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L’abus de la loi sur l’espionnage par Obama est un maccarthysme moderne (The Guardian)

Honte à ce président qui persécute les lanceurs d’alerte avec une relique juridique, tandis que les fonctionnaires de l’administration fuitent en toute impunité !

La condamnation de Bradley Manning en vertu de la Loi sur l’espionnage de 1917 et la décision du Département de la justice étasunien de poursuivre le lanceur d’alerte Edward Snowden pour espionnage sous la même loi, sont encore d’autres exemples de la politique de la main de fer de l’administration Obama contre les droits humains et les militants des libertés civiles.

L’utilisation de la loi sur l’espionnage par le président Obama est sans précédent, qui poursuit ceux dont il veut restreindre les dénonciations. Toutefois, l’objectif d’une poursuite sous la loi sur l’espionnage, n’est pas de punir une personne pour avoir espionné au profit de l’ennemi, pour avoir vendu des secrets pour un gain personnel ou pour avoir essayé de saper notre mode de vie. Le but est de ruiner le lanceur d’alerte personnellement, professionnellement et financièrement. Il est destiné à envoyer un message à quiconque veut parler de vérité au gouvernement : défiez-nous et nous vous détruirons.

Seules dix personnes dans l’histoire des États-Unis ont été accusées d’espionnage pour avoir fuité des informations classifiées, sept d’entre elles sous Barack Obama. L’impact de cette accusation sur la vie d’une personne – à être considérée comme un traître, à être évitée par sa famille et ses amis, encourant des frais juridiques considérables – fait partie de tout un plan pour pousser le dénonciateur vers la ruine, pour l’affaiblir jusqu’à ce qu’il plaide coupable de n’importe quoi pour en finir. Je connais. Les trois charges d’espionnage contre moi ont fait de moi le « Septième d’Obama » ("the Obama Seven").

Début 2012, j’ai été arrêté et inculpé de trois chefs d’accusation d’espionnage et un chef d’accusation pour violation de la Loi sur la protection des identités du renseignement [Intelligence Identities Protection Act – IIPA]. (J’étais seulement la deuxième personne de l’histoire des États-Unis à être accusée d’avoir violé l’IIPA, une loi qui a été écrite pour être utilisée contre les rogues comme Philip Agee).

[note du Grand Soir : l’auteur emploie le terme "rogue" pour qualifier l’admirable et feu Philip Agee, ex-agent de la CIA qui a consacré une bonne partie de sa vie à dénoncer les agissements de cette agence. Ce mot peut signifier "fripouille", "voyou" ou "solitaire"... selon le contexte.]

Deux de mes accusations d’espionnage résultaient d’une conversation que j’ai eue avec le journaliste du New York Times sur la torture. Je ne lui ai donné aucune information classifiée – uniquement la carte de visite d’un ancien collègue de la CIA qui n’avait jamais été infiltré. L’autre accusation d’espionnage portait sur le fait d’avoir donné la même carte de visite non classifiée à un journaliste d’ABC News. Les trois accusations ont toutes été finalement abandonnées.

Alors, pourquoi m’accuser en premier lieu ?

Cela a été ma punition pour avoir dénoncé le programme de torture de la CIA et pour avoir confirmé à la presse, en dépit des protestations du gouvernement, que le gouvernement américain était effectivement dans des affaires de torture.

À la CIA, les employés sont formés à croire que presque chaque question morale est une nuance de gris. Mais ce n’est tout simplement pas vrai. Certaines questions relèvent du noir et blanc – et la torture est l’une d’entre elles. Beaucoup d’entre nous ont cru que la politique de la torture n’était qu’une perversion de l’ère Bush. Mais nombre de ces perversions, ou au moins les efforts visant à les couvrir et à les justifier, ont continué sous le président Obama.

Obama et son procureur général, Eric Holder ont déclaré une guerre contre les dénonciateurs pratiquement dès qu’ils sont entrés en fonction. Certaines de ces enquêtes ont commencé pendant l’administration Bush, comme c’était le cas avec le lanceur d’alerte Thomas Drake de la NSA, mais les procès relevant de la loi sur l’espionnage ont été poursuivis uniquement sous Obama. Le président a choisi d’ignorer la définition juridique du lanceur d’alerte – toute personne qui apporte un éclairage sur le gaspillage, la fraude, les abus ou tout acte illégal – et a poursuivi les diseurs de vérité.

Ces décisions politiques ont des relents de McCarthysme modernes. Whashington a toujours eu besoin de ism pour combattre une idée qui pourrait rallier ses citoyens comme des lemmings. Tout d’abord, ce fut l’anarchisme, puis le socialisme, ensuite le communisme. Maintenant, le terrorisme. N’importe quel lanceur d’alerte qui devient public au nom de la protection des droits humains ou des libertés civiles est accusé d’avoir aidé les terroristes.

Que le dénonciateur reçoive le soutien de groupes comme Amnesty International, Human Rights Watch ou de l’American Civil Liberties Union (Union américaine pour les libertés civiles – ACLU – NdT) ne change strictement rien. L’administration continue ses pressions avec des accusations sauvages contre le lanceur d’alerte : « Il aide l’ennemi ! » « Il a mis la vie des soldats en danger ! » « Il a du sang sur les mains ! ». Puis, quand vient le temps du procès, les accusations d’espionnage sont invariablement soit abandonnées, soit rejetées.

L’administration et ses sycophantes de la sécurité nationale dans les deux partis au Congrès affirment que les actions du gouvernement exposées par le lanceur d’alerte sont légales. Le ministère de la justice a approuvé la torture, après tout, et la Cour suprême américaine a déclaré que le programme d’écoutes de la NSA est constitutionnel. Mais c’est le même ministère de la justice qui a harcelé, surveillé, mis sur écoutes et menacé Martin Luther King Jr et qui a récemment autorisé la vente d’armes à des gangs de la drogue mexicains dans le scandale de Fast and Furious. Le fait qu’ils soient au pouvoir ne leur donne pas raison.

Maintenant un autre problème avec la loi sur l’espionnage est qu’elle n’a jamais été appliquée uniformément. Immédiatement après son adoption en 1917, le dirigeant socialiste américain Eugène V. Debs a été arrêté et emprisonné en vertu de la loi sur l’espionnage – simplement pour avoir critiqué la décision US d’entrer dans la Première guerre mondiale. Il s’est présenté à l’élection présidentielle depuis sa cellule de prison.

Près d’un siècle plus tard, lorsque la directrice adjointe du renseignement national a révélé le montant du budget du renseignement hautement classifié dans un discours mal préparé, elle n’a même pas reçu de blâme – en dépit du fait que les Russes, les Chinois et d’autres avaient recherché le coût depuis des décennies. Quand l’ancien Secrétaire de la Défense et le directeur de la CIA, Léon Panetta, ont révélé sans vergogne l’identité d’un membre de l’équipe de la Navy Seal qui a tué Oussama Ben Laden dans un discours face à un auditoire qui comprenait des personnes douteuses, le Pentagone et la CIA ont simplement qualifié la divulgation d’« inadvertance ».

Il n’y a eu aucune accusation d’espionnage contre Panetta. Mais il y a eu une négociation de 3 millions de dollars pour un livre.

Les poursuites de l’administration Obama pour espionnage sont des actions politiques pour des raisons politiques et sont mises en oeuvre par des nominations politiques. La seule façon de mettre un terme à tout ceci ou à tout abus par l’administration de l’Espionage Act est de réécrire la loi. Elle est tellement obsolète qu’elle ne mentionne même pas les informations classifiées ; le système de classification n’avait pas encore été inventé. La loi a été écrite il y a un siècle pour poursuivre des saboteurs allemands. Son actualisation est survenue seulement en 1950, au plus fort de l’affaire Julius et Ethel Rosenberg. La loi est toujours si étendue et vague que des juristes estiment qu’elle est inconstitutionnelle.

Le seul espoir d’en finir avec cette parodie de justice est d’abolir l’Espionage Act et d’adopter une nouvelle législation qui protègerait les lanceurs d’alerte tout en permettant au gouvernement de poursuivre les traîtres et les espions. Cela exigerait un leadership du Congrès cependant, et c’est quelque chose de très difficile à obtenir. Des géants comme feu les sénateurs Daniel Patrick Moynihan et Frank Church (qui parle dès 1975 de la NSA, voir article en lien - NDT), et feu le représentant de la Chambre (l’équivalent de député en France – NdT) Otis Pike, qui ont assumé et réformé hardiment la communauté du renseignement dans les années 70, sont depuis longtemps révolus. Jusqu’à ce que quelqu’un au Capitol Hill commence à comprendre le concept de justice pour les dénonciateurs de la sécurité nationale, il y a très peu de changement à attendre.

La presse a aussi un rôle à jouer, celui qu’elle a largement ignoré jusqu’à présent. Ce rôle consiste à rapporter et enquêter sur les révélations d’illégalité des lanceurs d’alerte, non pas sur le type de voiture qu’ils conduisent, la marque des lunettes qu’il portent, dans quelle université ils ont étudié ou ce que leur voisin d’à côté a à dire sur leur enfance.

Les attaques contre nos libertés civiles que les lanceurs d’alerte dénoncent sont bien trop importantes pour céder aux futilités hors-sujet. Après tout, le gouvernement espionne chacun d’entre nous. C’est cela le sujet.

John Kiriakou

Traduction : Romane

»» http://www.theguardian.com/commenti...
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in Medea Benjamin, "Soul Searching," NACLA Report on the Americas 24, 2 (August 1990) : 23-31.

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