Les propos polémiques de Nadine Morano nous ramènent d’une part à l’actualité de l’égalité homme-femme et ce qu’elle revêt, axe politique prioritaire dans nos sociétés dites « modernes » où le droit, ici, assure théoriquement à chacun la possibilité de la revendiquer. D’autre part, régulièrement, les médias, depuis plus d’une décennie rapportent des déclarations de politiques qui stigmatisent une frange de la population française, musulmane. Ce phénomène grandissant nous invite à revisiter la fonction essentielle du politique et son utilisation des médias.
L’égalité homme-femme s’entend donc rationnellement en termes de droits inscrits dans la Constitution. Cependant, dans la réalité, la mesure de cette égalité est difficilement préhensible, et davantage dans le domaine de la sphère privée, celle du couple en particulier. Ce projet d’égalité homme-femme constitue donc une problématique en soi qu’il est intéressant d’analyser à la loupe.
Quels sont les critères retenus qui permettent la qualification d’inégalité entre les sexes et de choix de politiques pour leur effacement ?
La ministre des droits des femmes, Najet Vallaud-Belkacem édite des « chiffres-clés »(1) précieux issus d’instituts officiels comme l’Insee et la Dares entre autres partenaires, éléments tangibles et objectifs qui vont conduire les politiques à mener. Ceux-ci sont catégorisés et portent essentiellement sur l’accessibilité au monde du travail pour la sphère publique, les violences pour la sphère privée et la répartition des contraintes domestiques liées à l’articulation entre la vie personnelle et professionnelle.
Dans le monde du travail, en 2012, on a constaté 27% d’écart de salaires en faveur des hommes, et on note de nombreux obstacles à la participation des femmes sur le marché de l’emploi, s’agissant des discriminations devant la formation ou à l’embauche, dues aux stéréotypes culturels bien ancrés dans notre société française (2). Ceci représente un premier constat et écueil bien existants de notre représentation collective du genre, non relevés par notre parlementaire européenne N. Morano, sans compter l’existence du harcèlement sexuel et les barrages faits aux femmes voilées à s’insérer dans l’entreprise publique ou privée, du fait des politiques d’Etat de laïcisation, pourrait-on dire (voir les recensements en nombre grandissant de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie).
Dans la sphère privée, en rapport avec l’égalité homme-femme, toujours en 2012, le rapport fait état de 75000 femmes victimes de viol ou de tentatives de viol selon les sources judiciaires, toujours en augmentation vraisemblablement qu’explique partiellement la propension à les déclarer. Les condamnations pénales viennent corroborer les chiffres. Pour exemple, en 2011, 14 512 hommes et 453 femmes ont été condamnés pour crimes et délits sur conjoint ou concubin (soit 97 % de ces faits sont commis par des hommes à l’égard des femmes). Ces faits se produisent en France et sont toujours d’actualité nonobstant leur faible occupation dans l’espace médiatique.
L’articulation entre la vie personnelle et professionnelle, parlant de la répartition des tâches domestiques et la garde des enfants, l’enquête Emploi du temps 2010 de l’Insee, met en évidence que « les femmes passent quatre fois plus de temps que les hommes à faire le ménage et deux fois plus à s’occuper des enfants ou d’un adulte à charge à la maison ».
Cela dit, du point de vue des « chiffres-clés « du gouvernement ou plus récemment la loi pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes(Loi n°2014-873 du 4 août 2014 parue au JO n°179 du 5 août 2014), rien n’est mentionné relatif au traitement « quotidien » fait par le conjoint ou concubin sur son épouse ou concubine, au sein des couples hétérosexuels, à savoir s’il y a domination ou coercition sur des pratiques ou comportements qui conduiraient à en déduire une maltraitance, une entrave à la liberté de la femme. Aucun instrument de mesure à l’heure d’aujourd’hui, ne le peut et n’est envisageable sans remettre en cause la liberté de « fonctionnement du couple » qui, s’il s’est établi en tant que consentement de deux personnes majeures, en a choisi les modalités et le type de relation. Un politique lambda, quelle légitimité s’arroge-t-il pour déduire et alerter l’opinion publique qu’une femme assise habillée sur la plage aux côtés de « son époux » est maltraitée et qu’il y a lieu d’expulser « ces gens » hors de France ? Est-ce à l’Etat de définir le type de relations au sein des couples et d’en surveiller la juste application sans que notre République bascule dans un système policier ?
Notre première conclusion consiste donc à dire que les représentations culturelles du genre, constitutives de l’histoire collective, sont prégnantes dans la culture française, d’où la nécessité des politiques qui visent à lutter contre les inégalités homme-femme d’un point de vue pédagogique qui concerne tous les français et non une seule frange de la population en France, plutôt que démagogique comme la sournoise tentative de certains « politiques », dont nous ne saisissons plus le rôle véritable dans les médias, puisque dominent davantage d’avis subjectifs sur les questions sociétales qu’économiques et que les problématiques de l’égalité homme-femme sur la base des données objectives ne sont pas saisies, bien qu’elles aient leur limite comme nous l’avons vu.
Nombreux politiques nous imposent leur représentation esthétique du monde social dans lequel ils entendent vivre, où la femme répond nécessairement à un unique critère d’habillement qui correspond à celui du marché, de la publicité, sans signe religieux ostentatoire dont les proportions le rendraient visible (3) (dixit la loi 2004 sur le port des signes religieux à l’école qui mentionne le terme de dimension). En revanche, on remarquera que la dénudation n’est que très rarement abordée par les politiques, phénomène qui peut s’entendre sous la problématique d’activation de pulsions ou la chosification de la femme par exemple dans la publicité et les clips vidéos au service du marché.
Cela nous amène à nous poser la question de ce que doit être la fonction du politique qui ici nous dessine le tableau de la Nation française de manière monolithique, n’acceptant pas l’expression des religions dans l’espace républicain qui n’est plus de ce fait l’expression des libertés de conscience et de culte. La fonction du politique liée intrinsèquement au pouvoir, celui-ci consiste en la conservation et la protection de l’ordre social, la cohésion nationale, d’autant plus que la société soit complexe, composée de groupes sociaux aux intérêts pluriels et potentiellement divergents.
La dénonciation permanente et opportuniste de pratiques d’un groupe d’individus que l’on soupçonnerait d’être en dehors des référentiels culturels français n’invite pas à la paix sociale. Cela à cause d’un vêtement « surdimensionné » chez la femme musulmane de surcroît, identifiable à souhait par tous et défini arbitrairement comme une menace pour l’identité française que certains voient figée alors que l’histoire, de par entres autres, les migrations humaines récurrentes, meut. « L’éthique de responsabilité » weberienne se trouve largement dévoyée chez le politique dès lors que l’ennemi commun est désigné à l’intérieur de la Nation, générant la fracture sociale de manière conséquente, irresponsable parce que la conviction idéologique l’a emportée sur l’intérêt général créateur de prospérité comme le dirait Freund.
Ainsi, la problématique de l’égalité homme-femme s’en trouve travestie par une lecture démagogique pour la femme musulmane voilée qui elle, doit d’abord lutter pour son égalité avec les autres femmes qui ne le portent pas.
Jamilla FARAH