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Il y a 40 ans, pour ses idées Salvador Allende mourait les armes à la main

« Vous aurez au moins le souvenir d’un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et humilier. Allez de l’avant, sachant que bientôt s’ouvriront de grandes avenues où passera l’homme libre pour construire une société meilleure. » Les dernières paroles d’Allende avant l’assaut de la Moneida

Il y a quarante ans mourait les armes à la main Salvador Allende président démocratiquement élu du Chili.

Le 4 septembre 1970, Salvador Allende devient président du Chili avec une campagne autour du thème des nationalisations et de l’indépendance du pays vis-à-vis du capital étranger. Le coup d’État du 11 septembre 1973 mené par Augusto Pinochet met fin à son mandat par la force en renversant son gouvernement pour instaurer une dictature militaire. Le général Augusto Ugarte Pinochet, aurait déclaré : « Allende a gagné. C’est un communiste. Le pays s’est fourré dans un sale pétrin. »

Qui est Allende ?

Salvador Allende Gossens, né le 26 juin 1908, est un médecin et homme d’État socialiste chilien, président de la République du Chili du 3 novembre 1970 au 11 septembre 1973. « Allende, nous le décrit Gustave Thomas, exerce dans les bidonvilles de Santiago. Cofondateur du Parti socialiste chilien en 1933, « el Pocho » devient vite la coqueluche des habitants des bas quartiers qui apprécient ses idées, sa chaleur humaine et son goût de la vie. Il a 25 ans. Pinochet, de son côté, poursuit de strictes études au collège du Sacré-Coeur, tenu par une congrégation française. Pinochet entre à l’Académie militaire l’année même où Allende fonde le PS.
Dans un article remarquable du journal Libération, nous suivons l’ascencion d’Allende, et sa chute. : « Elu député en 1938, Allende est, quatre ans plus tard, ministre de la Santé d’un gouvernement Front populaire avant d’accéder au Sénat en 1945. A trois reprises (1952, 1958 et 1964), il se présente en vain à la présidence. Allende entre en fonction le 4 novembre 1970 En deux mois, les opposants au nouveau régime ont procédé à des retraits massifs de capitaux, la production industrielle a chuté, l’approvisionnement marque le pas et le marché noir des devises s’est emballé. « Nous en finirons avec les monopoles qui livrent à quelques familles le contrôle de l’économie [« ] Nous allons mettre en oeuvre une authentique réforme agraire. Nous en terminerons avec le processus de dénationalisation de nos industries qui nous soumet à l’exploitation étrangère. Nous allons restituer à notre peuple les grandes mines de cuivre, de charbon et de salpêtre. » (1)

Le coup d’Etat : Pinochet au pouvoir pendant 17 ans

Une coalition pour l’abattre est fomentée notamment par la création du chaos, les grèves et une atmosphère de guerre : « L’orientation socialo-communiste et la politique économique de l’UP hérissent les Etats-Unis qui n’acceptent pas la « spoliation » de leurs intérêts. Par CIA interposée, ils déstabilisent Allende. (...) Une vague d’attentats ensanglante le Chili. « Le pays est au bord de la guerre civile », prévient Allende, le 13 août (...) En fait, le général complote depuis plusieurs semaines sous le nom de code de « Pinocchio ! L’heure du golpe de estado a sonné. A l’aube du 11 septembre 1973, alors qu’Allende se prépare à annoncer un référendum sur les institutions politiques, l’infanterie de marine se soulève à Valparaiso. Une junte, dirigée par Pinochet pour l’armée de terre, de l’amiral José Merino et des généraux César Mendoza (carabiniers) et Gustavo Leigh (armée de l’air), somme Allende de se rendre. Allende refuse et confirme sa décision « de résister par tous les moyens, même au prix de sa vie ». Son discours est interrompu lorsque les rebelles s’emparent des émetteurs. Allende, coiffé d’un casque de combat, ceint de l’écharpe présidentielle et armé d’une Kalachnikov offerte par Castro, tire sur les chars. Les putschistes font donner l’aviation. Peu après, l’ambassadeur des Etats-Unis sable le champagne avec son staff ».(1)

L’après-coup d’Etat et la bazarisation du Chili

« Les opposants au golpe descendus dans les rues sont impitoyablement frappés, voire exécutés sur place. Pinochet, d’abord chef de la junte, s’est tour à tour fait nommer chef suprême de la nation, chef de l’Etat et enfin président de la République en décembre 1974. La loi du 19 avril 1978 a amnistié tous les crimes et délits commis par des militaires, des policiers et des agents de sécurité du régime. En septembre 1980, un deuxième référendum approuve la nouvelle Constitution et désigne Pinochet comme président pour un mandat de neuf ans. (...) Le gouvernement militaire abandonne les rênes de l’économie aux monétaristes adeptes de l’école de Chicago, fondée par Milton Friedman. Les « Chicago Boys » (qui placent la stabilité monétaire au centre de tout) trouvent dans la dictature un prodigieux laboratoire pour mettre en oeuvre leur libéralisme sauvage : pas de grève, pas de syndicats, pas de contestation sociale » et une police omniprésente. Dans un premier temps, les droits de douane sont supprimés en pratique et le Chili est inondé de produits étrangers. Suivent privatisations, licenciements collectifs, coupes claires dans les budgets de l’éducation et de la santé, chute vertigineuse des salaires. » Neuf ans après le coup d’Etat, le peso a perdu 50% de sa valeur, 30% de la population active est au chômage, les exportations ont chuté de 18%, l’industrie est au point mort, la dette extérieure s’élève à 18 milliards ».(1)

Le 14 décembre 1989. La junte à terre. « Que le dictateur s’en aille ! » Vers 21h30, le 14 décembre 1989, la joie éclate enfin au Chili. Patricio Aylwin, candidat unique de l’opposition regroupée au sein de la Concertation des partis pour la démocratie remporte la présidentielle avec 55,2% des suffrages contre le candidat de la junte, L’homme, qui, en 1973, avait mis de longs mois à prendre ses distances avec les militaires, confirme la couleur. Le gouvernement de « transition vers la démocratie » qui entre en fonction en mars 1990 suivra les rails des militaires. Un peu plus de social, plus de libertés, beaucoup moins de répression » mais un profond respect pour « l’oeuvre accomplie » par Pinochet. En 1994, son successeur, le démocrate-chrétien Eduardo Frei, ne changera pas la ligne. » (1)

Les fondements de l’ingérence impériale

Le coup d’Etat n’a réussi que parce que les Etats-Unis l’ont financé. Ce sera d’ailleurs les mêmes scénarios qui ont eu lieu dans tous les coups d’Etat mis en place notamment celui de Mossadegh en Iran, il a fallu l’après-l’an 2000 pour que Madeleine Albright au détour d’une conversation reconnaisse que les Etats-Unis avaient renversé Mossadegh et placé Zahedi.

Hernando Calvo Ospina nous explique le scénario du coup d’Etat chilien : « En 1961 écrit-il, dès qu’il prit possession du pouvoir, le président Kennedy nomma un comité chargé des élections qui se dérouleraient au Chili trois ans plus tard. Ce comité fut reproduit à l’ambassade étas-unienne de Santiago. Empêcher que le candidat socialiste Salvador Allende ne gagne les élections en était l’objectif. (...) Au total, l’opération coûta quelque vingt millions de dollars, une somme si importante pour l’époque. Dans ses Mémoires, William ´´Bill´´ Colby, chef de la CIA de 1973 à 1976, raconte que lors de l’élection présidentielle de 1970 au Chili « la CIA se vit enjoindre de diriger tous ses efforts contre le marxiste Allende, contre la candidature duquel elle fut chargée d’organiser une vaste campagne de propagande.´´ ». Selon cet ancien patron de la CIA, l’opération s’appelait « Deuxième Voie ». Henry Kissinger, alors conseiller à la Sécurité nationale du président Richard Nixon, déclara pendant une réunion du Conseil national de sécurité sur le Chili, le 27 juin 1970 : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester sans rien faire pendant qu’un pays sombre dans le communisme à cause de l’irresponsabilité de son peuple. » (2)

Le 4 septembre 1970, Salvador Allende remporta les élections. Colby rapporte que « Nixon entra dans une grande fureur. Il était convaincu que la victoire d’Allende faisait passer le Chili dans le camp de la révolution castriste et anti-américaine, et que le reste de l’Amérique latine ne tarderait pas à suivre. » (...) Washington plaça donc son plus grand espoir dans les Forces armées, mais tout dépendait de leur Commandant en chef, le général René Schneider. Là, la CIA rencontra un problème, car ce militaire avait clairement indiqué que son institution respecterait la Constitution. Le 3 novembre 1970, Allende prit ses fonctions de président. Une stratégie de déstabilisation du nouveau gouvernement fut alors à l’étude. Depuis 1972, cette équipe de la CIA menait l’opération de désinformation et de sabotage économique la plus perfectionnée que l’on ait connue jusqu’alors au monde. (...) L’action contre Allende nécessitait une campagne internationale de diffamation et d’intrigues. Une bonne partie de celle-ci fut confiée à un novice en politique étrangère, presque un inconnu en politique, mais il s’agissait d’une vieille connaissance du président Nixon et des hommes de l’équipe de choc qui menaient l’opération : George H.W. Bush. Il réalisa cette tâche en tant qu’ambassadeur à l’ONU. Le 11 septembre 1973 eut lieu le sanglant coup d’Etat mené par le général Augusto Pinochet et qui déchaîna une terrible répression. Quelques semaines plus tard, Henry Kissinger reçut le prix Nobel de la paix...(2)

La mutation de l’impérialisme et le néolibéralisme toujours à la barre

Est-ce que les choses ont changé depuis ? Hélas non ! la finalité est toujours la même, l’ingérence énergétique et économique a remplacé l’idéologie. Le 40e anniversaire du coup d’Etat au Chili, voulu par les USA, survient à un moment étrange écrit Pierre Haski : l’Occident se demande aujourd’hui comment ne pas intervenir en Syrie. « Allende, c’est une idée qu’on assassine. » Ce coup d’Etat appartenait à la catégorie de l’ingérence la plus crue, de l’impérialisme à l’état brut pour reprendre un vocabulaire tombé en désuétude. La CIA fut à la manoeuvre, et beaucoup d’argent fut déversé pour déstabiliser le gouvernement d’Union populaire d’Allende, jusqu’au passage à l’acte du 11 septembre 1973. Ce coup d’Etat de 1973 est l’un des sept renversements de gouvernements étrangers dont les Etats-Unis sont officiellement coupables pendant la deuxième moitié du XXe siècle (et beaucoup plus officieusement). (...) Le magazine américain Foreign Policy a fait le compte des changements de régime décidés à Washington : Iran 1953, Guatemala 1954, Congo 1960, République dominicaine 1961, Sud-Vietnam 1963, Brésil 1964, et donc Chili 1973. (Pour être honnête, l’Urss en a au moins autant à son actif, et la France quelques-uns aussi en Afrique). Deux décennies et quelques guerres plus tard, le monde des années 2010 ne ressemble ni à celui de l’époque du coup d’Etat au Chili, dominée par l’esprit de la Guerre froide, ni à celui des années 1990, où l’on croyait possible un nouvel ordre multipolaire, plus juste. C’est celui d’une époque cynique et désabusée, où après deux ans de tuerie monstrueuse en Syrie, faisant plus de 100.000 morts, il n’existe aucune structure internationale pour y mettre fin. Pire, il n’y a aucune volonté d’y mettre fin. » (3)

Que reste-t-il d’Allende ?

Sa voix dit-on résonne, encore et toujours. Beaucoup d’entre nous se rappellent avoir vu Allende en compagnie de Boumediene descendre la rue Didouche-Mourad en voiture et saluant la foule. Sa stature est à rapprocher de celle du Che qui, lui aussi, était coutumier d’Alger. Sofia Injoque Palla professeure de littérature écrit : « L’ombre du « compañero presidente » plane sur les mouvements de protestation et son effigie, à côté de celle de Che Guevara, résume à elle seule les revendications des manifestants. Quarante ans après sa disparition, la pensée d’Allende semble plus que jamais en phase avec l’actualité chilienne. Pourquoi Allende reste-t-il un symbole de lutte y compris pour les jeunes générations ? Quelle est la validité de son héritage aujourd’hui ? En effet, loin d’être seulement un « devoir de mémoire », le souvenir d’Allende et de sa révolution pacifique vers le socialisme nourrit actuellement les mobilisations qui remettent en question le modèle néolibéral chilien. La défaillance du gouvernement dans l’éducation, la sécurité sociale ou la santé a engendré un rejet, chez les jeunes en particulier, d’une gestion économique, sociale et environnementale responsable d’énormes inégalités et discriminations. Désormais, Che Guevara n’est plus le seul portrait brandi lors des protestations des étudiants, celui d’Allende est aussi en bonne place comme symbole de détermination, d’intransigeance et d’espoir. (..)Quarante ans après sa tragique disparition, que retenir de l’héritage d’Allende ? Tout d’abord, que la révolution est possible lorsque le peuple s’unit et s’organise.(...) Salvador Allende et Ernesto Guevara partageaient l’idée que le processus révolutionnaire consistait à transformer l’individu, sa conscience, ses valeurs, ses habitudes et ses relations sociales car le véritable facteur de changement d’une société repose sur ceux qui la composent. Aussi, la base fondamentale du « nouvel homme » est l’éducation grâce à laquelle la société sera basée sur la solidarité humaine plutôt que sur le consumérisme et le profit ». (4)
Voilà qui est bien dit seule la formation et l’éducation peuvent contribuer à l’émergence de l’homme nouveau dont le sacerdoce ne serait pas l’avoir mais l’être. Le lien plutôt que le bien. Amen !

Chems Eddine CHITOUR

1. http://www.liberation.fr/monde/1998/11/14/chili-les-annees-pinochet-pinochet-seize-ans-de-dictature_250885

2. http://www.legrandsoir.info/le-renversement-d-allende-raconte-par-washington.html

3. http://www.rue89.com/2013/09/11/40-ans-apres-mort-dallende-lingerence-a-change-visage-245588

4. Sofia Injoque Palla Investig’Action http://www.michelcollon.info/Allende-sa-voix-resonne-encore-et.html

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Islamophobie. Comment les élites françaises construisent le "problème musulman"
A. Hajjat et M. Mohammed
Les connaissances sur l’islam produites par différents acteurs appellent généralement une action politique pour « résoudre » le « problème musulman ». En ce sens, les conditions de production des connaissances sur l’islam peuvent être déterminées par la « solution » envisagée, et cette « solution » peut varier considérablement en fonction du diagnostic que l’on fait de la réalité sociale. Les mythes propagés par les experts sécuritaires et certains intellectuels médiatiques s’accompagnent (…)
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Je crois vraiment que là où il y a le choix entre la couardise et la violence, je conseillerais la violence.

MAHATMA GANDHI

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