« J’ai rencontré deux ou trois fois Jean-Marie Le Pen dans les années 70, dont une fois en vacances, quand il était un personnage plutôt marginal. J’étais jeune journaliste, tout m’intéressait. C’est un métier où l’on rencontre toutes sortes de gens. J’ai ainsi parlé, dans ma carrière, avec des terroristes, des braqueurs, des apparatchiks staliniens en Pologne ou en Chine, un trafiquant de drogue au Mexique. J’ai aussi parlé avec Jean-Marie Le Pen. Cela n’impliquait aucune sympathie pour ses idées, que j’ai toujours détestées. Et pour cause : je suis entré au PS en 1971 pour en sortir quand je suis devenu journaliste, huit ans plus tard… ».
Le problème, petit malin, c’est que vous n’avez pas « rencontré deux ou trois fois » Le Pen, c’est que vous avez passé des vacances avec lui. Peinards, à la fraîche, décontractés du torse.
Avez-vous fait ça aussi avec des terroristes, des braqueurs, des apparatchiks des trafiquants de drogue ? Non, non, juste avec Le Pen qui fonda le FN et y regroupa une brochette d’anciens de la Waffen SS, d’anciens de la division Charlemagne, d’anciens de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme, d’anciens du parti Populaire Français de Jacques Doriot, d’anciens collaborateurs du gouvernement de Vichy.
Hélas, Joffrin a passé des vacances avec lui sans avoir entendu parler de ce que son hôte avait fait en Algérie ! Le jeune journaliste que tout intéressait rencontre « deux ou trois fois » Le Pen, passe des vacances avec lui et ne lui demande pas des nouvelles de son poignard. C’est ballot !
Le poignard de Le Pen
Dans la nuit du 3 mars 1957, une patrouille de parachutistes commandée par « un homme grand, fort et blond », que ses hommes appellent « Mon lieutenant » et qui se révélera plus tard être Jean-Marie Le Pen, fait irruption au domicile des Moulay, dans la Casbah d’Alger. Ahmed Moulay va être soumis à la « question » (gégène, supplice de l’eau) jusqu’à en mourir, sous les yeux de sa femme et de ses six enfants.
Quand les tortionnaires repartent, ils oublient un poignard. C’est un couteau des Jeunesses hitlériennes, fabriqué dans la Ruhr dans les années 1930. Sur le fourreau, on lit : J.M. Le Pen, 1er REP. L’un des enfants le trouve et le cache. Il se taira quand les bourreaux reviennent pour le retrouver. Le poignard deviendra une pièce à conviction dans un procès intenté au Monde (et perdu) par Le Pen pour « diffamation ».
Ah, jeunesse !
Oui mais, j’étais jeune, plaide-t-il. Ah ? J’attends donc que des malfaisants, des malfaisantes, rentrant en France après avoir bu le thé avec Daesh, plaident non coupables, leur âge étant une excuse suffisante. Joffrin avait « à peu près 25 ans » d’après Marine Le Pen qui, un jour où Joffrin l’avait agacée, a dévoilé le secret longtemps si bien gardé.
25 ans ? Joffrin confirme vaguement, il se rappelle à peine.
25 ans, c’est l’âge où le mathématicien Maurice Audin, militant du Parti Communiste Algérien, disparaissait après avoir été torturé, selon plusieurs témoins, dont Henri Alleg qui en parle dans son livre La Question. Il avait été arrêté par des militaires du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (REP).
Wikipédia : « Majoritairement constitué d’anciens SS et de fascistes hongrois, recrutés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le 1er REP [...] comptait en ses rangs Jean-Marie Le Pen... ». Disons que c’est une coïncidence dont Joffrin ne savait rien.
25 ans ! A cet âge, Georges Séguy militait contre tous les fascismes après avoir survécu aux camps de concentration nazis où l’avait conduit son patriotisme actif dès l’âge de 15 ans.
A 25 ans, Raymond Aubrac était tombé aux mains de la Gestapo.
A 25 ans, le colonel Fabien mourait, 8 ans après avoir combattu les franquistes dans les « Brigades internationales » et 3 ans après avoir abattu un officier nazi dans le métro.
Joffrin, ce fut Libé qui restera Libé sans lui parce que le patron est Drahi
Dans un article publié par Le Monde Diplomatique d’août 1998, Noam Chomski, citant les travaux d’un chercheur des Pays-Bas sur la presse européenne, a pu écrire que « le pire de tous était le quotidien parisien Libération, super-reaganien à l’époque, allant au-delà des pires journaux des Etats-Unis dans son adhésion à la propagande du gouvernement américain ».
En 2017, Libération a reçu 5 913 419 euros de subventions publiques. C’est la somme que les électeurs-contribuables ont payé pour que soient diffusées les opinions politiques de Joffrin sous la surveillance du patron, un milliardaire qui est un des trois Français les plus riches de Suisse où il bénéficie du statut privilégié de « résident fiscal ».
Et, donc, si vous voulez savoir qui va sauver la gauche en 2022, c’est Joffrin
Il abandonne pour cela Libération du milliardaire Patrick Drahi. Ses confrères font « ouf ! ». Mais trop tard, il vient de nous dire implicitement ce qu’est Libération, lu encore chaque jour par 71 000 gogos à qui personne n’a appris que Sartre est mort.
Donc, aujourd’hui, alors qu’approchent les élections présidentielles, Joffrin, qui était directeur de la rédaction et de la publication de Libération depuis 2014, Joffrin, cet homme neuf, clairvoyant, qui fut au PS avant de festoyer avec des fascistes et de diriger un journal de milliardaire, Joffrin sort du bois. L’homme est peu confiant dans les capacités de Benoît Hamon, ancien ministre de François Hollande, à refaire perdre la gauche unie (en 2017 Jean-Luc Mélenchon était le candidat de La France Insoumise et du PCF). Il se lance donc ouvertement dans la bataille politique pour saboter toute chance d’alternance possible. Il veut créer un parti politique (un de plus !) pour « reconfigurer la gauche ».
Il s’agit de rassembler le PS, les radicaux de gauche, des écologistes et des progressistes. Mais pas La France insoumise ni EELV. Et le PCF ?
Des appels du pied ont été faits à François Hollande, Bernard Cazeneuve, Olivier Faure, Jean-Christophe Cambadélis (photo sur la palette), Anne Hidalgo, Martine Aubry, et Ségolène Royal. No comment !
Engels contre Joffrin
Sur la manœuvre en cours et sur les mous-du-genou-bonne-conscience-de-gauche qui l’appuient (1), laissons parler Engels qui disait des Joffrin de l’époque : « Avant qu’ils aient levé le pied, je leur vois la semelle » Heu, il n’a pas dit ça comme ça, mais c’est tout comme. Lisez :
Lettre d’Engels à Bebel sur l’unité, 20 juin 1873 (extraits).
« Il ne faut pas se laisser induire en erreur par les appels à l’unité. Les plus grands facteurs de discorde, ce sont justement ceux qui ont le plus ce mot à la bouche…
Ces fanatiques de l’unité sont ou bien des petites têtes qui veulent que l’on mélange tout en une sauce indéterminée dans laquelle on retrouve les divergences sous forme d’antagonismes encore plus aigus dès qu’on cesse de la remuer, ne serait-ce que parce qu’on les trouve ensemble dans une seule marmite … ou bien des gens qui n’ont aucune conscience, politique claire… ou bien des éléments qui veulent sciemment brouiller et fausser les positions. C’est pourquoi, ce sont les plus grands sectaires, les plus grands chamailleurs et filous, qui crient le plus fort à l’unité dans certaines situations… ».
« Sauce, marmite », le mot « tambouille » n’était pas en usage, mais les gâte-sauces de la gôche indolente, acharnés à empêcher par tous les moyens le festin des peuples, étaient déjà repérés par l’ami de Marx.
En 2022, si nous n’y prenons garde, nous aurons au menu une mélasse méphitique mijotée par Joffrin, qui aima le père Le Pen, qui n’aime pas qu’on le rappelle et qui ne s’offusquera pas que la fille s’assoie à la table de l’Elysée, pourvu que (et c’est l’essentiel) Jean-Luc Mélenchon (ou un des siens) reste à l’office avec un outil redoutable apte à séduire si le peuple le voyait.
Outil d’autant plus redoutable que, même ceux qui le trouvent timoré, s’accordent à reconnaître qu’il n’y a rien d’autre.
Vladimir MARCIAC
Note (1) Les 150 premiers signataires, mensongèrement annoncés comme issus de la société civile, sont sortis du carnet d’adresses d’un vieux routier du journalisme. Les noms ne sont pas accompagnés, comme c’est pourtant l’usage, des âges et fonctions. On comprend pourquoi. Joffrin est loin d’y être le plus vieux. Aux côtés d’une belle brochette de sexa-septu-octogénaires, on repère un quasi-centenaire et une caste bling-bling (on entend le tintement des Rolex), des artistes, des journalistes, des universitaires, des industriels, des vieux socialos désétiquetés, ripolinés en blanche colombe, rien qui ressemble à un smicard dans ce cheval de Troie bancale et perclus dont seul les naïfs soutiendront qu’il n’est pas bâti pour le retour de François Hollande et l’élimination de Jean-Luc Mélenchon.
La liste.
Laurent Joffrin, Mara Goyet, Pap N’Diaye, Mazarine Pingeot, François Dubet, Géraldine Muhlmann, Pierre Lescure, Laure Adler, Michel Wievorka, Agnes Jaoui, Benjamin Biolay, Frédérique Bredin, Pascal Priou, Alain Touraine, Helene Cixous, Frédéric Worms, Ariane Mnouchkine, Benoît Thieulin, Noëlle Châtelet, Hervé Le Bras, Delphine Lalu, Denis Podalydes, Marie Masmonteil, Francois Morel, Dounia Bouzar, Jean-Michel Ribes, Juliette Gernez, Jean Baptiste de Foucauld, Geneviève Brisac, Serge Moati, Bethania Gaschet, Philippe Lemoine, Amandine Albizatti, Patrick Pelloux, Louison, Regis Wargnier, Julie Bertuccelli, Abraham Johnson, Sandrine Duchêne, William Bourdon, Nila Mitha, Jean Marie Delarue, Mireille Delmas Marty, Réginald Allouche, Marie-Laure Sauty de Chalon, Pierre Edouard Batard, Adrienne Brotons, Emmanuel Soulias, Florence Ginisty, Pierre Larrouy, Simon Ghraichy, Jean-Philippe Dérosier, Emmanuel Auger, Guy Claverie, Emmanuel Chansou, Vincent Bresson, Claude Breuillot, Claire Thuries, Mohamed Ghaouti, Jérome Gautié, François-Xavier Fauvelle, Patrice Bergougnoux, Rita Maalouf, Jean-Claude Guillebaud, Guillaume Hannezo, Didier Le Bret, Raphael Chenuil-Hazan, Geneviève Garrigos, Karim Ziabat, Alain Meunier, Alain Benrubi, Benedict Ferière, Bernadette Bung, Claude Sérillon, Jacques Mazeau, Edmond Mariette, Frédéric Scanvic, Laurent David Samama, Jean-Baptiste Soufron, Bernard Amsalem, Anna Medvecky, Jehane Bensedira, Jean-Louis Aupicon, Joel Deumier, Françoise Delcamp, Philippe Dorthe, Philippe Ledan, Claudine Ledoux, Bertil de Fos, Catherine Teitgen Colly, Jean Levain, Gerard Barras, Emmanuel Poilane, Wenceslas Baudrillart, François Dechy, Pascal Rambert, Pascal Tabanou, Christine Dementhon, Stéphan Bouges, David Latchimy, Karim Bouhassoun, Pascale Joannot, Bertrand Brassens, Jeanine Mossuz-Lavau, Christian Delage, Marie-Anne Cohendet, Céline Béraud, Judith Rainhorn, Michel Troper, Romain Huret, Jean Numa Ducange, Gabriel Galvez-Behar, Gilles Candar, Claude Roustan, Jean-Georges Thieblemont, Tanguy Tollet, Nicolas Flo, Said Lebdiri, Pierre-Samuel Guedj, Belinda Cannone, Yves Danbakli, Jean-Louis Fréchin, Jean-Pierre Havrin, François Auvigne, Gérard Welzer, Nicolas Sfez, Karine Riahli, Julien Brunet, Michel Reynaud, Jean-Philipe Daguerre, Gilles Boussion, Idir Serghine, Jean-Claude Bouchoux, Michel Picquemal, Pascal Brault, Louis Thomas, Tristan Klein, Veronique Champeil Desplat, Didier Rousseau, Jean-Michel Rollot, Rania Kissi, Sammy Hamideche, Hawa Fofana, Maria Carmela Mini, Michel Vinuesa, Rachid Bouhouch, Florian Lafarge, Maurice Ronai