Personne ne sera tenu pour responsable de l’unique et terrible massacre commis par les soldats allemands depuis la seconde guerre mondiale.
Suite à la recommandation du procureur fédéral, l’armée a abandonné son enquête sur le Colonel Georg klein, qui, il y a presque un an, a donné l’ordre de lancer une attaque aérienne près de la ville afghane de Kunduz qui a fait 142 victimes principalement des civils. Des enquêtes préliminaires n’ont pas fourni la preuve d’un manquement à la discipline a dit le Ministre de la Défense la semaine dernière à Berlin. En conséquence il n’y aura pas de poursuites disciplinaires à l’encontre de Klein.
En avril dernier, le procureur fédéral est arrivé à la conclusion que lancer des bombes de 250 kg sur deux camions-citernes qui étaient clairement entourés de beaucoup de monde ne constituait pas une violation "du droit humanitaire international". Klein n’a pas enfreint le droit international ni le code criminel allemand ont affirmé les procureurs fédéraux pour justifier leur décision.
L’abandon de toute enquête et de toute poursuite disciplinaire contre Klein revient à un "acquittement de première classe" selon le site Web du Spiegel. Le site accuse les enquêteurs militaires de se comporter en fonction "d’une idée erronée de l’esprit de corps". Le colonel n’aura même pas d’avertissement, bien qu’une enquête de NATO montre qu’il a clairement violé les procédures en vigueur.
A cause d’un vice de forme, la Cour Fédérale de Justice a rejeté une requête présentée par des représentants de l’opposition qui invitait le Ministre de la Défense karl-Theodor zu Guttenberg (Union Social Chrétienne, CSU), l’ancien Général Inspecteur de la Bundeswehr (armée allemande) Wolfgang Shneiderhan et l’ex-Secrétaire de la Défense Peter Wichert à se présenter devant la commission pour clarifier des contradictions dans leurs déclarations antérieures.
Auparavant le Bundeswehr avait refusé de fournir aux enquêteurs la moindre information concernant le rôle du KSK (Commandement des Forces Spéciales) ainsi que d’autres informations importantes pour "des raisons de sécurité". C’est lui qui a décidé de manière autocratique ce qui devait être communiqué aux parlementaires et dans quelle mesure ils pouvaient diffuser et publier l’information.
Cela révèle beaucoup de choses sur la relation qui unit l’armée au Parlement. Contrairement à l’esprit de la constitution allemande et à la pratique politique d’après guerre, ce ne sont pas les parlementaires qui veillent à la légalité des opérations militaires et qui demandent des comptes aux chefs militaires, mais les militaires qui dictent la nature de l’information qui peut être communiquée au Parlement et au public.
Il y a beaucoup d’indices qui montrent que le massacre de Kunduz a été perpétré volontairement et délibérément par les chefs de l’armée afin de contraindre les politiciens à soutenir une guerre qui est rejetée par les deux-tiers de la population.
Depuis le début, le gouvernement fédéral et les plus hauts gradés de l’armée ont tout fait pour dissimuler les circonstances du massacre. C’est seulement quand des communiqués de presse et des déclarations des autorités américaines ont commencé à apparaître que la véritable ampleur du massacre a été révélée.
Le Ministre de la Défense de l’époque, Franz Josef Jung (Union Démocratique Chrétienne, CDU), fut obligé de démissionner l’année dernière parce que, jour après jour, il avait nié qu’il y ait eu des victimes civiles alors qu’il savait parfaitement que c’était faux. Son successeur, Karl Theodor zu Guttenberg, avait initialement défendu la conduite de Klein mais plus tard il dut corriger son approche et a alors qualifié l’attaque de "militairement inappropriée". Il a renvoyé le militaire le plus gradé, le Général Inspecteur Wolfgang Schneiderhan ainsi que la Secrétaire d’Etat, Wichert, parce qu’ils avaient soi-disant mis des documents sous le coude.
En absolvant maintenant Klein de toute responsabilité, le Ministre de la Défense donne toute liberté à l’armée de commettre d’autres massacres en toute impunité. Cet "acquittement de première classe aura un impact sur la mission de la Bundeswehr toute entière," selon le site Web de Stern.
Ainsi, les restrictions imposées à la Bundeswehr quand elle a été créée après la seconde guerre mondiale sont graduellement levées et la politique qui consiste à cibler les victimes est légitimée ; une politique que les armées des USA, de Grande Bretagne et d’Israël pratiquent depuis longtemps.
Le Ministre des Affaires Etrangères et Vice-Chancellier Guido Westerwelle ( Parti Démocratique Libre, FDP) a récemment défendu les assassinats ciblés de leaders de l’opposition par les troupes de NATO en Afhanistan en les qualifiant de "légitimes". "Nous devons savoir" a dit Westerwelle "que les combattants ennemis que nous affrontons dans un conflit armé non international peuvent et doivent être combattus dans le respect du droit humanitaire international".
Peu auparavant, le Ministre de la Défense, Christian Dienst avait déclaré que "l’assassinat ciblé était conforme au droit international".
Les documents publiés récemment par Wikileaks montrent que la politique des assassinats ciblés est utilisée depuis longtemps en Afghanistan pour briser la résistance populaire à l’occupation.
Les pratiques de la Bundeswehr ne font pas exception à cette politique. Après le massacre de Kunduz, des preuves substantielles que le KSK était profondément impliqué dans des assassinats ciblés d’insurgés furent révélées. Selon l’enquête du magazine d’information, Der Spiegel, Klein a ordonné l’attaque des deux camions-citernes parce qu’il soupçonnait plusieurs leaders Talibans d’être dans les parages. Le KSK, que Klein a consulté avant l’attaque recherchait ces leaders Talibans.
Les dernières interventions de Guttenberg, le Ministre de la défense, qui plaident pour la suppression du service militaire obligatoire et la création d’une armée de métier doivent être évaluées dans ce contexte. Le gouvernement et le haut commandement de l’armée veulent faire de la Bundeswehr une armée opérationnelle efficace, capable de défendre les intérêts de l’impérialisme allemand en Allemagne et à l’étranger, à tous prix et sans aucune restriction légale.
Markus Salzmann
Les articles de Markus Salzmann paraissent sur le site web : WSWS.org , le World Socialist Web Site
Pour consulter l’original : http://www.wsws.org/articles/2010/aug2010/kund-a25.shtml
traduction D. Muselet