" Palestine vivra, boycott Israël "---- " Boycott des produits importés d’Israël, acheter les produits importés d’Israël, c’est légitimer les crimes à Gaza, c’est approuver la politique menée par le gouvernement israélien "
Ceci vous n’avez pas le droit de le publier, ni de le crier, ni de le chanter, ni de le dessiner. Pour le dire simplement, vous n’avez pas le droit de l’exprimer en public.
C’est ainsi. Rassurez-vous, vous avez encore le droit de le penser, et même de le gueuler sous la douche.
Mais vous pouvez encore le lire. En différents endroits. Et même dans un endroit tout à fait officiel, dans une décision de la Cour de cassation (1) :
« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., Mme Y..., MM. Y..., Z..., A..., Mme B..., M. C..., Mmes D..., et E..., ont été interpellés, le 22 mai 2010, à Illzach (68) dans les locaux du magasin "Carrefour", alors qu’ils participaient à une manifestation appelant au boycott des produits en provenance d’Israël, en portant des vêtements comportant la mention " Palestine vivra, boycott Israël ", en distribuant des tracts sur lesquels on lisait : " Boycott des produits importés d’Israël, acheter les produits importés d’Israël, c’est légitimer les crimes à Gaza, c’est approuver la politique menée par le gouvernement israélien ", mention suivie de l’énumération de plusieurs marques de produits commercialisées dans les grandes surfaces de la région, et en proférant les slogans : " Israël assassin, Carrefour complice " ; qu’à la suite de ces faits, ils ont fait l’objet de citations à comparaître devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l’article 24, alinéa 8, de la loi du 29 juillet 1881, pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race, une religion, une nation ; que le tribunal a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite [c-à-d relaxé les prévenus], et débouté les associations parties civiles de leurs demandes ; que toutes les parties et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris, et déclarer les prévenus coupables, l’arrêt [de la Cour d’Appel] retient que ceux-ci, par leur action, provoquaient à discriminer les produits venant d’Israël, incitant les clients à ne pas acheter ces marchandises en raison de l’origine des producteurs et fournisseurs, lesquels, constituant un groupe de personnes, appartiennent à une nation déterminée, en l’espèce Israël, qui constitue une nation au sens de l’article d’incrimination et du droit international ; que les juges ajoutent que la provocation à la discrimination ne saurait entrer dans le droit à la liberté d’opinion et d’expression dès lors qu’elle constitue un acte positif de rejet, se manifestant par l’incitation à opérer une différence de traitement à l’égard d’une catégorie de personnes, en l’espèce les producteurs de biens installés en Israël ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, qui répondaient aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors qu’elle a relevé, à bon droit, que les éléments constitutifs du délit prévu par l’article 24, alinéa 8, de la loi du 29 juillet 1881 étaient réunis, et que l’exercice de la liberté d’expression, proclamée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, peut être, en application du second alinéa de ce texte, soumis à des restrictions ou sanctions qui constituent, comme en l’espèce, des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre et à la protection des droits d’autrui ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme,
REJETTE les pourvois ». [la condamnation des prévenus par la Cour d’appel est donc confirmée en Cassation]
D’accord, le tribunal de cassation « n’est pas le juge des citoyens, mais le protecteur des lois, le surveillant et le censeur des juges ; en un mot, il est placé hors de l’ordre judiciaire et au-dessus de lui pour le contenir dans les bornes et dans les règles où la constitution le renferme », selon le mot de Robespierre (« [...] il faut évidemment qu’il soit constitué de telle sorte qu’il ne puisse adopter un esprit particulier, ni se faire un intérêt opposé à celui du législateur ou différent de celui du législateur », cf. note 2). Avec un pouvoir législatif qui joue les utilités, avec un pouvoir judiciaire ainsi muselé, l’exécutif a toute latitude pour imposer la démocrature...
L’art. 10 de la Convention européenne des droits de l’homme :
« Liberté d’expression : 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
La loi du 29 juillet 1881 a été modifiée, mais elle conserve encore le titre « Sur la liberté de la presse » (3).
Cela sonne bien, mais passé la première phrase (« Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public. » ), il n’y a de liberté que bien encadrée.
« Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources. » (art. 1)
Passons à ce qui sert de base légale pour poursuivre l’appel au boycott :
Art. 23 : « Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet. »
Art. 24 (dernière modification en 2017) : « Seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet, à commettre l’une des infractions suivantes : [...] Seront punis de la même peine ceux qui, par l’un des moyens énoncés en l’article 23, auront fait l’apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs.
Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.
Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement. »
Il est des mots, il est des concepts qui ne sont pas dignes d’un pays qui se revendique civilisé et moderne : la notion de « race » pue le ‘‘temps des colonies’’, c’est une notion sans fondement qui est par essence raciste !
Pour le reste, parle-t-on de personne physique ou morale ?
Sur ce point, l’article 225-2 du Code pénal, cité aussi par la Cour de cassation, est bien plus explicite : « La discrimination définie aux articles 225-1 à 225-1-2, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste : [...] 2° à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ».
Il est loisible de s’intéresser aux changements de l’article 24 de la loi de 1881 : c’est en 1972, avec la loi relative à la lutte contre le racisme (4) qu’est introduite la phrase « Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de 2 000 à 300 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement ». Pour l’art. 23, il fut rajouté « dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués ».
C’est un comble : une loi contre le racisme viendrait protéger les intérêts de l’État sioniste qui pratique la colonisation, la spoliation, la ségrégation, une forme de négationnisme ( la négation des droits des Palestiniens ; « en 2011, la Knesset a voté une loi qui peut imposer une amende aux organisations israéliennes qui nient le caractère juif de l’État d’Israël ou qui commémorent la Nakba » ), qui pratique le mépris du droit international, des résolutions de l’ONU (voir note 5 pour un aperçu jusqu’en 2009) et qui pratique à l’occasion le crime de guerre et le crime contre l’humanité. Excusez du peu !
En France, le boycott est une prérogative de l’État, de l’exécutif. Rompez les rangs !
« Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », tel est le principe de la Cinquième République (art. 2 de la Constitution, De la souveraineté). À l’évidence, les beaux principes n’engagent que ceux qui y croient. À l’instar de sa liberté, la souveraineté du peuple est limitée : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » (art. 3 de la Constitution)
Comme l’indifférence est haïssable et que « vivre, c’est être partisan », la conclusion s’impose : il faut plus que jamais boycotter et les promoteurs et tous les soutiens du sionisme. Il n’est pas question de discriminer selon une réelle ou supposée appartenance à une ethnie, une nation, une religion, mais selon des crimes bien réels commis en toute complicité !
La France est une « belle » endormie, elle s’embourgeoise, on l’a connue bien plus revendicatrice. Il suffit de lire « Boycottage et sabottage » de 1897 (6 ; « sabottage » avec 2 t ) pour voir le chemin abandonné, le terrain perdu :
« Camarades,
Le boycottage n’est autre chose que la systématisation de ce que nous appelons en France
la mise à l’index. Si le mot boycottage tend à s’introduire chez nous c’est qu’il apporte avec lui une idée plus révolutionnaire que celle attribuée jusqu’ici au mot mise à l’index.
Le boycottage, en effet, est d’origine et d’essence révolutionnaire. Ses origines sont connues
: en Irlande, le régisseur des énormes domaines de lord Erne, dans le comté de Mayo, le capitaine Boycott, s’était tellement rendu antipathique par des mesures de rigueur envers les paysans que ceux-ci le mirent à l’index lors de la moisson de 1879, Boycott ne put trouver un seul ouvrier pour enlever et rentrer ses récoltes, partout, en outre, on lui refusa les moindres services, tous s’éloignèrent de lui comme d’un pestiféré. Le gouvernement, émotionné, intervint, envoya des ouvriers protégés par la troupe, mais il était trop tard : les récoltes avaient pourri sur pied. Boycott, vaincu, ruiné, se réfugia en Amérique. Ces jours derniers, on a annoncé sa mort. [...]
Outre la grève, nous pensons qu’il y a d’autres moyens à employer, qui peuvent, dans une
certaine mesure, tenir les capitalistes en échec. Le boycottage, dont nous venons de vous
expliquer l’origine et dont nous avons cité des exemples, nous semble être l’arme pouvant, dans bien des circonstances, donner, au profit des travailleurs, une solution aux conflits existant entre ceux-ci et les capitalistes. [...]
Ici, votre Commission croit que le boycottage que nous pourrions tenter contre les exploiteurs en question ne donnerait que des déceptions. Aussi, vous propose-t-elle de le compléter par une tactique de même essence que nous qualifierons : le sabottage.
Cette tactique, comme le boycottage, nous vient d’Angleterre où elle a rendu de grands services dans la lutte que les travailleurs soutiennent contre les patrons. Elle est connue là-bas sous le nom de Go canny. [...] Si deux Écossais marchent ensemble et que l’un coure trop vite, l’autre lui dit : Go canny, ce qui veut dire : « Marche doucement, à ton aise. »
Les patrons déclarent que le travail et l’adresse sont « des marchandises en vente sur le marché » [...] Si ce sont des « marchandises » nous les vendrons tout comme le chapelier vend ses chapeaux, et le boucher sa viande [...] Pour de mauvais prix, ils donnent de la mauvaise marchandise, et nous en ferons autant.
Les patrons n’ont pas droit de compter sur notre charité. S’ils refusent même de discuter nos demandes, eh bien, nous pouvons mettre en pratique le Go canny — la tactique de « travaillons à la douce », en attendant qu’on nous écoute.
Voilà clairement défini le Go canny, le sabottage : « à mauvaise paye, mauvais travail. »
« Malheur à nous, si nous n’avons pas la force d’être tout à fait libres, une demi-liberté nous ramène nécessairement au despotisme. » ( Robespierre)
PERSONNE