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Paru dans l’Observer

La Maison Blanche Découvre le Pouvoir que donne la peur

par Joe Conason

L’impulsion autoritaire des Républicains de la Maison Blanche en témoigne. Dans le cadre de leur campagne pour décourager toute forme d’opposition et fouler à leurs pieds les enquêtes en cours, ils ont employé comme argument non seulement l’inattention, mais aussi, de plus en plus, la manipulation des craintes publiques.

Le crescendo d’alertes émanant de Washington - qui a inclus des avertissements solennels invitant à faire attention aux plongeurs ennemis dans le golfe du Puget Sound (côte pacifique, état de Washington), a culminé cette semaine en une remarquable tentative de nous vendre, avec forces gesticulations anti-terrroristes, le sujet "des bombes sales."

L’annonce faite par le gouvernement le 10 juin de la capture d’un terroriste Américain présumé, conspirant à faire exploser une bombe vomissant des rayons radioactifs aura été aussi effrayante que n’importe quel complot mis en scène dans un film d’été. La bande annonce émise depuis Moscou par le Procureur Général John Ashcroft lui-mêm était censée faire peur, vraiment peur. Les médias nationaux ont d’ailleurs magnifiquement coopéré à cet effort.

A y regarder de plus prés, le complot à la bombe radioactive s’est avéré être moins terrifiant qu’il n’était apparu dans la bande annonce. En admettant que Jose Padilla, alias Abdullah al Muhajir, ait voulu causer de terribles dommages à ce pays, il semble pourtant ne jamais avoir eu les moyens de causer des dégâts réels.

M. Ashcroft a beau avoir gonflé l’arrestation de cet ancien membre d’un gang de Chicago par ailleurs serveur dans un banquet d’hôtel, il a beau avoir loué le F.B.I. et le C.I.A. pour "leur arrestation d’Abdullah al Muhajir avant qu’il ne puisse réaliser son plan implacable" ; il s’est avéré que ce petit criminel ne disposait pas vraiment d’un plan, mortel ou pas. en fait,Selon le Ministre de la Défense Nationale Paul Wolfowitz et le Directeur Robert F.B.I. Mueller, il n’est pas sur qu’il y ait eu un quelconque « plan » d’attaque radiologique.

"Je veux souligner à nouveau qu’il n’y avait pas de plan réel. Nous avons arrêté cet homme alors qu’il n’en était qu’aux étapes initiales" a tenu à expliquer M. Wolfowitz. Mais s’il n’y avait pas de plan imminent - ou un quelconque plan, pourquoi ce scélérat a-t-il été arrêté aussitôt qu’il a atterri aux Etats-Unis ? Et si les preuves contre lui était si évidentes, pourquoi a-t-il été sous arrêt pendant un mois sans être déféré devant le juge ?

Il est difficile de ne pas se poser ces questions, même au risque d’être qualifié d’anti-patriote par le Vice-président Dick Cheney et ses autres soi-disant sentinelles de la bonne pensée. Alors qu’il y a des raisons de croire que M. Padilla est bel et bien un méchant, il y en a autant de se demander si son arrestation sans preuves suffisantes pour permettre son inculpation était la décision la plus sage à prendre par les forces de l’ordre.

Les journaux suggèrent que les renseignements américains connaissent son existence et ses connexions avec Al Qaeda depuis des semaines si ce n’est des mois. Ils en savaient assez pour le détecter bien avant il n’essaye d’entrer dans le pays. Et ceci soulève une question intrigante concernant les occasions perdues pour l’avoir arrêtté si vite. Avec une surveillance appropriée de ses mouvements et de ses contacts, le F.B.I. aurait pu avoir non seulement M. Padilla, mais aussi tout agent d’Al Qaeda qu’il aurait eu l’instruction de contacter à son retour aux Etats-Unis. Il aurait pu avoir l’occasion de commettre un acte qui aurait permis son arrestation sous l’inculpation de conspiration.

Peut-être que ceux qui ont donné l’ordre de saisir M. Padilla avaient l’espoir de le contraindre à communiquer des informations importantes lorsqu’il serait en détention préventive. Il est regettable qu’ils le fassent sous couvert d’une autorité qui viole les libertés civiques de base et les traditions constitutionnelles.

Voilà qu’ un citoyen américain peut être retenu indéfiniment sans être accusé d’aucune infraction à la loi et peut être privé de tous les droits dont il disposait auparavant grâce à ces traditions constitutionnelles dont l’origine date des débuts de cette République. Entendre le Procureur Général décrire cette situation, c’est se rendre compte que sous certaines circonstances, un citoyen américain dispose de moins de droits qu’un étranger, à qui on donnera au moins l’occasion de se défendre devant un tribunal militaire. Soudainement, les Etats-Unis se sont mis à ressembler un peu plus qu’il y a une semaine au Cuba de Castro ou au Chili de Pinochet.

Si brutale que soit cette sortie des processus constitutionnels normaux, la liberté ne disparaîtra pourtant pas en une seule nuit de ce pays. Dans une atmosphère de terreur, elle peut cependant être érodée graduellement, avant que le jour n’arrive où les points de vue critiques seront delegitimés, où les décisions importantes seront prises dans le secret, la responsabilité des dirigeants annulée et la démocratie éventrée.

On peut comprendre que le gouvernement n’ait pas voulu prendre de risques avec Padilla. Les fonctionnaires chargés de faire respecter la loi auraient pu craindre qu’il échappe d’une façon ou d’une autre à leur surveillance et execute ensuite son plan (même si a ce stade, il n’en avait pas encore). Mais leur choix de méthodes inconstitutionnelles est néanmoins inquiétant.
Qu’il n’y ait là aucun malentendu : la nation exige la meilleure défense possible contre les ennemis fanatiques qui ont proclamé leur détermination à nous détruire. Cela peut inclure la surveillance intensifiée des citoyens et de certains étrangers, aussi bien que des contre-mesures offensives fortes, ici et à l’étranger. Mais nous n’avons pas besoin d’un Ministère de la peur qui cherche la suprématie politique en effrayant les gens et en sapant les libertés constitutionnelles que ce gouvernement a pourtant fait le serment de protéger.

Article paru dans le NewYork Observer : White House Discovers The Power of Fear Itself


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