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Bové, Fabius, Jouyet, Kouchner, la quadrette vertueuse.

Laurent Fabius à Cuba : « Mais qui a gardé son gosse (1) » ?

En 1986, le Premier ministre, Laurent Fabius accorde l’asile (pour 8 jours, jure-t-il afin de calmer les cris d’indignation) au dictateur d’Haïti, Bébé Doc, en cavale après avoir fait massacrer 60 000 personnes dont des écoliers de moins de dix ans.

L’assassin est resté un quart de siècle chez nous.
Voir : http://www.legrandsoir.info/Laurent-Fabius-a-egare-son-dictateur.html

Le 25 Septembre 2003, lors de l’émission de France 2 « 100 minutes pour convaincre », José Bové, classé alors à gauche et proche des mouvements de libération latino-américains, est interrogé sur Cuba. Il répond (de mémoire) : « J’ai été expulsé de Cuba par Castro pour avoir dit des choses qui lui déplaisaient ». Le questionneur, qui cherchait à le mettre en difficulté, était Bernard Kouchner, un éléphant du parti solférinien qui est devenu en 2007 ministre des Affaires étrangères et européennes des gouvernements UMP de François Fillon.

Le 29 octobre 2005, dans Libération , Laurent Fabius s’alarme : « Répression à Cuba, il faut agir ».
Et de dénoncer les « conditions de détention barbares » imposées là -bas aux « combattants de la liberté » dont plusieurs font «  une grève de la faim de plusieurs semaines ». Il invite à se mobiliser contre un régime qui « démontre une fois de plus son caractère odieux » et il « appelle le gouvernement français et l’Union européenne à faire pression sur le gouvernement cubain ».

Cet homme qu’on n’a pas entendu dire un mot d’indignation contre un assassin qu’il a accueilli avec l’argent volé aux pauvres de son pays, ajoute : « Nous ne pouvons rester silencieux ».

Le 3 mars 2007, dans l’émission « chez F.O.G. » sur France 5, José Bové (qui faisait encore illusion) s’entend reprocher son « utopie communiste ». Il s’en défend ainsi : « Je suis un des rares à avoir pu me rendre à Cuba pour critiquer Fidel Castro ; ça m’a été reproché, et j’en ai été chassé ». Le questionneur qui cherchait à le mettre en difficulté était un proche de François Hollande, Jean-Pierre Jouyet, ex-secrétaire d’État chargé des Affaires européennes des gouvernements UMP de François Fillon. Le 9 avril 2014, il a été nommé par François Hollande, secrétaire général de la présidence de la République.

Le 14 mars 2007 sur le site Le Grand Soir, après avoir mené l’enquête en France et à Cuba, j’ai révélé que l’expulsion de Bové a été une pure et misérable invention. Mieux, je démontrais, preuves à l’appui, que Bové, intervenant à La Havane au « Forum mondial sur la souveraineté alimentaire » fut très flatteur avec Cuba et avec Fidel Castro quand il se trouvait dans l’île avant d’en repartir, le nez en l’air, en sifflotant (voir : http://www.legrandsoir.info/Cuba-Jose-Bove-savate-le-tiers-monde.html).

Bové n’a pas plus été expulsé de Cuba(2) que Bébé Doc de France.

Le 12 avril 2014, pour la première fois depuis 31 ans, un ministre des Affaires étrangères français s’est rendu à Cuba pour « renforcer les liens politiques et économiques avec l’île ».

Laurent Fabius devait rencontrer au passage plusieurs « personnalités de la société civile » (comprendre : des « dissidents » que les Cubains appellent « mercenaires » ou « gusanos »). Avis aux ministres cubains invités en France : n’oubliez pas de rencontrer quelques séparatistes basques et corses ou des jeunes qui rentrent du Moyen-Orient avec le projet de connaître bientôt les 70 vierges qui les attendent là-haut.

Le voyage de Fabius a pour but d’activer les échanges commerciaux entre la France et Cuba qui plafonnent à 280 millions d’euros annuels. Le seul investisseur français important est le groupe Pernod-Ricard qui commercialise notamment le rhum Havana Club (n’oublions pas que le rhum Bacardi est un rhum produit aux USA).

La France s’intéresse actuellement à l’Amérique-latine, cet immense marché où recule l’influence des Etats-Unis. Or, il est une réalité incontournable : le renforcement des solidarités, les accords politiques et économiques inter-étatiques dans cette région font de Cuba, pivot symbolique, un pays dont les autres pays ne tolèrent plus qu’il soit encore maltraité par les USA et par l’Europe. C’est si vrai que Laurent Fabius a dû évoquer le succès du sommet de la Communauté des États d’Amérique-latine et des Caraïbes (Celac), lequel sommet vient d’apporter son soutien unanime à Cuba, face au blocus états-unien. L’obligation pour la France de mieux respecter Cuba afin de devenir un partenaire respecté en Amérique-latine est avoué dans cette phrase diplomatique de Fabius : « Le gouvernement français, a fait le choix de resserrer ses liens avec l’Amérique-atine et, dans ce cadre, nous avons souhaité que les liens soient resserrés en particulier avec Cuba ». Cela peut aider, en effet.

Du coup, Laurent Fabius a adopté un discours nouveau (dit : « Le discours du manger du chapeau »), affirmant qu’il a parlé avec Raul Castro « entre amis », que «  débloquer le dialogue politique, cela ne veut pas nécessairement dire qu’on est d’accord sur tout. Il y a des trajectoires historiques différentes, avec des sensibilités distinctes », que «  Cuba a réalisé des avancées spectaculaires, par exemple dans le droit à l’éducation et le droit à la santé... ». (Réveille-toi, Lolo, c’est presque aussi vieux que le blocus), qu’il veut « aider au rapprochement entre l’Europe et Cuba », que « s’il existe des différences entre la France et Cuba, les convergences sont également très nombreuses », et que « les deux pays partagent « une même passion pour l’indépendance ».

Question en passant : depuis combien d’années lit-on ici sur Cuba des choses de ce type (non, pas dans Le Monde ou Libé) ?

Fabius a ajouté que « les droits politiques sont également indispensables », sans préciser lesquels dans le contexte de guerre larvé avec un ennemi qui dispose d’une base militaire sur le sol cubain et qui brûle de passer à l’acte.

L’opération française de realpolitik à Cuba intervient dans un contexte de dynamisme solidaire qui gagne chaque année de nouveaux pays d’Amérique-latine tandis que la France va mal dans une Europe du chacun pour soi.

D’où les ronds de jambe de Fabius qui caresse aujourd’hui ses « amis » les dirigeants cubains qui étaient hier à ses yeux des individus « odieux » contre qui il fallait « agir » et « faire pression » pour que cesse leur barbarie.

Souhaitons que notre ministre des Affaires étrangères se rende souvent à Cuba pour y apprendre aussi que la police et l’armée de ce pays n’ont jamais tiré sur le peuple depuis 1959, que les écoliers y sont choyés et non pas abattus dans la rue, que les exécutions extrajudiciaires ont disparu avec Batista, que les ressources du pays sont réparties, que la misère (bidonvilles, famine, SDF) qui sévit un peu partout en Amérique-latine est éradiquée, que le niveau d’instruction est proche de celui des pays riches, que la médecine est gratuite et l’espérance de vie supérieure à celles des autres pays de l’arrière-cour US, que le système politique diffère du nôtre parce que le contexte diffère entre un grand pays comme la France, riche, possesseur de l’arme atomique, menacé par personne et un petit pays comme Cuba, que les USA veulent annexer (dans un document de 450 pages, ils détaillent le futur système de gestion sous leur protectorat), que les dirigeants de cette île ne sont pas propriétaires de palais chez eux où chez nous et qu’ils ont prévenu qu’ils sont prêts à mourir les armes à la main si les USA attaquent.

Alors peut-être (et cela sera bon pour la vérité, la justice, la paix, la liberté... et le commerce) Fabius signera-t-il dans Libération un article indigné contre les « conditions de détention barbares » imposées dans le bagne de Guantanamo à des malheureux, raflés dans leur pays, torturés, et dont plusieurs font « une grève de la faim de plusieurs semaines ».

Ou un long papier dans Le Monde contre le blocus imposé au peuple cubain par les USA et condamné chaque année (depuis 22 ans) par l’ONU (http://www.un.org/News/fr-press/docs/2013/AG11445.doc.htm) et dont il a concédé (à La Havane) qu’il ne se justifiait pas.
A moins qu’il ne pousse un cri de colère au JT de 20 heures sur TF1 contre les capitaines argentins qui firent disparaître 30 000 démocrates. Ou sur les assassinats de syndicalistes en Colombie, ou sur l’esclavagisme au Qatar, ou sur la conditions des femmes en Arabie saoudite, ou sur le martyre du peuple palestinien, ou...

Maxime Vivas

(1) Allusion à la pique perfide de Fabius sur la candidature de Ségolène Royal à l’élection, présidentielle de 2007, alors qu’elle était mariée avec François Hollande : « Mais qui va garder les enfants ? ». Mais également allusion au fils Fabius, dilettante non imposable qui a acheté un appartement à Paris pour plus de 7 millions d’euros et qui dépense des sommes colossales dans les casinos. 
(2) Confondu, pressé de donner des détails, Bové a d’ailleurs cessé de raconter ce bobard.

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