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Much Loved ou la prostitution dans la cité musulmane moderne

Citer Paul Klee, à cet endroit, est à juste titre car « l’art n’imite pas le visible, il rend visible ». Le film polémique Much Loved rend compte d’une réalité marocaine dont le scénario est construit à partir de témoignages humains réels du monde de la nuit, de la prostitution, des bordels, du sexe, de la violence qui lui est inhérente, de l’argent et des rapports de domination. Et parfois de l’amitié, de la solidarité, du jeu et du plaisir, aspects que nous occulterons afin d’éviter l’écueil d’une réduction sur l’échelle de la gravité de la prostitution. Bien évidemment, cette problématique n’est pas exclusive au Maroc. Les sociétés musulmanes et les sociétés occidentales connaissent autant la prostitution avec pour ces dernières moins de tabous et d’hypocrisies peut-être, tout en précisant qu’il est difficile de choisir entre les deux termes. Cela dit, la censure de ce film au Maroc montre que la question du marché du sexe et du tourisme sexuel en tant que réalités sociales et économiques est sensible.

Le film Much Loved est cru dans sa manière d’aborder ce sujet de la prostitution parce qu’il montre en plans larges les pratiques sexuelles des prostituées qui dominent l’imagerie et peuvent donc heurter, sans compter les durs propos « de rue » et le dégradant traitement infligé aux prostituées. Certains, hommes et femmes en témoigneront dans la salle « Le Comédia » à Lyon lors de l’avant-première le 3 septembre 2015 présentée par Nabil Ayouch, le réalisateur. Pour autant, il place le spectateur face à une dure réalité sociale qui pose moult questions, de tous ordres. Mais nous privilégierons pour ne pas être trop généralistes les angles anthropologiques et politiques.

A partir de l’anthropologie, nous verrons comment il est possible d’envisager cette gestion politique des désirs, des passions, des frustrations et des pulsions sexuelles chez l’homme tout particulièrement. Nous arrêterons notre propos à la prostitution hétérosexuelle des femmes issues de milieux défavorisés et qui n’entre pas nécessairement dans le cadre de la prostitution de luxe ou dans une prostitution volontaire.

Le film nous montre donc de manière flagrante que la femme prostituée malgré elle, représente le dernier maillon de la chaine d’une société pleine de frustrations sexuelles, qu’elle absorbe telle une éponge les maux des hommes, leur misères affectives, sexuelles ou existentielles qui s’exprimeraient et se libérerait par la consommation sexuelle. En premier lieu, parce qu’elle représente le miroir des pulsions et de violences sexuelles, de marchandisation des corps que l’on ne veut exposer publiquement, la prostituée est méprisée, ostracisée. Ce reflet est défini dans nos cultures « abrahamiques » modernes comme étant antinomique avec la rationalité et la civilité humaine que les pulsions viennent contrarier. En second lieu, parce que l’on sait aussi, que si ce monde devait s’imposer au grand jour, s’il devait se normaliser, alors, c’est « l’homme civilisé » qui mourrait et l’animal en l’homme règnerait. La rationalité est ce qui a permis la liberté de l’homme par rapport à sa nécessité biologique et ses fantasmes irrationnels auxquels quand il ne peut y échapper se fourvoie, pour la libération de ses pulsions, dans l’activité sexuelle d’une manière générale, dans la prostitution pour certains quand ils en ont les moyens et la posture, ou à défaut dans la pornographie qui en marchandant la pratique sexuelle des corps peut s’entendre comme relevant de la prostitution aussi. Cette lecture évidemment s’inscrit dans une perspective évolutionniste où la sexualité, hors des cadres institutionnels que sont le mariage ou la relation libre, est représentée comme étant sauvage, animale et que l’abandonner, c’est évoluer vers l’homme civilisé qui maitrise ses pulsions, son corps, ses instincts animaliers, son image et sa représentation dans la cité.

La prostitution, c’est la part maudite du fonctionnement de la société. En venir à utiliser la marchandisation du corps, ce peut être interpréter ce phénomène comme n’ayant réussi aucune autre alternative pour gagner sa vie du côté de la prostituée et sa famille, et n’avoir pu séduire sexuellement une femme du côté du consommateur, c’est dire l’une des expressions de l’échec d’une insertion et reconnaissance sociales dans la prostitution.

Dans le même temps, la prostituée issue d’une famille pauvre est utilisée socialement pour entretenir les siens et cet aspect-là double l’aversion sociale à son encontre et souvent se traduit par des violences qui touchent son intégrité physique et morale. Comme l’a dit Nabil Ayouch, le réalisateur du film Much Loved , « une société qui refuse de se regarder dans le miroir est une société malade ».

Mais alors, comment se peut la gestion de toutes ces pulsions, ces frustrations au sein d’une société qui pour le remarquer aujourd’hui est en crise culturelle, identitaire, religieuse et économique ? Le monde postmoderne étant en grande transformation sociale et paradigmatique, comment aborder ce thème de la prostitution dans la société musulmane ? La pratique du sexe en dehors de la relation institutionnelle qu’est le mariage est interdite en Islam et de ce fait ne peut suffire à contenir l’ensemble des pulsions sexuelles, leur libération et certaines dérives. Le politique musulman ou non musulman dans la société musulmane a pour rôle de maintenir la paix sociale et un certain « bonheur social » qui limiterait les excès et accès de violence. Sont-ce pour ces raisons, et aussi pour ne pas contrevenir aux principes religieux que l’on occulte politiquement cette réalité de la prostitution alors qu’il y aurait lieu de regarder de plus près ce qui est une conséquence désastreuse de politiques hypocrites ? Nous avons choisi effectivement de limiter notre réflexion aux femmes prostituées mais un rappel s’impose pour rappeler que la prostitution infantile, les viols et pratiques incestueuses entrent dans le cadre de l’urgence sociale et doit s’inscrire dans un traitement politique immédiat à défaut d’un lent processus pédagogique d’évolution des mœurs. La France n’est pas en reste puisqu’elle compte 75 000 viols et les cas de l’Egypte ou de l’Inde nous montrent la difficulté pour une femme d’être en sécurité dans la rue.

Donc, pour ce faire, rappeler la mission du politique en général et notamment dans la société musulmane est opportun. L’intérêt général doit prendre en compte toutes les situations et tous les phénomènes sociaux que même si la religion n’embrasserait pas dans sa grille de lecture comme possibilités selon une interprétation réductrice de l’Islam, il n’en reste pas moins une prérogative à la responsabilité et l’éthique humaines face à l’aliénation d’une frange de la population la plus fragilisée. Ou il s’agira de libérer les mœurs et d’accepter que le mariage institutionnel n’est pas le seul mode de régulation des pulsions masculines et faire confiance en la propension de l’homme citoyen à préférer l’ordre social traditionnel, ou de légaliser le mariage temporaire pour permettre à la femme d’avoir un statut qui convienne culturellement à des codes sociaux, ou de diminuer les inégalités sociales patentes en allouant une allocation d’Etat dissuasive et en partageant davantage les richesses, ou à s’activer à installer la prospérité économique globale dans tout le pays.

Mais on ne peut laisser faire au nom de l’éthique de responsabilité collective, les facteurs qui amplifient les angoisses sociétales, les pulsions de violences et de consommations sexuelles qui portent préjudice à une « caste maudite » de surcroit ne risquent pas de disparaitre aussitôt au regard des mœurs modernes, de l’hyper sexualisation ostensible des femmes dont le modèle est institué par la caste gagnante du marché et des médias. Car même si la prostitution se pense parfois comme un mal nécessaire, qu’une part d’elle résistera de manière incompressible, agir politiquement sans autoritarisme mais pédagogiquement permettra de préserver les valeurs « famille » et « enfance ».

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