Electronic Irak, 15 janvier 2007.
Le discours du Président George W. Bush sur l’Irak concernait moins l’Irak que son voisin oriental, l’Iran. Il n’y avait pas grand-chose de nouveau dans la stratégie appliquée par les États-Unis en Irak, mais sur l’Iran, le président a défini un plan qui semble avoir pour but d’amener l’Iran dans une guerre avec les Etats-Unis.
Alors que Washington spéculait sur le fait que le président accepte ou non les recommandations du groupe d’étude sur l’Irak, peu de gens avaient prévu qu’il ferait exactement l’opposé de ce que James Baker et Lee Hamilton avaient conseillé. Plutôt que de se retirer d’Irak, Bush a décidé une augmentation du nombre de troupes.
Plutôt que de discuter avec l’Iran et la Syrie, Bush a pratiquement déclaré la guerre à ces états. Et plutôt que de faire pression sur lsraël pour trouver une solution au conflit israélo-palestinien, l’administration Bush fournit du combustible dans le conflit interne à Gaza en armant et entraînant le Fatah contre le Hamas.
Plusieurs développements et rapports récents indiquent que l’administration Bush n’a jamais considéré de façon plus sérieuse la guerre contre l’Iran. Mercredi, Bush a proféré les accusations les plus dures jusqu’à aujourd’hui contre les dirigeants à Téhéran, affirmant que les religieux « fournissaient l’appui matériel pour des attaques contre les troupes américaines. »
Tout en promettant « de faire cesser les attaques sur nos forces » et de « chercher et détruire les réseaux qui fournissent les armements modernes et l’entraînement à nos ennemis en Irak, » il n’a fait aucune mention du flot continu d’hommes et d’argent allant aux insurgés sunnites et à l’Al Qaeda à partir de la Jordanie et de l’Arabie Saoudite.
Il a au contraire révélé le projet de déployer de nouvelles forces de frappe dans le golfe Persique et un système de défense antimissile composé de missiles Patriots dans les états du Conseil de Coopération de Golfe (CCG) pour protéger les alliés des États-Unis. L’utilité de ce projet pour mettre fin à la violence en Irak demeure un mystère. Ni les insurgés sunnites ni les milices chiites ne possèdent de missiles ballistiques. Et s’ils en avaient, rien n’indique qu’ils viseraient les états du CCG — Le Bahrain, le Kowéit, l’Oman, le Qatar, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis.
Le déploiement de missiles Patriots peut être cependant expliqué à la lumière d’un plan des États-Unis pour attaquer l’Iran. L’année dernière, l’Iran a fait savoir aux états du Golfe, dans un langage exceptionnellement émoussé, qu’il exercerait des représailles contre les royaumes des « sheikhs Arabes » si jamais les États-Unis attaquaient l’Iran en utilisant des bases à partir de ces pays. Conscient de la faiblesse de l’Armée de l’Air iranienne, les armes les plus susceptibles d’être employées par Téhéran sont les missiles ballistiques - tout à fait le type d’arme pour lequel même les Patriots ont été conçus afin de fournir le bouclier nécessaire. Une première étape pour s’acheminer vers la guerre contre l’Iran serait de fournir aux états du CCG une protection contre des représailles iranienne potentielles.
Peut-être l’indication la plus flagrante d’une guerre imminente avec l’Iran est la récente arrestation par Washington de diplomates iraniens en Irak. Dans la période où Bush tenait son discours, des forces spéciales des États-Unis — en violation flagrante avec les règles diplomatiques et en rappelant la prise d’otage des diplomates américains dans Téhéran par les étudiants iraniens en 1979 — ont donné l’assaut au consulat iranien dans Erbil au nord de l’Irak, arrêtant cinq diplomates. Plus tard le jour, des forces des États-Unis se sont presque opposées avec les forces de peshmergas kurdes en cherchant à arrêter d’autres ressortissants iraniens à l’aéroport d’Arbil.
Ces opérations ont exaspéré le gouvernement irakien, y compris les Kurdes qui sont pourtant de fidèles alliés de Washington. « Ce qui s’est produit... est très ennuyeux car il y avait là une représentation iranienne depuis des années et elle fournissait des services aux citoyens, » a déclaré le ministre irakien des affaires étrangères Hoshiyar Zebari à la télévision Al-Arabiya.
L’administration de Bush a justifié ces agressions — y compris les arrestations de plusieurs fonctionnaires iraniens en décembre l’année dernière - en disant détenir des preuves sur la participation iranienne à la déstabilisation de l’Irak. Mais si le but est de collecter des informations, il y aurait plus de sens à lancer une opération de grande ampleur et simultanée en direction de tous les bureaux iraniens plutôt que de procéder par touches successives qui alertent les Iraniens et leur laissent tout loisir de détruire les preuves qu’ils ont (ou n’ont pas ?) en leur possession.
Une escalade dans les incursions et les arrestations peut à l’opposé être considérée comme devant provoquer les Iraniens pour les inciter à répondre, ce qui alors augmenterait la tension et fournirait à l’administration Bush le casus belli nécessaire pour emporter le soutien du congrès américain pour le projet de guerre avec l’Iran.
Plutôt que de viser une guerre préventive contre l’Iran en la justifiant par l’existence d’armes de destruction massive — une stratégie adoptée par les Etats-Unis avec l’Irak mais peut suceptible de réussir avec l’Iran — la succession des évènements dans une stratégie de provocation et d’escalade est supposée faire croire que les Etats-Unis sont forcés à la guerre.
D’importants sénateurs républicains et démocrates semblent avoir compris ce qu’il en était de la stratégie guerrière du président. Durant l’audition de jeudi au sénat devant le Comité pour les Affaires Externes, le sénateur Chuck Hagel du Nébraska a établi des parallèles avec la stratégie basée sur le mensonge de l’administration de Richard Nixon pour justifier une escalade de la guerre du Vietnam vers le Cambodge. « Quand vous mettez en marche le genre de politique dont le président parle ici, » a-t-il averti la secrétaire d’état Condoleezza Rice, « cela devient très, très dangereux. »
Le sénateur Joseph Biden du Delaware a ajouté que la guerre avec l’Iran exigerait l’accord du Congrès. Le congrès pose un réel défi au plan de guerre de Bush, au-delà des échanges verbaux entre des sénateurs frustrés et des hauts fonctionnaires sur la défensive.
La prochaine initiative peut venir de l’Iran. Téhéran a probablement reniflé le piège et restera immobile dès à présent afin de priver l’administration de Bush d’un prétexte à l’escalade. Mais les provocations permanentes des États-Unis par d’autres attaques de consulats iraniens et de représentations iraniennes finiront probablement par entraîner une réponse intentionnelle ou involontaire, après quoi l’escalade et la guerre peuvent se transformer en réalité. L’Iran a parfois manqué de la discipline nécessaire pour s’abstenir de répondre aux agressions.
Tandis que le calcul de l’administration parait être qu’une extrême pression sur l’Iran forcera Téhéran à commettre une erreur, la croyance en Iran que des concessions inciteraient à un changement dans la politique des Etats-Unis est proche de zéro. Les États-Unis ont en effet successivement rejeté toutes les offres iraniennes.
Mais Téhéran peut pouvoir changer le climat qui règne et échapper au piège de la guerre de Bush en relançant des discussions avec l’Union Européenne pour discuter les sujets régionaux aussi bien que l’impasse sur le dossier nucléaire. La patience et la confiance de l’Europe envers l’Iran ont en grande partie été dilapidées suite à l’incapacité de Téhéran d’apprécier pleinement les efforts faits l’automne dernier par Javier Solana, le haut représentant européen pour les questions de sécurité et les affaires externes, afin de négocier un accord sur la suspension des opérations d’enrichissement nucléaire.
De plus, l’Union Européenne comprend bien que les effets de marée d’une guerre régionale dans le Moyen-Orient atteindront l’Europe beaucoup plus tôt qu’ils n’atteindront les rivages des États-Unis. Mais que l’Europe se dresse pour ses propres valeurs et pour sa sécurité et contre les plans de guerre de Bush reste cependant à voir.
Dr. Trita Parsi
Dr. Trita Parsi est l’auteur de « Treacherous Triangle - The Secret Dealings of Israel, Iran and the United States » (Yale University Press, 2007).
– Publié sur : Electronic Iraq
http://electroniciraq.net/news/2820.shtml
– Traduction : Claude Zurbach
– Source : Info-palestine.net
www.info-palestine.net
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