L’Irak s’est donc lancé, lundi, dans la nouvelle grande bataille du siècle : la libération de Mossoul. Bagdad aura, outre à récupérer sa métropole outragée par le groupe djihadiste, « Etat islamique » aussi, à faire un sort au « calife » autoproclamé, Abou Bakr al-Baghdadi, qui se terre à Mossoul depuis plus de deux ans. Toutefois, déjà une évidence s’impose : il est peu probable que les Irakiens et la coalition internationale – dirigée par les Etats-Unis – qui les soutient, puissent déloger Daech de son repère « mossouli » du jour au lendemain. Des mois, qui pourraient se chiffrer en années (en témoigne l’autre bataille, celle d’Alep en Syrie qui dure depuis plus de deux ans) seraient sans doute nécessaires pour nettoyer le panier à crabes qu’est devenue la grande ville irakienne.
Cependant, là ne semble pas le problème – du moins dans le contexte de la (les) guerre(s) qui se mène(nt) en Irak (et en Syrie) – mais bien dans cette extravagance qui fait que le pays (Etats-Unis) à l’origine de la discorde et du chaos qui minent et détruisent l’Irak soit celui qui prête une main hypocrite à Bagdad par sa direction de la cohorte internationale de lutte contre Daech. Aussi, laissons – pour le moment – le combat prendre forme et les batailles départager sur le terrain les antagonistes, pour examiner comment le Monde arabe en est arrivé à cette extrémité qui fait que toute une région (le Moyen-Orient) a plongé, du jour au lendemain, dans les atrocités d’une guerre à aucun moment souhaitée. Or, depuis cinq ans et le prétendu « printemps arabe », trois pays (Irak, Syrie, Yémen) vivent la guerre au quotidien, d’autres (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar) y participent directement (au Yémen) ou indirectement (en Syrie). Tout cela sous la supervision états-unienne. Un pays que l’on retrouve dans tous les malheurs qui frappent les nations arabes depuis une quarantaine d’années. Aussi, s’il y a un fait que l’on ne saurait omettre de noter est que les guerres qui martyrisent les peuples arabes sont la résultante directe des guerres du Golfe des années 1990 et de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en 2003. A cette époque, les Etats-Unis avaient mis en scène un incroyable scénario, accusant Bagdad de détenir des ADM (armes de destruction massive) et menacer dès lors la « sécurité » du monde. Enfonçant le clou, Londres a assuré que l’Irak n’est autre que la « quatrième puissance militaire ». On sait aujourd’hui, que tout cela était prémédité : les principaux acteurs de ces mensonges, qui ont préparé la guerre, à l’instar de l’ex-secrétaire d’Etat étasunien, Colin Powell, ont admis le fait qu’il y eut mystification et manipulation, les plus meurtrières de l’histoire, qui avaient permis une guerre – commencée en 1991 – qui se prolonge aujourd’hui tous azimuts. Daech, qu’un rassemblement mondial hétéroclite veut chasser de Mossoul, n’a été qu’un instrument créé et utilisé à ces fins par la première puissance mondiale, dont l’objectif a été et reste de raffermir son leadership, imposer au monde le Nouvel ordre mondial et, dans son sillage, les normes états-uniennes. La disparition du bloc communiste, avait rendu cette perspective plausible tout en consolidant le pouvoir unipolaire états-unien.
En fait, les Etats-Unis étaient sur le point de réussir ce stratagème, n’était-ce la résurrection de la Russie qui, rapidement, a remis en cause les prétentions directionnelles des Etats-Unis sur le monde ou de lui permettre d’imposer une « pax americana ». Aussi, les groupes djihadistes surgis ces dernières années du néant ont joué le rôle de diversion focalisant sur eux l’attention mondiale au moment où les Etats-Unis travaillaient, en particulier, à reconfigurer le Monde arabe avec la complicité des monarchies du Golfe, à le fractionner en Etats tribaux et confessionnels. Le monde s’est ainsi concentré sur Daech/EI sans s’interroger sur le comment et le pourquoi de cette apparition « miraculeuse » d’un groupe djihadiste qui, aussi puissant puisse-t-il être, ne peut disposer de la puissance d’un Etat. Or, cela a été le cas de Daech qui, en quelques jours, avait capturé les deux-tiers du territoire irakien. Voilà un mystère qui reste encore à élucider. De même que de s’interroger sur la provenance de la puissance financière – entretenir une armée estimée par les renseignements étrangers entre 25 000 à 50 000 hommes, demande des moyens logistiques énormes – dont le groupe « EI » avait fait montre. D’autre part, se pose la question : comment l’armée étasunienne – supposée entraîner la future armée irakienne – avait-elle procédé à la formation d’une armée qui s’est débandée à l’apparition du premier djihadiste, abandonnant armes et matériels, désertant le combat, laissant sans défense l’Irak ? Cela se passait en juin 2014. 28 mois après, on songe à libérer Mossoul. Et ce sont les Etats-Unis qui mènent la cadence. Vous avez dit bizarre ?
20 Octobre 2016