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Guerre en Caucase : une sale aventure

On a le sentiment troublant que les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, entre autres, vont adopter la même position qu’après le bombardement du Liban par Israël, à peu près à la même époque au cours de l’été 2006 : passer par les Nations Unies pour exercer des pressions sur la victime et l’amener à faire des concessions à l’agresseur.

Vendredi 8 juillet 2008

La Géorgie envahit l’Ossétie du Sud (1) :

La Géorgie a lancé une offensive militaire majeure vendredi pour reprendre le contrôle de la province sécessionniste de l’Ossétie du Sud, provoquant une riposte furieuse de Moscou, qui a aussitôt envoyé des tanks dans la région, et la menace d’une guerre ouverte entre la Géorgie, un proche allié des Etats-Unis, et la Russie.

Des centaines de morts ont été signalés pour la plus grave explosion de violence depuis que la province a acquis de facto son indépendance lors d’une guerre contre la Géorgie qui prit fin en 1992. Selon des témoins, la capitale de l’Ossétie du Sud, Tskhinvali, à été dévastée.

« J’ai vu des cadavres dans les rues, autour d’immeubles en ruines, dans des voitures, » a déclaré Lyudmila Ostayeva, 50 ans, qui a fui avec sa famille à Dzhava, un village proche de la frontière avec la Russie. « C’est impossible de les compter maintenant. Il ne reste pratiquement pas un seul immeuble intact. »

Et les Russes répondent (2) :

Le Ministre de la Défense a déclaré vendredi après-midi qu’il protégerait les citoyens russes de ce territoire et les soldats des forces de maintien de la paix qui ont essuyé des tirs à Tskhinvali.

« La direction géorgienne s’est lancée dans une sale aventure, » a déclaré le ministre dans un communiqué publié sur son site internet. « Le sang versé dans l’Ossétie du Sud restera gravé dans les consciences de ces gens et de leurs proches. Nous ne permettrons à personne de porter atteinte à nos soldats de la force de paix ni à des citoyens de la Fédération de Russie. »

Mais les Géorgiens sont-ils les seuls responsables de cette sale aventure ? On peut en douter, particulièrement à la lecture de ce passage d’un article d’Associated Press que le New York Times a commodément ignoré :

« Plus de 1000 soldats et marines US étaient sur la base militaire le mois dernier pour former les troupes géorgiennes aux techniques de combat. La Géorgie a environ 2000 soldats en Irak et constitue le troisième contingent militaire des forces de la coalition, après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Vendredi, la Maison Blanche a appelé la Russie et la Géorgie à régler leur dispute sur l’Ossétie du Sud par des voies pacifiques.

« Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue - que les violences cessent et qu’un dialogue direct s’instaure pour résoudre le conflit, » a déclaré aux journalistes la porte-parole de la Maison Blanche, Dana Perino. »

Curieusement, les Etats-Unis sont incapables de condamner la Géorgie pour son invasion et son attaque de style Guernica contre Tskhinvali. D’un autre côté, ce serait beaucoup demander alors que de nombreux marines US viennent tout juste de terminer la formation dispensée aux troupes géorgiennes. La Maison Blanche se contente d’appeler à la retenue, ce qui constitue une habitude lorsqu’un de ses alliés lance une attaque et que l’agressé prend des mesures pour se défendre.

Cela fait un bout de temps que les Russes sont en colère à propos des propositions faites pour intégrer la Géorgie à l’OTAN. Maintenant, les troupes géorgiennes ont attaqué l’Ossétie du Sud après avoir été entrainées par les Etats-Unis. Les Russes ont toutes les raisons de croire que les Etats-Unis ont donné leur feu-vert pour cette invasion. Si j’étais géorgien, je me ferais vraiment du souci, parce qu’il est probable que les Russes se préparent à leur apprendre une terrible leçon sur les conséquences de l’arrogance.

* * * *

Il apparaît qu’Israël a fourni des armes à l’armée géorgienne entrainée par les US. Selon la presse, ces fournitures ont cessé depuis quelques jours (3) :

Selon des officiels du Ministère de la Défense, Israël a décidé d’interrompre ses ventes d’équipements militaires à la Géorgie suite à des protestations de la Russie qui est engagée dans un dispute avec son minuscule voisin du Caucase.

Les officiels ont déclaré que le gel de fournitures d’armes avait pour objectif de fournir à Israël un moyen de pression contre Moscou pour convaincre la Russie de ne pas livrer d’armes à l’Iran. Ils se sont exprimés sous ouvert d’anonymat puisqu’Israël ne donne pas officiellement des détails sur ses ventes d’armes.

La Russie a toujours refusé de commenter ses ventes de missiles de défense antiaériens S-300 à l’Iran.

Parmi les fournitures qu’Israël a vendu à Tbilissi (capitale de la Géorgie - ndt) on trouve des drones volants (avions sans pilotes). Selon des observateurs de l’ONU, les chasseurs russes en ont abattu un au mois de mai.

D’autres types d’armes incluent :

… Israël a aussi fourni à la Géorgie des armes d’infanterie et de l’électronique pour des systèmes d’artillerie, et a aidé à moderniser des chasseurs SU-25 d’origine soviétique assemblées en Géorgie, d’après Koba Liklikadze, expert militaire indépendant basé à Tbilissi. D’anciens généraux israéliens servent aussi comme conseillers auprès de l’armée géorgienne.

Intéressant : Les ventes d’armes d’Israël à la Géorgie se sont interrompues, et moins d’une semaine plus tard les Géorgiens envahissent l’Ossétie du Sud. Il y a aussi des articles aujourd’hui qui parlent d’avions russes abattus, ce qui donne à cet article daté d’Avril toute son actualité :

La semaine dernière, la Russie a demandé à Israel si ce dernier avait fourni des drones à la Géorgie destinés à être utilisés dans des opérations militaires contre les sécessionnistes d’Abkhazie.

Une source des forces de sécurité israéliennes a confirmé que les drones utilisés par la Géorgie étaient fabriquées en Israël par la société Elbit. Une source diplomatique à Jérusalem a dit que les Russes n’en avaient pas la preuve, et la demande d’éclaircissements étaient basée sur des soupçons. Il ajouta qu’Israël ne vend pas d’armes offensives aux pays frontaliers avec la Russie mais uniquement des armes défensives.

La Géorgie a accusé la Russie d’avoir utilisé des MIG-29 pour abattre un de ses drones au-dessus de l’Abkhazie et a présenté une vidéo pour appuyer ses dires. La vidéo fût enregistrée par le drone quelques secondes avant d’être abattu et montre un MIG-29. Le président géorgien a dit qu’il s’était entretenu avec le président Vladimir Poutine et a demandé que « cesse cette agression injustifiée contre le souveraineté de la Géorgie ».

Bien sûr, le sujet qui ne cesse de faire intrusion dans cette saga c’est l’Iran. L’invasion géorgienne de l’Ossétie du Sud est-elle destinée à faire pression sur les Russes pour les obliger à rompre leurs relations économiques et diplomatiques avec l’Iran ? Les Israéliens ont supposément arrêté de fournir des armes à la Géorgie pour tenter de persuader les Russes de ne pas fournir un nouveau système de défense antiaérien à l’Iran. L’opération a-t-elle échouée ou n’était-elle qu’une manoeuvre avant le déclenchement de l’invasion ?

Il se pourrait que l’invasion ait été déclenchée à cause de la concurrence entre les Etats-Unis, la Russie et l’Europe pour l’accès aux hydrocarbures dans le Caucase et l’Asie Centrale (4). Dans cette optique, examinons cet article daté du 30 juillet d’un ancien diplomate indien M K Bhadrakumar (5) :

D’après les éléments qui nous sont parvenus cette fin de semaine d’Achgabat au Turkménistan et de Moscou, il apparaît que le grand jeu en cours autour de l’énergie caspienne a pris une tournure dramatique. Dans la géopolitique de la sécurité énergétique, il n’y a jamais rien eu de tel. Les Etats-Unis ont subi une énorme défaite dans la course au gaz caspien. La question à présent est de savoir combien de temps encore Washington peut-il se permettre de tenir l’Iran à l’écart des marchés de l’énergie.

Gazprom, le géant russe de l’industrie énergétique, a signé vendredi deux accords majeurs à Achgabat qui dessinent les nouveaux plans d’achats du gaz turkmène. Le premier accord définit les principes appliqués pour déterminer le prix des achats russes du gaz au Turkménistan au cours des 20 prochaines années. Le deuxième accord est unique en son genre, faisant de Gazprom le promoteur de projets d’énergie local au Turkménistan. Essentiellement, les deux accords garantissent le contrôle de la Russie sur les exportations du gaz Turkmène.

Les conséquences pour les Etats-Unis sont apparemment importants :

Jusqu’à récemment, Moscou était sensible à l’opposition de l’Union Européenne à l’idée d’un cartel du gaz. (Washington a ouvertement mis en garde qu’il prendrait des mesures légales contre les pays qui s’aligneraient derrière un tel cartel). Mais les prix élevés du gaz on assoupli la position de l’UE.

Les accords avec le Turkménistan accentuent le contrôle de la Russie sur les exportations de gaz de l’Asie Centrale. Gazprom a récemment offert d’acheter le gaz de l’Azerbaïdjan au tarif européen. (Medvedev a visité Bakou les 3 et 4 juillet). Bakou étudiera avec intérêt les accords signés vendredi à Achgabat. Les conséquences à long terme de ces initiatives russes sont très importantes pour la campagne des Etats-Unis et de l’UE en faveur du lancement du projet du gazoduc Nabucco.

Nabucco, qui irait de la Turquie à l’Autriche en passant par la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie, espérait capter au passage le gaz turkmène en reliant le Turkménistan et l’Azerbaïdjan par un gazoduc à travers la mer caspienne et serait connecté aux réseaux existants qui traversent le Caucase jusqu’à la Turquie, comme la ligne Bakou-Tbilissi-Seyhan.

Mais sans l’accès au gaz turkmène, la viabilité du projet Nabucco est sérieusement remise en cause. Et sans Nabucco, toute la stratégie US qui cherche à réduire la dépendance de l’Europe par rapport aux sources d’énergie russes n’a plus de sens. Washington n’a donc plus d’options. Les accords de vendredi signifient que la réalisation de Nabucco dépend totalement des sources du Moyen Orient - l’Iran en particulier. La Turquie poursuit son idée de fournir à l’Europe du gaz iranien et a offert sa médiation dans le face-à -face entre les Etats-Unis et l’Iran.

La géopolitique de l’énergie produit d’étranges alliances. La Russie observera d’un oeil inquiet le pas de danse entre les Turques, les Iraniens et les Etats-Unis. Une entente avec l’Iran sur les prix, la production et le partage des marchés est vitale pour le succès de la stratégie d’exportation énergétique globale de la Russie. Mais Téhéran voit Nabucco comme son passport à une intégration à l’Europe. Répétons-le : le contrôle de la Russie sur le gaz turkmène ne doit pas être du goût de Téhéran. Téhéran a défendu avec assiduité auprès d’Achgabat l’idée d’exporter à travers le territoire iranien le gaz turkmène vers les marchés mondiaux.

Bhadrakumar présente avec habilité les Russes et les Iraniens comme des concurrents commerciaux alors qu’ils sont en même temps contraints de s’allier sur le plan géopolitique. Quant à nous, nous retiendrons la ligne de fond qui se dégage de son analyse : l’urgence pour les Etats-Unis (et les Israéliens) d’agir rapidement pour déstabiliser la capacité de la Russie à transporter le gaz naturel du Turkménistan vers le marché européen. Dans le cas contraire, les Etats-Unis seront obligés, au grand dam d’Israël, de passer un accord avec l’Iran afin d’obtenir un accès au gaz naturel Iranien pour briser le monopole Russe.

C’est ainsi que nous assistons à une invasion géorgienne de l’Ossétie du Sud, environ une semaine après l’annonce de la Russie de la signature d’accords sur la gaz naturel avec le Turkménistan. Si on accepte ce raisonnement, l’invasion de l’Ossétie du Sud constitue un sérieux avertissement qui montre que les Etats-Unis préfèrent un affrontement avec la Russie à une négociation de nouvelles relations commerciales avec l’Iran. En d’autres termes, ceci semble indiquer que les Etats-Unis considèrent toujours la guerre comme le dernier recours pour résoudre ses désaccords avec la Russie.

L’invasion semble aussi indiquer que les Etats-Unis sont incapables de choisir un allié dans la région, et persistent à croire qu’ils peuvent dominer économiquement et militairement à la fois les Russes et les Iraniens et, à travers eux, pratiquement tous les pays du Caucase et de l’Asie centrale. Une telle arrogance se révélera probablement très couteuse pour toutes les parties en présence. Une sale aventure, sans nul doute.

Samedi 9 août 2008 :

On peut trouver un bon article de Mark Ames publié sur le site internet (du magazine US) The Nation (6), pour ceux qui ont la patience de se farcir l’incontournable argumentaire du magazine en faveur d’Obama face à Mc Cain :

Aujourd’hui, les forces géorgiennes de cette même base de Senaki participent à l’invasion de l’Ossétie du Sud, une invasion qui a provoqué de nombreux morts, peut-être des centaines, parmi la population locale, et au moins dix morts parmi les soldats russes de la force de paix, et aussi 140 millions de Russes méchamment en colère et qui veulent en découdre.

Perdu au milieu de tout ça, on peut se poser la question de savoir pourquoi les Etats-Unis risquerait l’apocalypse pour aider un petit dictateur comme Saakashvili à prendre le contrôle d’une région qui ne veut pas entendre parler de lui. Pour commencer, personne ne prend la peine de poser directement la question aux ossètes, ni à leur demander pour quelle raison ils luttent pour leur indépendance. C’est parce que les Géorgiens - avec l’aide de lobbies comme celui de Scheunemann - continuent d’affirmer que l’Ossétie du Sud n’est qu’une invention de néostaliniens du Kremlin, plutôt qu’un peuple avec de véritables revendications.

Il y a quelques années, un Ossète a travaillé pour moi comme directeur des ventes de mon défunt journal, The eXile. Après m’avoir écouté dire combien j’aimais (et aime encore) les Géorgiens, il a fini par exploser et me raconter l’autre facette de l’histoire de la Géorgie, en m’expliquant comment les Géorgiens avaient toujours maltraité les Ossétes, et comment les Ossètes du Sud voulaient être réunis à l’Ossétie du Nord pour éviter d’être avalés, et comment ce conflit remontait à loin, bien avant l’époque de l’Union Soviétique. Il était clair que la haine Osséte-Géorgienne était profonde et ancienne, comme de nombreux conflits ethniques de la région. En fait, de nombreux groupes ethniques caucasiens éprouvent encore un ressentiment contre la Géorgie en les accusant d’impérialisme, de chauvinisme et d’arrogance.

On peut en trouver un exemple dans le livre de l’historien Bruce Lincoln, Red Victory, dans lequel il aborde la courte période d’indépendance de la Géorgie, de 1917 à 1921, une époque où la Géorgie était soutenue par la Grande Bretagne :

« Les dirigeant géorgiens ont rapidement entrepris d’étendre leurs frontières aux dépens de leurs voisins Arméniens et Azéris, et leur cupidité territoriale époustouflait les observateurs étrangers. « l’état démocratique socialiste et indépendante de la Géorgie restera toujours dans mon esprit comme l’exemple classique d’une petite nation impérialiste, » écrivit un journaliste britannique… « Que ce soit pour s’emparer de territoires à l’extérieur ou de la tyrannie bureaucratique à l’intérieur, son chauvinisme dépassait toutes les bornes. »

Jeudi, après un bombardement intense de la part des Géorgiens, par obus et fusées katyusha, sur Tskhinvali, les réfugiés ont fui l’Ossétie du Sud et ont raconté aux journalistes que les Géorgiens avaient complètement rasé des villages entiers et la majeure partie de Tskhinvali, laissant derrière eux des « piles de cadavres » dans les rues, plus de 1000 selon certains. Parmi les victimes se trouvèrent au moins 10 soldats russes membres de la force de paix, qui sont tombés lorsque les Géorgiens ont attaqué leur base. Selon des rapports, les forces géorgiennes ont détruit un hôtel abritant des journalistes russes.

En réaction, des chasseurs russes ont bombardé les positions géorgiennes à la fois à l’intérieur de l’Ossétie du Sud mais aussi en Géorgie même, attaquant une base où se trouvaient des instructeurs militaires étatsuniens (aucun étatsunien n’a été signalé parmi les victimes). Au milieu de l’après-midi, heure de Moscou, tandis que la télévision locale montraient des maisons incendiées et des femmes et enfants Ossètes se diriger vers les abris antiaériens, des colonnes armées russes entraient en Géorgie et le Président géorgien lançait une mobilisation générale pour tous les hommes en âge de combattre pour une guerre contre la Russie.

L’invasion fut accompagnée par une offensive de relations publiques si sophistiquée que j’ai même reçu un appel aujourd’hui d’un gestionnaire de fonds spéculatifs (« hedge funds ») à New York. Il hurlait à propos d’un « appel d’investisseur » que le Premier Ministre géorgien Lado Gurgenidze avait organisé ce matin avec quelques 50 hauts dirigeants et analystes de banques d’investissement occidentaux. Depuis, j’ai lu un compte rendu de JP Morgan sur cette conférence téléphonique qui reproduisait assez fidèlement la version des faits tels qu’ils sont présentés actuellement par les médias US.

Ce genre de conférence téléphonique est généralement initié par des dirigeants de sociétés afin de fournir quelques indications aux analystes des banques. Mais le gestionnaire de « hedge funds » m’a dit aujourd’hui, « la raison pour laquelle Lado a fait ça est qu’il savait que la Géorgie en retirerait un énorme bénéfice en termes de relations publiques en s’adressant aux hommes du pouvoir financier et aux analystes, surtout qu’il était évident cette fois-ci que l’agresseur était la Géorgie ». En tant qu’ancien banquier qui a travaillé à Londres et qui dirigeait la Banque de Géorgie, Gurgenidze savait ce qu’il faisait. « Lado est lui-même un ancien banquier, alors il savait qu’en recadrant le conflit pour des banquiers et des analystes influents de New-York, ces banquiers et analystes rédigeraient des rapports qui seraient diffusés par CNBC où les arguments développés par Lado Gurgenidze deviendraient les sujets du jour. Ce fut une manoeuvre brillante, et à présent on peut voir les médias étatsuniens changer leur discours, passant d’une invasion de l’Ossétie du Sud par la Géorgie à une agression impérialiste Russe contre la toute petite Géorgie. »

La chose la plus effrayante au sujet de cette conférence est qu’elle laisse entendre qu’il y a eu un véritable plan. Comme me l’a déclaré le gestionnaire de « hedge funds », « ce genre de conférence ne s’organise pas en une heure ».

Les gestionnaires de fonds et investisseurs à Wall Street sont-ils assez stupides pour croire qu’une nouvelle Guerre Froide serait une bonne idée ? A l’évidence, oui. Parce que c’est aussi l’objectif des dirigeants géorgiens et de leurs partisans au sein des services de renseignement et militaires étatsuniens et israéliens. Et quant à l’opinion publique, ils s’en fichent complètement Et pourquoi ne s’en ficheraient-ils pas ? Ca fait un bout de temps que nous ne faisons rien pour les décourager. Il est certain par contre que nous entendrons très peu parler du fait que l’armée géorgienne a été formée par les Etats-Unis (jusqu’à présent, on n’en a parlé que pour exprimer des craintes que certains officiers US aient pu être tués ou blessés lors d’une attaque aérienne russe), et rien sur les ventes d’armes israéliennes à la Géorgie.

On a le sentiment troublant que les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, entre autres, vont adopter la même position qu’après le bombardement du Liban par Israël, à peu près à la même époque au cours de l’été 2006 : passer par les Nations Unies pour exercer des pressions sur la victime et l’amener à faire des concessions à l’agresseur. (7) Les victimes libanaises des attaques aériennes israéliennes, plus de 1.300, plus les victimes indirectes résultant des bombes à fragmentation, n’avaient aucune importance devant les préoccupations géopolitiques plus cyniques et abstraites de ces impérialistes. Pas plus que les vies des Ossètes du Sud.

* * * *

Sur le terrain, on dirait que ca ne va pas fort pour les Géorgiens. Le lendemain de leur invasion de l’Ossétie du Sud, ils demandent un cessez-le-feu (8). Il ne fait aucun doute que les Etats-Unis et l’Europe leur emboiteront le pas. Ou s’agit-il encore d’une manoeuvre ? Entretemps, il semblerait que les Russes seraient en train de cibler les installations de pétrole et de gaz au terminal portuaire de Pori.

Les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne soutiennent la Géorgie aux Nations Unies (9) :

Mais une phrase appelant les parties en présence à « renoncer à l’usage de la force » a rencontrée l’opposition des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne. Les trois pays ont trouvé que la déclaration était déséquilibrée, a déclaré un diplomate européen, parce que le langage employé aurait miné la possibilité pour la Géorgie de se défendre. La Belgique, qui préside ce mois-ci le Conseil de Sécurité, a fait circuler une version corrigée qui appelle à une cessation immédiate des hostilités et demande « à toutes les parties » de retourner à la table des négociations. En supprimant la référence spécifique à la Géorgie et à l’Ossétie du Sud, la nouvelle déclaration inclurait la Russie.

Relisez ce qui précède avec attention. Comment une déclaration appelant à renoncer à l’usage de la force pourrait-elle empêcher la Géorgie de se défendre ? C’est faux, évidemment, mais elle exercerait une pression sur la Géorgie pour arrêter ses opérations militaires dans l’Ossétie du Sud.

On connait la chanson. Comme prévu, il s’agit d’une répétition de la situation de l’été 2006, lorsque Israël a lancé une campagne de frappes aériennes contre le Liban, et les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont rejeté les résolutions de l’ONU qui appelaient à un cessez-le-feu. Attendons-nous à voir les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne rejeter la nouvelle proposition belge, comme ils s’opposeront à tout texte qui ne rejettera pas la faute sur les Russes, dans l’espoir de gagner les faveurs des Géorgiens. Une fois de plus, comme pour l’agression d’Israël contre le Liban, ce sera un voeu pieu, parce qu’il y aura un fort soutien populaire russe pour ce conflit, parce qu’ils perçoivent qu’il est nécessaire de défendre le peuple d’Ossétie du Sud non seulement contre la Géorgie, mais contre l’agression sponsorisée par les Etats-Unis et les Européens.

La situation est tout à fait choquante. Les Etats-Unis et deux des pays dominants de l’Union Européenne facilitent les politiques de violence en Irak, en Afghanistan, en Palestine, au Liban et maintenant en Géorgie. Ils formulent aussi des exigences vis-à -vis de l’Iran qui accroissent le risque de guerre. L’Allemagne est un soutien fidèle, sauf dans cette nouvelle aventure géorgienne, probablement à cause des ses liens plus étroits avec la Fédération de Russie.

Peu de gens semblent se rendre compte qu’une ligne rouge vient d’être franchie dans l’Ossétie du Sud. Les Etats-Unis et l’UE, avec l’aide d’Israël, font ouvertement appel aux armes dans leur compétition avec les Russes dans le Caucase et l’Asie Centrale. Je ne suis pas adepte d’annonces apocalyptiques, mais pour la première fois j’ai peur qu’un conflit global destructeur nous guette à l’horizon. Tandis que les Etats-Unis, l’Europe et Israël multiplient les poudrières, nous ne pouvons qu’espérer voir ces conflits se résoudre de manière pacifique. Il devient de plus en plus difficile d’imaginer ce qui pourrait se passer.

Texte original
http://www.amleft.blogspot.com/

traduction VD pour le Grand Soir

(1) http://ap.google.com/article/ALeqM5hV2N6fVKS5slf10A13Dj_uIdaZ4QD92E6BSO0

(2) http://www.nytimes.com/2008/08/09/w...

(3) http://www.haaretz.com/hasen/spages/1008784.html

(4) http://www.sras.org/us-russian_energy_security_in_the_caucasus

(5) http://www.atimes.com/atimes/Central_Asia/JG30Ag01.html

(6) http://www.thenation.com/doc/20080818/ames

(7) http://amleft.blogspot.com/2006_08_01_amleft_archive.html#115489120733414560

(8) http://www.sfgate.com/cgi-bin/artic...

(9) http://www.nytimes.com/2008/08/10/w...

URL de cet article 6995
   
« Cuba mi amor », un roman sur le Che de Kristian Marciniak (Rebelion)
Leyde E. Rodri­guez HERNANDEZ
Publié chez Publibook, une maison d’édition française, le roman de Kristian Marciniak : « Cuba mi amor » circule dans Paris ces jours-ci. Dans un message personnel adressé au chroniqueur de ce papier, l’auteur avoue que Cuba a été le pays qui lui a apporté, de toute sa vie, le plus de bonheur, les plus grandes joies et les plus belles émotions, et entre autres l’orgueil d’avoir connu et travaillé aux côtés du Che, au Ministère de l’Industrie. Le roman « Cuba mi amor » est un livre (…)
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