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La punition démesurée que l’Angleterre veut infliger à la Russie doit-elle vraiment nous surprendre ? (Sputnik)

On n’a pas attendu d’en savoir long sur le scandale de l’espion russe empoisonné au Royaume-Uni - l’affaire très médiatisée a été immédiatement montée en épingle. Neuf jours seulement se sont écoulés entre l’incident survenu dans la ville de Salisbury et les terribles représailles internationales.

Reprenons maintenant notre souffle et revenons sur les épisodes de ce scandale supersonique.

Le soir du 4 mars, près d’une pizzeria dans la campagne britannique, un homme d’âge mûr et une jeune femme ont été retrouvés inconscients. Le 5 mars au matin, tout le monde savait que l’homme était Sergei Skripal, un ancien colonel du GRU et un ancien espion britannique, et la femme, sa fille.

Vingt-quatre heures plus tard, le 7 mars, alors que la police venait juste d’établir que Skripal avait été empoisonné par un « agent innervant », le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson avait déjà fait une déclaration pour dire qu’il y avait là comme un « écho » du meurtre d’Alexander Litvinenko, et menacer de réagir « avec fermeté » s’il « se trouvait que la Russie était impliquée ».

Quatre jours plus tard, le 12 mars, le premier ministre britannique Theresa May annonçait que les scientifiques britanniques avaient identifié le poison : il ressemble au « Novichok » produit en URSS dans les années 1970. Personne d’autre que la Russie n’a la formule de ce poison, a-t-elle dit. Sans attendre, May a posé un ultimatum à la Russie pour qu’elle fournisse une explication complète et exhaustive de l’empoisonnement de Skripal avant le 13 mars à minuit. Et ensuite, a-t-elle dit, nous déciderons si la Russie est le mal incarné ou si elle a tout simplement perdu le contrôle de ses armes chimiques.

Si l’explication n’était pas jugée suffisamment convaincante, l’incident devait être considéré comme l’équivalent d’une attaque contre le Royaume-Uni - avec toutes les conséquences que cela comporte.

La Russie, à la surprise générale, n’a pas obtempéré, toutes affaires cessantes, à cette sommation publique et solennelle. Interviewé par la BBC, le président Vladimir Poutine a recommandé au Royaume-Uni de « démêler l’affaire » lui-même avant de déranger une importante puissance nucléaire. Le Ministère russe des affaires étrangères a poliment demandé aux autorités britanniques, conformément à la Convention sur les armes chimiques, de fournir aux autorités l’accès aux documents de l’enquête, à un échantillon de l’agent innervant et à, au moins, quelques informations concrètes.

Le Royaume-Uni a bien sûr totalement ignoré cette demande humiliante de se conformer aux normes internationales.

Pendant ce temps, le monde a découvert que May avait un peu menti. D’une part, la Russie a détruit son stock d’armes chimiques il y a longtemps, en avance sur le calendrier, (contrairement aux États-Unis, qui sont toujours en possession de leurs armes chimiques). Par ailleurs, l’inventeur de l’agent innervant Novichok a émigré aux Etats-Unis, il y a une vingtaine d’années ; il a publié, il y a 10 ans, un livre dans lequel il décrit les précurseurs de l’agent innervant. La substance est actuellement loin d’être un secret bien gardé. Et ainsi de suite.

Pendant ce temps, le Royaume-Uni a reçu des appuis ici et là : les premiers à la soutenir inconditionnellement furent les Tigres baltes et la Pologne (c’est le contraire qui aurait été surprenant !). Un peu plus tard – et moins inconditionnellement - la France et l’Allemagne « ont exprimé leur soutien. » Rex Tillerson, le secrétaire d’État américain, a été le dernier à apporter son soutien à la pauvre victime anglaise. Mais c’est sans importance, car il a été congédié quelques heures plus tard.

Pendant ce temps, le ministère britannique des Affaires étrangères a publié une subtile vidéo de propagande dont l’idée principale était que la Russie voulait « saper l’ordre mondial ».

Comme les sournois cosaques n’ont pas répondu à son ultimatum à minuit le 13 mars, May s’est rendue à son conseil de sécurité nationale.

Et mercredi, le monde a vu ce qu’il a vu.

Les jeux étaient faits : Skripal a été empoisonné par la Russie, a dit May. Nous avons donné à la Russie une chance de s’expliquer, mais elle ne l’a pas saisie. Le fait est que la Russie s’est ingérée partout à l’aide de ses pirates informatiques, ses forces armées et sa propagande (on peut presque entendre les députés s’écrier « sans oublier l’explosion de l’avion MH17 ! ») Il est temps d’apporter une réponse ferme et décisive, fulmina-t-elle. Nous allons expulser 23 diplomates russes (les députés : « Expulse aussi l’ambassadeur, il s’ingère et influence »). Nous annulerons également l’invitation adressée au ministre russe des Affaires étrangères Sergey Lavrov. Notre famille royale ne se rendra pas à la Coupe du Monde et il n’y aura pas de délégation gouvernementale (les députés : « Pourquoi ne pas retirer toute la Coupe du Monde à la Russie ? »). Non, ça, ce n’est pas possible.

Mais nous discuterons de notre indépendance énergétique mutuelle avec l’Europe (les députés : « Si Berlin est notre allié, il doit refuser le Nord Stream 2 ! »). Nous convoquerons une réunion de l’OTAN pour discuter de la question (« Tremble, Russie ! ») On pourrait même commencer à saisir les avoirs de l’État russe en disant qu’ils sont utilisés contre notre pays. L’économie russe n’est que la moitié de la nôtre, affaiblissons-la encore plus (nous sommes curieux de savoir où May a trouvé ces chiffres, étant donné que l’économie russe se monte aux deux-tiers de celle du Royaume-Uni en termes de PIB, et que, si l’on prend en compte la parité du pouvoir d’achat, elle est en fait deux fois plus grande que celle de la Grande-Bretagne). De toute façon, avec l’aide du monde entier, nous empêcherons les Russes de nous attaquer.

Applaudissements, ovations, les députés ont leur nouvelle Dame de Fer.

Je vous ai résumé les événements, mais je n’ai rien inventé.

Et maintenant, voilà mes premières conclusions.

Les internautes du monde entier - de Monsieur tout le monde à Julian Assange – se moquent de May et se demandent quelle preuve elle détient, si même il y en a. Des dessins injurieux et des poèmes insultants circulent sur l’internet russe à son propos. L’Internet britannique, lui, a inventé, pour se moquer d’elle, l’agent innervant « Brexichok » et affirme que May empoisonne le Royaume-Uni avec. Quelqu’un - clairement un valet des Russes - ose demander « pourquoi la Russie empoisonnerait un traître qui a déjà passé plusieurs années dans des prisons russes ? Et pourquoi le faire juste avant les élections russes ? » Et pour ce qui est de l’enquête, la réponse à toutes les questions est toujours la même : « La Russie sape l’ordre mondial ».

Les dirigeants d’Europe occidentale nous informent courtoisement que c’est très mal d’utiliser des armes chimiques et que la question exige une enquête approfondie et exhaustive. Ils appellent la Russie à y « participer ».

Pendant ce temps, le ministère russe des Affaires étrangères suggère qu’une de ces grandes personnes, s’il y en a encore, lise la Convention sur les armes chimiques et respecte le droit international dans sa communication.

Gazprom a annoncé la fermeture de son bureau de Londres et la cessation de ses activités.

Et, bien sûr, les analystes s’empressent de donner leur avis sur ces deux questions palpitantes, « qu’est-ce que tout cela signifie ? » et « pourquoi se ridiculisent-ils de la sorte ? »

Mais nous, c’est un autre aspect des choses que nous voulons évoquer ici : Pourquoi tout le monde est-il sidéré par ces développements ? C’est simple. Le monde est en état de choc à cause de l’écart entre la manière dont il se représentait le Royaume-Uni et la manière dont ce dernier se comporte dans la réalité en ce moment. Si, au lieu du Royaume-Uni, c’était l’Ukraine qui se comportait de cette façon, ou un autre pays que nous considérons tous comme fou, personne n’y aurait prêté attention.

Voilà, c’est tout. Les clichés que nous avons - et qui sont activement véhiculés par la culture de masse britannique – produisent l’image préconçue suivante : les Britanniques sont peut-être réservés, mais à Londres, il y a des dames et des messieurs incroyablement futés, spirituels et caustiques ; secrètement, sans convulsions ni hystérie, mais avec beaucoup d’ironie, ils dirigent le monde.

On vient de voir que la réalité ressemble davantage à Monty Python, avec peut-être en arrière-fond une musique de Benny Hill. La Dame de Fer s’écrie : « Oh my God ! Quelqu’un a empoisonné l’espion ! » La Dame de Fer se dépêche de lance un ultimatum. On n’entend plus que les grillons.

La Dame de fer demande à Berlin d’annuler le gazoduc ou à l’OTAN de faire quelque chose. Même les grillons se taisent.

Tout cela nous semble peut-être surprenant, mais c’est tout à fait normal. Il y a dans l’histoire beaucoup d’exemples de peuples qui survivent tant bien que mal au grand pays et à la grande culture dont ils viennent. Par exemple, les Romains de l’Antiquité, grands admirateurs de la culture grecque, ne comprenaient pas pourquoi les Grecs de leur époque étaient si pitoyables ; Et Mark Twain a été sidéré par la différence entre l’Italie des opéras et des musées qu’il avait imaginée, et l’Italie qu’il a vue en réalité.

Nous vivons au XXIe siècle, où cohabitent deux Grande-Bretagne : une véritable Grande-Bretagne, où le premier ministre pique sa crise et raisonne à l’envers - et une autre, une Grande-Bretagne imaginaire, où trônent encore des surhommes en vestons de tweed qui boivent du thé avec distinction et échafaudent de diaboliques conspirations.

Viktor Marakhovsky

Traduction : Dominique Muselet

»» https://sputniknews.com/analysis/201803151062545457-big-british-punishment/
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Roger Faligot. La rose et l’edelweiss. Ces ados qui combattaient le nazisme, 1933-1945. Paris : La Découverte, 2009.
Bernard GENSANE
Les guerres exacerbent, révèlent. La Deuxième Guerre mondiale fut, à bien des égards, un ensemble de guerres civiles. Les guerres civiles exacerbent et révèlent atrocement. Ceux qui militent, qui défendent des causes, tombent toujours du côté où ils penchent. Ainsi, le 11 novembre 1940, des lycées parisiens font le coup de poing avec des jeunes fascistes et saccagent les locaux de leur mouvement, Jeune Front et la Garde française. Quelques mois plus tôt, les nervis de Jeune Front avaient (…)
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