebande d’armes vers l’Irak. Un important officiel du Pentagone a déclaré : « La puissance aérienne joue des rôles importants, et l’un de ces rôles consiste à être une force dissuasive, que ce soit par le contrôle des frontières, la souveraineté aérienne ou quelque chose de plus cinétique. » Comme l’a fait remarquer le Times, « cinétique » est un terme utilisé pour signifier une action militaire offensive. Quel que soit l’objectif avoué, la provocation des patrouilles aériennes américaines près de l’espace aérien iranien pourrait rapidement se transformer en conflit militaire ouvert.

Bien que de hauts représentants américains ne cessent de répéter, comme s’il s’agissait de faits avérés, que des agents iraniens sont engagés à soutenir des milices antiaméricaines en Irak, aucune preuve n’a été fournie pour appuyer ces affirmations. L’ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalilzad, devait présenter mercredi un « dossier » sur des preuves concrètes d’envois d’armes iraniennes en Irak, incluant les numéros de série et les documents de livraison. Mais ce projet a été repoussé, démontrant que les « preuves » sont tout aussi minces que les mensonges concernant les armes de destruction massive, qui avaient été concoctés pour justifier l’occupation militaire de l’Irak.


Une guerre de propagande.

Le manque de preuve n’a pas empêché les médias américains de publier des articles qui ont tout l’air d’avoir été concoctés par l’administration Bush, la CIA ou le Pentagone. Mercredi, un article paru dans le New York Times, basé sur des sources anonymes des Etats-Unis et de l’Irak, a insinué que des agents iraniens étaient impliqués dans l’attaque, le 20 janvier à Karbala, d’une enceinte protégée où cinq soldats américains avaient été tués.

L’article fournissait des détails concernant l’attaque, mettant l’accent sur le fait qu’elle avait nécessité une grande organisation : l’utilisation de cartes d’identité contrefaites, d’uniformes et de mitraillettes de type « américain », de véhicules utilitaires de sport et d’outils de communication. Mais il ne présentait pas la moindre preuve que des Iraniens, et encore moins des agents du gouvernement iranien, étaient impliqués. La seule « preuve » présentée était que l’opération était trop complexe pour que des insurgés irakiens l’aient menée seuls.

Un haut représentant irakien qui n’a pas été nommé a soutenu que des francs-tireurs de l’Armée du Mahdi de l’imam chiite Moqtada al-Sadr étaient armés et contrôlés directement de l’Iran. Un représentant de l’armée américaine a suggéré la possibilité d’une vaste conspiration impliquant de hauts représentants irakiens, lorsqu’il a demandé : « Est-ce que le gouverneur [de Karbala] était impliqué ? Est-ce que la police irakienne en service était complice ou tout simplement incompétente ? »

Le New York Times a exprimé très ouvertement le véritable objectif de cet article, qui a été repris et diffusé par l’ensemble des médias : « Lier l’Iran à cette attaque meurtrière pourrait aider l’administration Bush, engagée avec l’Iran dans une guerre de paroles qui va s’intensifiant. »

L’article faisait suite à un autre reportage douteux du New York Times publié le 29 janvier alléguant que les « renseignements iraniens » avaient été impliqués dans l’assassinat de l’ambassadeur égyptien en Irak, Ihab Al Sharif, peu de temps après son arrivée en Irak en juin 2005. L’article se basait sur un article publié en une du journal égyptien Al Ahram, qui ne fournissait aucune autre preuve que les commentaires de sources anonymes. Les ministres des Affaires étrangères iranien et égyptien ont tout deux nié les allégations. A l’époque, al-Qaïda avait revendiqué l’assassinat. Rien de tout cela n’a cependant empêché le New York Times de présenter cette histoire comme véridique.

Il est certainement possible que les services de renseignement iraniens opèrent en Irak, comme le font d’autres pays, y compris des alliés des Américains comme l’Arabie saoudite et la Jordanie. L’Iran entretient des liens étroits avec des partis et des milices chiites, dont ceux qui participent au gouvernement fantoche des Etats-Unis à Bagdad, et pourrait bien leur fournir de l’aide. Il est également possible que les insurgés achètent des armes légalement ou illégalement en Iran, ainsi que dans d’autres pays. Mais il n’y a aucune preuve que le gouvernement iranien appuie l’insurrection anti-américaine en Irak.

Dans des commentaires publiés sur le site Internet du Conseil des relations étrangères (Council on Foreign Relations) basé aux États-Unis, Kenneth Pollack de l’Institut Brookings notait : « L’administration Bush semble voir les Iraniens comme la source de beaucoup, sinon de tous, les problèmes de l’Irak aujourd’hui. Pour moi, cela rappelle dangereusement la manière dont ils parlaient de la Syrie en 2004 et 2005, lorsqu’ils exagéraient de façon ridicule le rôle de la Syrie dans l’insurrection sunnite. »

Un article paru dans le Los Angeles Times du 23 janvier notait : « Malgré toute sa rhétorique agressive, l’administration Bush n’a fourni que des preuves très limitées pour appuyer ses prétentions [de l’implication iranienne]. Les journalistes qui voyagent avec les troupes américaines n’ont pas vu non plus de signes importants d’implication iranienne. Durant une récente offensive dans un bastion d’insurgés sunnites ici, on n’a trouvé qu’une seule mitrailleuse iranienne parmi les dizaines de caches d’armes découvertes par les Américains. Les officiels britanniques ont accusé de la même manière l’Iran d’être impliqué en Irak, mais disent ne pas avoir trouvé d’armes de fabrication iranienne dans les zones où ils patrouillent. »

Dans une interview accordée le 29 janvier à un journaliste manifestement hostile du New York Times, l’ambassadeur iranien en Irak, Hassan Kazemi Oumi, a vigoureusement nié tout soutien de l’Iran à des milices anti-américaines. Il a rejeté les preuves saisies par les troupes américaines lors de raids provocateurs durant lesquels un certain nombre d’Iraniens avaient été détenus en décembre et janvier.

«  Il a ridiculisé les preuves que les militaires américains disent avoir recueillies, incluant des cartes de Bagdad délimitant les quartiers sunnites, chiites et mixtes - le type de cartes qui, selon les officiels américains, serait utile à une milice préparant un massacre ethnique. M. Oumi a répondu que ce type de cartes est si commun et facile à obtenir qu’il ne prouve rien », cita le journal.

Dans les semaines à venir, l’offensive propagandiste américaine va sans aucun doute s’intensifier dans le but d’obscurcir les véritables raisons des préparatifs de guerre contre l’Iran. En premier lieu, Washington est déterminé à empêcher l’Iran d’étendre son influence suite aux désastres créés par les États-Unis dans l’Irak et l’Afghanistan voisins. Plus largement, cependant, l’administration Bush voit l’assujettissement de l’Iran qui s’en suivra comme une étape nécessaire dans le plan depuis longtemps élaboré de domination américaine sur le Moyen-Orient et l’Asie centrale et leurs riches réserves de pétrole et de gaz.

Peter Symonds

 Article original paru le 1er février 2007.

 Source : WSWS www.wsws.org

Iran : les choses se mettent en place pour l’ escalade, par Sam Gardiner.

Iran : plans de guerre de Georges Bush pour mettre en déroute l’ « ennemi », par Lucio Manisco.

Le plan de Bush pour l’Irak : pousser l’Iran à la guerre, par Trita Parsi.

Irak, Iran : le ralliement des régimes arabes « modérés » au plan Bush, Pr. Saïd Mestiri.

Israël s’entraînerait à des frappes nucléaires sur l’Iran - Reuters.

 Dessin : Gervasio Umpiérrez


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Bernard GENSANE
Bernard Stiegler est un penseur original (voir son parcours personnel atypique). Ses opinions politiques personnelles sont parfois un peu déroutantes, comme lorsqu’il montre sa sympathie pour Christian Blanc, un personnage qui, quels qu’aient été ses ralliements successifs, s’est toujours fort bien accommodé du système dénoncé par lui. J’ajoute qu’il y a un grand absent dans ce livre : le capitalisme financier. Cet ouvrage a pour but de montrer comment et pourquoi la relation politique (…)
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