Inutile donc de chercher à comprendre le phénomène et de s’étonner que le « nouveau pouvoir » ne soit pas issu des « révolutionnaires » qui auraient fait la « révolution ».
Il serait impossible de se retrouver dans les subtilités qui ont accompagné toute la campagne libyenne, depuis la mobilisation des associations droitsdelhommistes, d’Al Jazeera et consorts, en passant par la résolution sur la « no fly zone », jusqu’à la destruction de Syrte et de Beni Walid. Il faut se contenter d’apprécier le traitement qui est fait des événements.
Aujourd’hui, il faudrait se faire à l’idée, malgré tout ce que l’on peut en penser, que la Libye (sic), c’est comme cela que l’on désigne le pouvoir dont l’autorité ne dépasse pas le perron de ses locaux, est « en butte aux milices armées ». Ici et là, sporadiquement, il est signifié que ces milices sont « issues de la révolution », sans préciser si elles en ont profité pour se constituer ou si elles l’ont faite. Admettons simplement qu’elles en sont « issues », ce qui est de toute manière une indéniable réalité. Sans la « révolution », elles n’auraient pas existé. Mais, peut-être qu’en réalité, le pouvoir n’est pas issu des milices et qu’il ne leur doit rien, même pas d’avoir figuré le peuple libyen « en armes », aux yeux du monde intoxiqué de propagande. Ce qui donne immédiatement l’explication qui met tout à plat.
Il y a, en vérité, d’un côté, un aréopage destiné à gouverner le pays, au moins à donner une légalité aux juteux contrats sur les hydrocarbures, de l’autre, ces non moins acteurs de la « révolution », par leur figuration au sol, qui veulent leur part du gâteau et, au milieu, un peuple qui n’a rien demandé, qui attend que le cataclysme qui s’est abattu sur lui se calme.
Deux pouvoirs règnent alors en maître, l’un au service du marché mondial, en tant que fiction politique représentative d’une souveraineté octroyée par la « communauté internationale » et l’autre, éclaté en une kyrielle de gangs qui pressurent et terrorisent les populations sous leur emprise.
De temps à autre, représentant la force militaire, ils rappellent au pouvoir « officiel », qui n’a pas d’armée, ce qu’il doit faire ou ne pas faire, lorsqu’ils estiment que cela peut leur porter préjudice. C’est ce qu’ils viennent de décider ces derniers jours en imposant le vote d’une loi qui exclu de la citoyenneté libyenne ceux qui avaient refusé que l’OTAN fasse sa « révolution » contre leur pays.
Leur maintien dans les institutions, qui leur rappellerait trop leur mauvaise conscience, ne pouvait être accepté. Coup sur coup, deux ministres, puisque faute de mieux c’est ainsi qu’il faut les désigner, celui de la Défense et celui de l’Intérieur ont demandé de démissionner. Ils ont dû finir par se rendre compte qu’il faut être ministre de quelque chose pour rester. Une autre turpitude de la sémantique en cours.
Ahmed Halfaoui