RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

« Le néolibéralisme domine la planète en causant toujours plus de dégâts »

Algeriepatriotique : La démondialisation est un concept qui revient souvent dans votre travail de recherche. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Michel Rogalski : Nombreux sont les travaux qui s’accumulent depuis une vingtaine d’années qui dénoncent les méfaits de la mondialisation et suggèrent qu’elle n’est pas un phénomène inéluctable. Construite par l’homme depuis des siècles, elle connaît des phases d’emballement qui créent généralement les conditions de son essoufflement, voire de crises à répétition. Mais elle présente des aspects positifs que personne ne songe à remettre en cause : une plus grande facilité de circuler, des échanges culturels et scientifiques accrus, une meilleure connaissance de l’autre, un commerce de marchandises dans une large part à l’origine de l’essor des pays émergents et qui a contribué à dessiner une nouvelle configuration des rapports nord-sud … Tout cela, c’est de la bonne mondialisation qu’il convient de préserver. Mais à l’ombre de celle-ci s’est développée une mondialisation financière, voire maffieuse qui façonne par sa puissance les traits de l’économie mondiale et les marges de manœuvre des Etats faisant peser sur eux des contraintes insupportables. Des paradis fiscaux ont été multipliés pour favoriser ces activités. Des règles économiques et financières ont été édictées pour imposer aux Etats la soumission aux normes de la finance internationale. Toute stratégie de développement national indépendant se trouve confrontée à cette nouvelle réalité. C’est tout cela qu’il convient de contrer.

Le modèle économique néolibéral a échoué, mais l’alternative tarde à venir. A quoi l’attribuez-vous ?

Le modèle a certes échoué, mais il domine encore la planète en causant toujours plus de dégâts. Il a pris soin de verrouiller par des dispositifs institutionnels des pans entiers de ses recettes. Le modèle le plus achevé est celui de la construction européenne où l’empilement de traités successifs grave dans le marbre ces orientations libérales. Toute alternative véritable viendra s’empêtrer dans cette gangue qui plane en surplomb contre toute volonté de changement. C’est un problème identique qui agite les pays des « printemps arabes » lorsqu’il y est discuté de savoir si les constitutions doivent se référer à la charia, en marquant ainsi les limites du possible. Bref, les « lois » divines ou d’inspirations libérales peuvent-elles encore s’imposer aux hommes ? Ce carcan doit être brisé. Certes, cela ne suffit pas à faire une alternative. Un modèle économique doit pouvoir s’incarner dans une alliance sociale et une coalition politique qui le porte, et ceci de façon majoritaire. L’effondrement du bloc soviétique a constitué un choc qui a laissé des traces, au point que certains ont pu prophétiser la fin de l’histoire. Mais au tournant des années 2000, le virage à gauche d’une partie de l’Amérique latine a incarné des possibilités et suggéré que d’autres voies étaient possibles. Ces expériences nouvelles rencontrent des difficultés et de l’hostilité sourde ou manifeste. D’où la nécessité d’une solidarité internationale qui doit se nourrir d’un partage de valeurs communes.

On remarque une faible, voire une absence totale de réaction face aux scandales d’écoutes et d’espionnage à grande échelle révélés par Edward Snowden et par plusieurs lanceurs d’alerte. Où est la combativité de la société européenne, de son élite, de ses libres penseurs, de ses organisations de défense des droits de l’Homme et autres, alors qu’une grande manifestation a eu lieu aux Etats-Unis récemment ?

C’est vrai que l’ampleur des révélations a contribué à inoculer l’idée d’une fatalité technologique. Seuls les milieux informés – y compris les gouvernements – savaient. L’opinion publique, même si elle se doutait un peu, a été littéralement sidérée par l’ampleur du phénomène. Les services secrets ont partout été créés pour faire des choses illégales ou immorales que les gouvernements ne peuvent assumer. Et ils ne peuvent être poursuivis pour ces activités, car protégés par le secret d’Etat ou le secret défense. Le choc tient au fait que l’on croyait que seul l’ennemi était visé, et ce, pour les besoins de la sécurité nationale. On découvre à travers ces révélations que la surveillance s’est généralisée, que l’on est entrés dans l’ère du Big Brother et que l’on sait tout sur vous. Bref, que cette arme redoutable du renseignement est devenue tous azimuts et peut se retourner contre vous. Les Etats-Unis sont effectivement plus sensibles – pour eux – aux libertés publiques et individuelles que les Européens et il ne faut pas être surpris que là-bas l’émotion y ait été plus intense, d’autant que tout cela leur a été vendu au nom de la lutte contre le terrorisme. On a aussi appris que les Etats s’entraidaient dans cette surveillance généralisée, livrant même leurs communications en échange d’autres renseignements. Les révélations ne sont certainement pas épuisées. Un débat commence maintenant – et il sera en large partie public – sur un code de conduite qui devra définir où fixer le curseur afin de préserver les libertés publiques. Le lanceur d’alerte Edward Snowden devrait être proposé au prix Nobel de la paix.

Entretien réalisé par Mohsen Abdelmoumen

»» http://www.algeriepatriotique.com/article/michel-rogalski-algeriepatri...
URL de cet article 23238
  

Même Thème
George Corm. Le nouveau gouvernement du monde. Idéologies, structures, contre-pouvoirs.
Bernard GENSANE
La démarche de Georges Corm ne laisse pas d’étonner. Son analyse des structures et des superstructures qui, ces dernières décennies, ont sous-tendu le capitalisme financier tout en étant produites ou profondément modifiées par lui, est très fouillée et radicale. Mais il s’inscrit dans une perspective pragmatique, non socialiste et certainement pas marxiste. Pour lui, le capitalisme est, par essence, performant, mais il ne procède plus du tout à une répartition équitable des profits. Cet ouvrage est (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« les Afghans (...) auraient brûlé eux-mêmes leurs enfants pour exagérer le nombre de victimes civiles. »

Général Petraeus, commandant des forces US en Afghanistan lors d’une réunion avec de hauts responsables afghans,
propos rapportés par le Washington Post, 19 février 2011

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.