Cela fait quatorze ans qu’ils perdent des élections, après des multiples candidatures, des tentatives de coup d’État, des grèves pétrolières et d’autres stratégies de déstabilisation. La dernière en date et celle du 14 avril, qui était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour certains pouvoirs économiques et ses représentants politiques au Venezuela. Cette fois, ils n’ont pas perdu face à Chavez mais face au chavisme. Maduro a gagné contre un Capriles qui n’accepte toujours pas les deux défaites consécutives [1].
Le terrain électoral ne semble pas être fructueux pour renverser le gouvernement, par conséquent, les gardiens du capitalisme néolibéral ont opté pour un changement dans leur tactique : approfondir la guerre économique contre le peuple vénézuélien.
Le plan consiste en désapprovisionnement et pénuries, le tout accompagné d’une campagne de communication, interne et externe, qui cherche à créer les conditions objectives et subjectives, pour justifier un coup à la démocratie qui puisse renverser le gouvernement chaviste. À cela il faut ajouter deux armes de destruction massive : l’inflation et le dollar.
Cette manœuvre à plusieurs niveaux, « désapprovisionnement-inflation-dollar-médias », prétend constituer un cercle vicieux qui accomplit la prophétie auto-réalisatrice : une situation insoutenable [2], pour que l’inévitable explosion sociale et la rébellion populaire aient lieu [3], avec des bagarres et des morts pour la nourriture [4].
Lorsque la démocratie s’exerce véritablement, les oligopoles privés ne sont pas totalement satisfaits. Le Venezuela pour tous, proposé par la révolution bolivarienne est l’opposé au patron économique que Capriles défend. Le chavisme a réussi à marquer une ligne de division entre deux modèles : d’une part l’économie capitaliste (néolibérale) et d’autre part l’économie socialiste bolivarienne.
La première alternative est l’économie de marché, du capital, de la concentration pour peu, des décennies perdues. La proposition chaviste en est une autre, celle de l’économie du peuple, de la richesse sociale distribuée, de la décennie gagnée. Au sein de cette discorde, nait inexorablement la dispute. Dans le terrain électoral cela a toujours penché vers l’option chaviste. Cependant, dans le champ économique, l’oligarchie économico-financière n’est pas prête à baisser les bras, et du coup elle s’attaque aux principes démocratiques les plus fondamentaux.
Personne ne nie le fait que la révolution bolivarienne a encore d’énormes défis économique structurels pour rendre durable ce projet émancipateur : une révolution fiscale, une gestion efficace, un changement de matrice de production. Ces politiques sont déjà fixées dans le Plan de la Patrie 2013-19 [5], permettront sans doute contrôler l’inflation, améliorer la gestion du dollar et contribuer avec la provision des biens et des services que le peuple exige.
Néanmoins, non seulement ces politiques sont nécessaires, mais elles doivent être accompagnées d’un frein à la guerre économique, que la partie structurée de l’entreprise privée est en train de jouer depuis quelque temps. Le jihad capitaliste contre le peuple vénézuélien n’a pas comme finalité immédiate d’améliorer son taux de bénéfices en étant capable d’accaparer sans vendre, mais d’avoir une plus grande rentabilité quant au pouvoir politique.
Alors, ils comptent sur un épuisement lors des prochaines élections municipales, pour faire un plus grand assaut lors des législatives ou encore lors d’un referendum révocatoire en 2015. Pour cela, l’inflation est le mécanisme idéal, c’est comme un coup du marché, pour remplacer les coups militaires qui ont renversé des gouvernements démocratiques.
Il est vrai que les prix actuels sont élevés, mais il est également vrai que l’inflation est quelque chose d’hérité. L’inflation moyenne lors des décennies néolibérales (34%) était supérieure à la décennie chaviste (22%). L’inflation ne s’explique pas par des politiques des dépenses, mais par la structure oligopolistique. De plus, l’inflation est étroitement liée à l’accaparement et à la fuite des dollars effectuée par ceux qui devaient les employer pour l’importation des biens nécessaires à la population.
L’opposition au chavisme ne supporte pas que le Venezuela ne soit pas isolé, que nous soyons membres de Mercosur, que la Chine soit notre grande alliée, que les relations économiques avec la Russie, l’Inde et l’Iran augmentent ou encore que les décisions soient prises au niveau régional à travers l’Unasur ou la Celac. Elle ne supporte pas ne pas pouvoir crier au secours au FMI ou aux États Unis […]. Elle ne supporte pas que la démocratie soit aussi la démocratisation de l’économie.
Comme chante Carlos Puebla : “aquí pensaban seguir ganando el ciento por ciento”. [6]
Alfredo Serrano Mancilla
Traduction de Victoria Valdez pour Le Grand Soir.