Une fois l’élection d’un candidat confirmée, le processus court de discussion et de publicité n’existe plus et là, il y a lieu de pointer les limites de la démocratie représentative, cette confiance actée pour un mandat pluriannuel qui supposerait la liberté tacite pour chaque élu de choisir et mener les politiques qu’il désire.
Dans le cas présent du maire actuel Anne Hidalgo, en ce 13 août 2015, celle-ci a opté pour la promotion de Tel-Aviv, capitale administrative de l’Etat colonial d’Israël artificiellement créé par l’ONU en 1947, présentation qui n’est pas exposée ainsi dans le discours dominant en Occident et en France particulièrement. Ainsi, ce phénomène pose donc la première question problématique du partage équitable et de l’égale disposition de l’information via les médias dominants qui permettraient aux citoyens (1) de juger rationnellement de l’opportunité d’un tel choix politique, c’est-à-dire de l’égalité devant l’information entre les citoyens considérée comme une condition dans la théorie normative de la démocratie délibérative de Joshua Cohen qui effectivement s’oppose à la démocratie représentative. « La notion de démocratie délibérative a ses racines dans l’idéal intuitif d’une association démocratique dans laquelle la justification des termes et des conditions d’association procède par l’argumentation et le raisonnement publics entre citoyens égaux. Dans un tel ordre politique, les citoyens partagent un engagement à résoudre les problèmes de choix collectif par le raisonnement public, et considèrent leurs institutions de base comme légitimes dans la mesure où elles fournissent le cadre d’une délibération publique et libre (2) ».
Précisons que les fondements républicains des Lumières sont l’égalité et la liberté dont l’une présuppose l’autre et ne se constituent pas dans l’antinomie mais dans une spécification de la démocratie occidentale. La seconde question met en exergue cette singularité de la démocratie qui n’existerait que le temps de la publicité, des échanges entre les candidats et les citoyens, et de que de manière brutale le lendemain de l’élection, les citoyens deviennent observateurs passifs devant les politiques menées par l’élu du point de vue de leur pouvoir de décision sur les choix a posteriori des élections. C’est alors l’inertie d’une démocratie au profit d’un plein pouvoir de l’élu où le partage du pouvoir n’est plus, ce qui compromet la cohésion sociale lorsque les politiques menées divisent la population, comme tel est le cas aujourd’hui avec l’évènement « Tel-Aviv sur seine ». Ce qui nous amène à remarquer l’absence patente d’ « éthique de la discussion » habermassienne (3) nécessaire à la légitimité démocratique de politiques menées et rappeler la mission d’intérêt général et de paix sociale du politique.
Cette analyse prise sous le prisme de l’évènement « Tel-Aviv sur Seine » ici montre donc les limites d’une démocratie de type simplement représentative qui premièrement, nie les volitions citoyennes dans leur ensemble sur des phénomènes ponctuels, deuxièmement affirme l’occultation du pluralisme inhérent aux sociétés modernes atomisées multipliant de ce fait la possibilité de différences ou de divergences d’opinion et troisièmement relègue, disqualifie le vivre-ensemble en tant que priorité. Dès lors, l’équation de la paix sociale se complexifie pour le noter. Ce temps où la démocratie délibérative ne s’exerce plus a posteriori des élections participe à l’abstentionnisme électoral, au discrédit du système politique qui éloignerait voir opposerait citoyens et élus. Cette distanciation n’est pas stérile si l’on observe le terrain social malgré tout, puisque différentes initiatives émergent comme alternatives citoyennes en dehors des cadres de validation institutionnelle, regroupant dans des tiers-lieux des citoyens responsables qui pensent et agissent la transition paradigmatique en prenant en considération les nouveaux défis culturels, politiques et environnementaux. Et, en relation avec les choix politiques idéologiques qui cherchent à imposer une vision du monde politique qui sert le grand capital et ses dérives colonialistes, racistes comme l’est le cas de l’apartheid israélien, le militantisme pour la restauration ou conservation des droits fondamentaux à l’autodétermination des peuples autochtones trouve sa pleine pertinence en compensation ou réparation des dérapages de politiques néo-libérales ou néo-coloniales qui perdurent malgré les symptômes criants d’une mutation nécessaire vers un monde qui cherche à se réapproprier des fondamentaux d’équité et de solidarité.
La Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie s’inscrit dans cette perspective de lutte contre les injustices relevant d’une logique de domination de certains hommes à l’égard d’autres ethniquement différenciés contre le principe d’égalité institué dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, domination à l’œuvre dans le système colonial sioniste à l’œuvre en Palestine. La CRI a vocation à défendre les victimes de « discrimination raciale ». Ce concept peut être entendu selon la définition d’Albert Memmi, sociologue, qui est la valorisation généralisée et définitive de différences réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de légitimer une agression ou des privilèges ou selon Abdelaziz Chaambi, président de la CRI, comme la stigmatisation et l’essentialisation d’un individu ou d’un groupe en fonction de son appartenance réelle ou supposée à l’islam en vue de le discriminer, l’agresser ou l’exclure de la vie sociale ou pire encore sa réduction historico-géographique.
Jamilla FARAH