Certains mouvements progressistes, voire certaines organisations se réclamant du marxisme-léninisme, contestent l’existence en France, voire à l’échelle de l’UE, d’un dangereux processus de fascisation. Ce déni caractérisé, au moment où l’extrême droite tisse sa toile chez nous et sur tout le sous-continent, où l’UE-OTAN et ses Etats-membres se montrent de plus en plus répressifs et policiers, où la « Troïka » s’affiche comme une usine à diktats bafouant la souveraineté des peuples, où l’Empire transatlantique en plein Drang nach Osten « cherche la bagarre » avec la Russie et soutient des forces fascisantes ou carrément nazies de l’Ukraine aux Pays baltes, constitue un piège potentiellement mortel pour le mouvement populaire, communistes en tête. La première des conditions pour stopper un processus fascisant est d’en reconnaître l’existence, d’en définir la nature et l’assise sociale : c’est à cela que veut contribuer la présente analyse.
1 – Ni surestimation ni sous-estimation du processus de fascisation !
Pour le PRCF, il ne s’agit certes pas de surestimer, au stade actuel, le danger FN en France, d’autant que la lepénisation n’est qu’un aspect de l’euro-fascisation, dont l’épicentre se situe dans les centres de pouvoir et les institutions même du grand capital. Ne voir en effet que le « danger Le Pen », ce serait en effet prêter le flanc aux opérations de diversion de la social-démocratie, aux manigances des Julien Dray, S.O.S.-Racisme et autres officines manipulatrices du PS social-maastrichtien ; car le rôle de ces officines est moins de « combattre le fascisme » que de sauver le soldat Hollande, ou sa doublure Vals, en reléguant les questions sociales au second plan et en utilisant le « rassemblement bleu marine » pour faire oublier l’actuelle casse hollandienne de la Nation et des acquis sociaux : non seulement cet « anti-lepénisme » de parade serait la meilleure façon de promouvoir Marine Le Pen en la plaçant au centre de la problématique politique, mais cette diversion, typique du mitterrandisme recentré des années 80, n’aurait d’autre effet que de disculper le PS, responsable depuis l’ère Mitterrand-Jospin d’une politique euro-atlantique qui désespère le monde du travail, exaspère les patriotes républicains et ouvre en grand la voie de l’Elysée au front « national ».
Pourtant, la sous-estimation inverse ne serait pas moins dangereuse. Elle conduirait en fait à ignorer que le peuple français, comme d’autres peuples d’Europe, est actuellement pris en étau entre, d’une part, le Parti Maastrichtien Unique, ennemi de la République souveraine, laïque et indivisible (UMP, PS, UDI et, dans une large mesure Europe-Ecologie) et, d’autre part, ce que nous appelons l’U.M.’ Pen, c’est-à-dire le regroupement – d’abord sur le terrain sociétal (cf les Manifs pour tous) et xénophobe – du FN et de la droite « classique » dure ; un rassemblement bleu marial-bleu marine bordé de brun, dont le rôle ne serait nullement de sortir la France de l’euro et de l’UE ; il serait d’ouvrir une alternative pseudo-patriotique et en réalité, ultraréactionnaire, analogue au Tea Party américain, à la politique maastrichtienne avouée de l’UMPS, une politique visiblement à bout de souffle dans les couches populaires.
Certes, notre peuple est confronté à l’émergence du tripartisme, qui résulte à la fois de l’essoufflement du bipartisme UMPS et – sur le fond – de la marginalisation-dénaturation en longue période du PCF, désormais affilié au Parti de la gauche européenne, présidé par P. Laurent. Toujours est-il que désormais, trois candidats seulement (UMP, PS, FN) paraissent en position d’accéder au second tour de la présidentielle, clé de voûte du pouvoir d’Etat en France[1]. Mais ce tripartisme est largement une illusion. D’abord, répétons-le, parce que les politiques UMP et PS ne diffèrent pas qualitativement, comme on le voit au parlement européen où la droite et la social-démocratie cogèrent l’institution sans se soucier de majorité et d’opposition[2] ; ensuite parce qu’il ne faut pas gommer l’émergence des forces euro-régionalistes associées au MEDEF, type « bonnets rouges » ou indépendantistes corses, dans le cadre d’une politique patronale antifrançaise qui destitue l’échelon national au profit de l’Europe fédérale en gestation etdes féodalités régionales, éventuellement « transfrontalières ».
Ensuite parce que la question est loin d’être uniquement, voire principalement, électorale. Notre pays – et l’UE elle-même – sont entrés, au moins depuis les référendums français et néerlandais grossièrement violés de 2005, dans une crise majeure du consentement politique. Au Portugal, en Espagne, en Grèce, en Bulgarie, de grandes manifestations populaires se succèdent sans trêve et le front syndical rouge de Grèce, le PAME, a même appelé les peuples d’Europe au « soulèvement » du haut de l’Acropole. Même si les organisations d’avant-garde susceptibles de diriger ces mouvements ne sont pas, ou ne sont pas encore, en capacité de diriger des insurrections menant à la rupture avec l’UE (les « quatre sorties » : de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme), la grande bourgeoisie sait bien elle, que le terrain bouge sous ses pas, et qu’il pourrait bien trembler. D’autant qu’aux marches de l’Europe, dans la partie Est de l’Ukraine, la population minière dément les prophéties sur la « mort du communisme », le drapeau rouge aux outils flotte sur la République populaire du Donbass où les mineurs communisants et les métallos antifascistes, assiégés par Kiev et par l’ « O.T.A.N(pro)nazi », revendiquent haut et fort la nationalisation des mines et le pouvoir aux soviets, envoyant aux communistes du monde entier un signal historique !
Plus « marxiste » et « léniniste » de fait que beaucoup de léninistes en titre, l’oligarchie capitaliste sait bien que « quand ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant et que ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant, alors s’ouvre une période de révolution » (Lénine). Or « ceux d’en bas » consentent de moins en moins à la « construction » européenne, comme vient de le confirmer, en France et quasiment partout, l’abstention majoritaire de classe et de masse aux européennes. Quant à « ceux d’en haut », ils cherchent fébrilement, surtout en France et dans les pays dits du « Sud » européen où la social-démocratie traditionnelle (PASOK grec, PSOEespagnol, PS français...) s’est discréditée et où les partis du libéralisme classique se fissurent (crise de l’U.M.P.S.), à remettre en place des dispositifs politiques leur permettant de reprendre barre sur les classes populaires en sécession. Car « à notre époque, on ne saurait se passer des masses » (Lénine). C’est pourquoi tout le monde voit comme le soleil en plein midi que l’oligarchie européenne a décidé d’en finir avec ce que j’appellerai le complexe Jörg Hayder, du nom d’un leader néo-nazi autrichien dont la montée en puissance avait d’abord conduit à un raidissement « antifasciste » de l’UE dans les années 1990. Ces attitudes cosmétiques ne sont plus de saison. L’UE et le Conseil de l’Europe votent des résolutions – notamment l’indécent rapport Lindblatt – qui placent sur le même plan l’Allemagne nazie et la Russie soviétique (« surtout la seconde ! » eût dit Pierre Desproges !) à rebours de De Gaulle, qui déclarait loyalement en 1966 : « les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur libération ». Aujourd’hui, l’ « eurarchie » bruxelloise fréquente sans états d’âme la droite dure flamande, qui persécute la langue française et les Belges francophones au nord de la Belgique, elle adoube le Hongrois Orban, qui se réfère au régent pronazi Horthy et elle réprime les « Rouges » ; elle soutient les dirigeants baltes – qui marginalisent les Russophones, interdisent les partis communistes, encouragent les nostalgiques baltes de la Waffen SS – ; elle « couvre » et encourage l’interdiction des symboles et des organisations communistes dans les ex-pays socialistes (Tchéquie, Roumanie, Albanie, Pologne, etc.) en attendant d’étendre l’interdit anticommuniste à toute l’Europe occidentale : car l’oligarchie sait bien, elle, contrairement à tant d’ex-communistes découragés, que le combat de classe anticapitaliste, que le mouvement des exploités vers le communisme a été, est et sera sans cesse reproduit par les contradictions même du capitalisme et qu’en conséquence, une renaissance communiste internationale se fera jour tôt ou tard sur notre continent.
Cerise noire sur ce gâteau infect, l’euro-oligarchie tient à bout de bras, avec l’appui du « démocrate » Obama et de l’OTAN. en marche vers l’Est, le gouvernement putschiste de Kiev fraichement « légitimée » par un référendum boudé par l’écrasante majorité des Russophones. Dans ce gouvernement, des nazis avérés issus du parti « Svoboda » occupent des postes-clés[3] ; les dirigeants de Kiev veulent d’ailleurs dissoudre toute forme d’opposition en interdisant à la fois le PC d’Ukraine et le « parti des régions » dont le chef de file est V. Yanoukovitch, le président légal destitué par l’émeute de l’Euro-Maïdan : bel atterrissage « pluraliste » et « antitotalitaire » en vérité pour cet Euro-Maïdan truffé d’antisémites primitifs, de russophobes préhistoriques, de cléricaux moyenâgeux et de lyncheurs anticommunistes ! En Grèce, le parlement européen tolère et finance d’ailleurs sans états d’âme des élus nazis du parti criminel Aube dorée pendant que le gouvernement de la droite classique menace d’interdire tout parti proposant de quitter l’UE, les communistes du KKE étant les premiers visés...
Quant à Herman Van Rompuy, l’actuel président du Conseil de l’Europe, il a « vendu la mèche » en montrant en quelle estime l’Empire euro-atlantique tient la démocratie, quand il a déclaré qu’il ignorait si les Européens étaient d’accord avec cela mais que, quoi qu’il en soit, l’UE s’élargirait à l’ensemble des pays de l’Est hors Russie (cf www.initiative-communiste.fr , déclaration du 12 mai 2014).
Bref, sous-estimer la fascisation, n’en pas saisir les racines de classe oligarco-monopolistiques, ne serait pas moins grave – c’est une litote – que ne l’est l’erreur inverse. Non, la fascisation n’est pas seulement un leurre ou un épouvantail politique destiné à rabattre vers la fausse gauche social-démocrate. A tout moment, si la crise du consentement politique européen et « franco-maastrichtien » s’aggrave, la fascisation, et dans ce cadre, la « lepénisation », peuvent aussi devenir « l’arme ultime » du grand capital pour préserver sa domination. Et ce sera même à coup sûr le cas si les oligarques européens jugent leur sacro-sainte « construction » euro-atlantique menacée par la « stupidité » des peuples et tout particulièrement, par le « retard insupportable » du peuple français. Quant à ceux qui « marchent à fond » dans la « dédiabolisation » du FN pratiquée par Marine Le Pen, ou qui se disent que les traditions démocratiques françaises rendent la fascisation impensable, qu’il nous soit permis de les renvoyer à la chanson de Jean Ferrat qui fit suite au coup d’Etat de Pinochet au Chili : « On a beau se dire qu’en France / On peut dormir à l’abri, / Des Pinochet en puissance / Travaillent aussi du képi ». Même si, nous y reviendrons, les « formes » et les moyens de la fascisation peuvent considérablement varier d’un pays à l’autre et d’une période historique à une autre.
2 – Fonction, formes et contenu de la fascisation
Certains camarades ou amis nous disent aujourd’hui, non sans quelque dangereuse naïveté :
« Il n’y a plus de « danger » communiste, le communisme est mort, la bourgeoisie n’a plus besoin du fascisme pour « casser » le communisme ».
« Où sont les bandes nazies ou les faisceaux fascistes terrorisant les gens dans les rues, comme c’était le cas dans les années 30 ? Le terrorisme fasciste n’existe pas ; d’ailleurs, le F.N. est un parti de l’ultra-droite républicaine, pas un parti fasciste » ;
D’autres personnes ou mouvements, dont certains s’affirment « républicains », vont jusqu’à affirmer que « pour finir, ce n’est pas le FN qui casse la France et la République, c’est le pouvoir UMPS » ; en clair, le FN est fréquentable au titre du patriotisme républicain. Ce raisonnement a récemment conduit les amis de N. Dupont-Aignan à soutenir une liste appuyée par le FN pour éliminer le maire PCF de Villeneuve-St-Georges.
Répondons à ces arguments et venons-en au fond sur l’essence et sur le contenu de classe profond de la fascisation.
D’abord, il est faux – et même, il est inconsciemment (espérons-le) anticommuniste – de prétendre que la fascisation est une réponse de la bourgeoisie au « danger communiste ». Dit ainsi, cela revient à faire de la Révolution d’Octobre la responsable indirecte du Troisième Reich, ou de la montée du PCF en 1936 la cause du pétainisme, ce qui est moralement et politiquement monstrueux. Au fond, que les PC se dissolvent ou s’assagissent, en un mot qu’ils « mutent » ou se « métamorphosent », et le danger fasciste disparaîtra (sic). Absurdité historique sans nom que ridiculise en France l’histoire des années 30/40. Cette histoire montre au contraire que le pic l’antifascisme a coïncidé avec la puissance du PCF, en 36 ou en 45/47, alors que l’apogée du fascisme – la conquête du pouvoir par les fascistes Pétain-Laval à l’abri des armées allemandes – a coïncidé avec la période où le PCF interdit semblait promis à l’éradication suite aux persécutions lancées par le « socialiste » Sérol et aggravée par les anticommunistes pathologiques de Vichy et par l’exécution en masse des militants communistes ou cégétistes (citadelle d’Arras, Chateaubriand, Mont Valérien, etc.).
En réalité, le fascisme et le nazisme sont des réponses brutales à la montée des luttes populaires (voir le beau film de Bertolucci « 1900 ») consécutive à l’aggravation des contradictions et des crises capitalistes. Que ces luttes prennent la forme consciente du communisme organisé et du syndicalisme rouge, ou qu’elles s’opèrent sous des bannières moins voyantes mais que la grande bourgeoisie aura toujours vite fait d’amalgamer partout au communisme. Quand la classe dominante peut faire tranquillement passer sa politique antipopulaire avec le consentement du peuple, elle préfère évidemment cette méthode qui est celle que La Boétie, l’ami de Montaigne, a depuis longtemps analysée sous le nom suggestif de « servitude volontaire ». Telle est le rôle fondamental de la démocratie bourgeoise, cette forme apparemment consensuelle et superficiellement « pluraliste » de la dictature de classe de l’oligarchie. Mais le recours à cette méthode « douce » n’est possible que lorsqu’il existe du « grain à moudre », comme le disait le « syndicaliste » André Bergeron dans les années 70. En clair, l’arme du réformisme, l’utilisation massive de la social-démocratie comme frein au combat de classe, n’est durablement efficace que lorsque la bourgeoisie impérialiste a les moyens de lâcher des « miettes » et de faire des concessions à la classe dominée de telle manière que les chefs de file réformistes du mouvement social puissent entretenir à la fois leur condition personnelle de planqués du système bénéficiant des retombées du système, et l’illusion de masse que le capitalisme (ou aujourd’hui, la « construction européenne ») peuvent être aménagés, « humanisés » et « démocratisés » de l’intérieur sans recours au combat de classe, à la révolution socialiste et à l’ « horrible » dictature du prolétariat. Bref, pour que les euro-réformistes prospèrent durablement, pour que les sociaux-démocrates au pouvoir ne se « grillent » pas en quelques mois, il faut que l’oligarchie européenne puisse de temps à autre « lâcher » ne serait-ce qu’une réformette « sociale » permettant de donner matière à l’illusion réformiste ou à l’idylle social-trotskisante des « Etats-Unis socialistes d’Europe ». Quand la crise de l’hégémonie politique et du consensus idéologique éclate sous le double impact de la crise structurelle du capitalisme mondial, de l’irrationalité délirante du système financier et du dispositif strangulatoire de l’euro[4], le consentement des masses prolétariennes et petites-bourgeoises – ce que plus largement A. Gramsci appelait l’hégémonie culturelle – tend à se fissurer. Les peuples « n’y croient plus » et le sol se dérobe sous les pieds de la grande bourgeoisie, laquelle sait parfaitement, ELLE, que la lutte des classes continue (et pour commencer, la guerre de classe enragée que le MEDEF mène au quotidien contre les conquis sociaux !) et qu’elle ne peut que s’aiguiser sous le talon de fer de l’euro-austérité à perpétuité. Bref, le réformisme traditionnel entre en crise et ses dirigeants, chefs de file du P. « S ». et de la CFDT, deviennent des adeptes de la contre-réforme avec « accompagnement » social. La contre-révolution anticommuniste se double alors d’un contre-réformisme social sur fond de contre-révolution idéologique antijacobine : et c’est particulièrement vrai d’un pays comme la France dont l’imaginaire populaire reste pénétré de l’imagerie de 1789 et aussi, bien plus dangereusement, de 1793. Un pays où, soit dit en passant, aucune grande évolution politique ne s’est jamais faite sans violence, à commencer par l’émergence de la 5ème République, née de l’insurrection militaire de février 1958[5]...
Bien entendu, autant que faire se peut, l’oligarchie préfère la méthode douce de l’inculcation dès l’école primaire des « valeurs européennes », de l’esprit d’entreprise, du tout-anglais impérial, etc. : pour proposer une image assez terrible, tant que la jeune femme exploitée a l’illusion que son souteneur « antitotalitaire » est sincèrement épris d’elle, elle tolère l’oppression et se laisse exploiter de bon cœur. Mais dès que Marianne se rebiffe, dès qu’elle refuse de « faire le taf » au seul profit de ses maîtres – en clair, dès que les luttes patriotiques pour la souveraineté, les luttes démocratiques pour les libertés et la paix, les luttes ouvrières pour l’emploi et les salaires esquissent les contours d’un possible Front de résistance antifasciste, patriotique et populaire, alors, commence pour la « demoiselle » (et la Grèce en sait quelque chose !) l’heure des passages à tabac, des diktats sans phrase de Bruxelles, bref l’heure des « tournantes » et du viol en réunion commandités par la « Troïka », si l’on peut nous passer ces images exécrables mais profondément réalistes tant la violence de classe faite aux peuples s’« agrémente » alors d’humiliations sociales, de répression antisyndicale et de viol du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et si ça ne suffit toujours pas, la « gendarmerie européenne » en formation et en dernier recours, les forces « pré-Occupantes » de l’OTAN ne sont pas faites pour les chiens ! Là se trouvent les racines de classe capitalistes/oligarchiques de l’euro-fascisation (inégale mais partout active) de chacun de nos pays ; il serait suicidaire de les méconnaître en disant que « les communistes ne sont plus dangereux »... surtout quand on veut convaincre de la chose des militants franchement communistes qui savent parfaitement en l’occurrence qui défend les libertés et qui les détruit, qui menace vraiment et qui est franchement menacé en France et sur l’ensemble de notre sous-continent !
Dès lors les milieux dirigeants du grand capital ont avantage à laisser croître d’importantes forces populistes d’extrême droite dont le rôle est de détourner la colère populaire contre les travailleurs étrangers, les homos, les juifs, les « Roms », et bien entendu – contre les organisations franchement communistes et les syndicats « rouges » ; de telles forces provenant de l’extrême droite traditionnelle, mais aussi de plus en plus, de l’ultra-droite dite « classique »[6], constituant un RECOURS pour le maintien du système capitaliste et de son UE dans le cas où il faudrait franchir un seuil décisif dans l’usage de méthodes sanglantes, dite « contre-insurrectionnelles » contre les forces populaires avec en l’occurrence, l’UE ne s’en cache même pas, le rétablissement si nécessaire de la peine capitale. Feue la constitution européenne comportait déjà en filigranes des dispositions de cette nature, l’innovation étant aujourd’hui que, en cas de débordement d’un pouvoir national par une insurrection populaire victorieuse, l’ « Empire » (cette expression a déjà été utilisée publiquement par D. Strauss-Kahn, M. Barroso, H. Van Rompuy, pour désigner l’UE !) utiliserait sa « légitimité » supranationale pour éteindre l’incendie en recourant à la force armée européenne. Quoi de plus normal en somme pour cette Sainte-Alliance des oligarques « nationaux » dirigée contre les peuples qu’est l’actuelle UE ? Après tout, l’Union de l’Europe Occidentale et ses appendices ont été fondées pour abattre le socialisme en Europe, de même que la Sainte Alliance établie par le Traité de Vienne s’était donné la mission d’éradiquer les mouvements et les avancées issus de la Révolution démocratique-bourgeoise de 1789[7]...
Ajoutons que l’idée « les communistes ne représentent plus rien, donc que la fascisation est dénuée de sens » (sic), constitue par elle-même une grave une erreur d’appréciation. D’abord, s’il est vrai que dans un premier temps, les P.C. ont été affaiblis, non seulement par la répression qu’ils ont subie à l’Est dans le silence complice de la gauche européenne depuis les années 90[8], s’il est vrai aussi qu’à l’Ouest, certains P.C. se sont EUX-MEMES dénaturés et discrédités en cédant à l’antisoviétisme, en cautionnant l’ « eurocommunisme » et en ralliant la funeste « construction » européenne (rôle délétère de l’Italien Berlinguer, de l’Espagnol Carrillo et, pendant quelque temps hélas, à la fin des années 70, de G. Marchais), il n’en reste pas moins que le communisme n’est pas éradiqué en Europe, et encore moins en France, BIEN AU CONTRAIRE. Comme le disait Ambroise Croizat (principal maître d’œuvre, avec M. Thorez et Marcel Paul, du programme du CNR en 1945-47) en rappelant que les mots « commune » et « communisme » plongent leurs racines au plus profond de l’histoire de France, « il existe en France un noyau révolutionnaire indestructible ». En Europe, se dégageant peu à peu des rets social-maastrichtiens du PGE., un nombre grandissant de PC appelle désormais aux « quatre sorties », comme l’a fait pour sa part le PRCF depuis sa fondation en 2004. Certains PC et organisations communistes ont déjà rallié L’Initiative fondée par le KKE pour combattre l’U.E.. Le PC portugais progresse électoralement en portant une politique de « gauche patriotique et populaire » unissant le drapeau rouge frappé des outils au drapeau national rouge et vert. En France, le PRCF et d’autres forces franchement communistes travaillent – d’une manière encore invisible étant donné la chape de plomb médiatique – au regroupement des communistes en dehors de l’influence politique des dirigeants socialo-dépendants du PCF-PGE. Et surtout, qu’est-ce, sur le fond, que le « communisme », sinon « le mouvement réel qui abolit l’état de chose existant », en clair, le mouvement historique, indéracinable tant qu’existent une exploitation de classe et, conséquemment, une lutte des classes, en faveur de l’abolition du capitalisme et de l’émergence d’une société sans classes ?
Le mouvement communiste a d’ailleurs existé bien avant que ne se constituent les partis communistes, qui en sont la forme consciente et organisée. Le Manifeste du Parti communiste, publié par Engels et par Marx en 1848, commence même par la formule célèbre : « Un spectre hante l’Europe, celui du communisme ». Pourtant aucun PC n’existait encore à l’époque ! C’est que, bien plus consciente de ses intérêts de classe que ne l’est ordinairement le prolétariat, la bourgeoisie avait alors compris que le communisme était dialectiquement inscrit, comme sa négation pratique, dans les gènes de la société capitaliste : si bien que, paradoxalement – comme l’a repris J. Derrida dans Spectres de Marx – l’anticommunisme a historiquement précédé le communisme organisé. Aujourd’hui, certains progressistes non communistes se croient à l’abri de la répression anticommuniste parce qu’ils ont répudié un « nom maudit » et qu’ils répudient la « caricature de socialisme » à laquelle se réduit selon eux l’Union soviétique. Mais qu’ils ne se fassent pas d’illusion. Si émergeait en France ou ailleurs un large mouvement franchement progressiste « pour les quatre sorties », les acteurs de ce mouvement deviendraient aussitôt pour la bourgeoisie – comme l’ont été successivement Fidel Castro (initialement non communiste !), Chavez et Maduro au Venezuela – les nouveaux « communistes de service » ; ils connaîtraient aussitôt triple ration d’ostracisme, de caricature, de dérision, de censure, voire de répression au sein des entreprises. C’est ce que vivent déjà aujourd’hui nombre de militants franchement communistes qui continuent en s’attirant les foudres principales de l’oligarchie, protégent de ce fait ceux qui se trouvent immédiatement sur leur droite et qui font bien rarement preuve de gratitude à l’égard de ces « maudits ». Dans une société divisée en classes, on est toujours le bolchevik de quelqu’un , comme le savent d’expérience tant de progressistes américains, italiens, anglais qui, n’ayant pas ou plus pour les protéger le « paratonnerre » d’un mouvement communiste puissant recevant les coups « pour tout le monde », font figure de « rouges » et doivent encaisser directement les coups des forces oligarchiques si timides que soient leur positionnement mâtiné d’anticommunisme et d’antisoviétisme « de gauche ». Le moment venu, soit un tel mouvement progressiste, patriotique et populaire dénonçant l’UE remplira sa mission devant le peuple en assumant l’affrontement anti-oligarchique jusqu’à la rupture révolutionnaire avec le grand capital ; dans ce cas, ce mouvement deviendra objectivement et à son insu, sur la lancée des affrontements politiques qu’il aura noblement assumés, un mouvement « philo-communiste » : et cela sous des formes neuves, bien entendu, car les formes de la révolution sociale sont toujours « l’œuvre vivante des masses », selon la parole ultime de Lénine ; c’est par ex. ce qui est arrivé à la révolution démocratique et patriotique dirigée par Fidel Castro en 1959 : le patriote cubain Castro est devenu communiste – et quel communiste ! – au fur et à mesure que se durcissait son affrontement avec l’Empire exproprié de ses latifundia cubains ; soit l’anticommunisme de confort – c’est-à-dire les tendances à s’accommoder du système que développent nécessairement les « couches moyennes » – finira par l’emporter dans le mouvement populaire ; inéluctablement alors, ce mouvement trahira ses engagements patriotico-populaires pour devenir une énième soupape de sécurité du système : c’est déjà largement le cas de Syriza en Grèce, de Die Linke en RFA, de la pseudo-« Gauche » du P.S. français, mais aussi des dirigeants du PCF-PGE, qui se sont engagés jusqu’à l’os dans la défense de l’ « euro au service des peuples » et autres mensonges social-maastrichtiens...
En outre, les AFFRONTEMENTS DE CLASSES ne peuvent que s’accentuer en Europe en en France au rythme de l’aggravation sans issue de la crise capitaliste surdéterminée par la crise interminable de l’euro et de la « dette ». La haine du rouge, du syndicaliste de classe, du militant de gauche anti-Maastricht, le flirt affiché et assumé d’une partie de la droite classique avec l’extrême droite, ne pourront donc elles aussi que se radicaliser à l’initiative d’une UE-OTAN qui, ne l’oublions jamais, a été programmée de A à Z pour abattre le camp socialiste, refouler la Russie soviétique, rendre le socialisme illégal en Europe (dixit Giscard d’Estaing). Les tendances à la fascisation sont donc totalement inhérentes à la « construction » européenne elle-même, cette machine à réduire les libertés démocratiques, à briser la souveraineté des peuples et à réprimer tout mouvement pouvant déboucher sur une issue socialiste.
Par ailleurs, on comprendra d’autant mieux l’essence du processus de fascisation que l’on cessera de pratiquer plusieurs confusions théoriques graves.
D’une part, la fascisation n’est pas le fascisme mais le mouvement vers le fascisme ; un mouvement qui se dessine et qui s’opère de l’intérieur même de la démocratie bourgeoise en crise. Tout cela a été démontré en théorie par les analyses de Maurice Thorez dans les années 30, puis par le 7ème congrès de l’Internationale communiste (il faut relire, sans hausser les épaules par préjugé anticommuniste, les interventions classiques de Georges Dimitrov, à peine sorti des geôles hitlériennes, à ce congrès historique). Ce constat a également été validé par l’expérience pratique des Fronts populaires antifascistes et de la Coalition antifasciste mondiale formée par l’Union soviétique dans la foulée de Stalingrad. Quand la crise du capital frappe, quand le consentement populaire se délite, quand le réformisme social-démocrate traditionnel se grippe et se met à tourner à l’envers (rappelons que le réformisme traditionnel se mue aujourd’hui en contre-réformisme !), alors la démocratie bourgeoise tombe le masque et révèle crûment son contenu de classe : la dictature de la bourgeoisie sur le peuple travailleur. De forme « souple » et « bonace » de la dictature bourgeoise qu’elle est ou paraît être dans les périodes ascendantes du capitalisme (un peu comme à la fin du 19ème siècle quand la bourgeoisie républicaine « jetait du lest » en légalisant les syndicats ou en séparant l’Eglise de l’Etat, etc.), elle devient de plus en plus démocratie d’apparence ou de pur apparat, « démocratie de basse intensité », osent déjà dire, sans s’en offusquer outre mesure, certains politologues qui voient ce qu’est devenue, au moins depuis l’époque de la guerre froide, la « démocratie » américaine barricadée contre le mouvement ouvrier. Déjà, les apparences du « libre choix » et du « pluralisme » ne sont même plus préservées par nos grands dirigeants « antitotalitaires » puisque partout en Europe, l’ « alternance » ne vise plus guère qu’à ajourner et qu’à conjurer l’alternative populaire et la mise en extinction de l’indépendance nationale. A l’armée, les généraux de jadis visitant la troupe ne demandaient pas, dit-on, si la soupe était bonne ou si elle était mauvaise mais seulement « si elle était bonne » ; eh bien dans l’actuelle UE, comme dans l’actuelle Franceurope pseudo-républicaine, on ne vous demande pas si vous voulez ou non « plus » de Maastricht, « plus » de constitution supranationale, « plus » d’austérité, de « décentralisation », « plus » d’anglo-américain à tous les repas, de casse des services publics et de délocalisations... ou si vous en voulez moins : quelle que soit votre réponse démocratique aux élections et aux référendums que le système est parfois forcé d’organiser, il est d’avance entendu qu’il faudra toujours « plus d’Europe », de régionalisation, de tout-anglais, de « réformes » néolibérales, etc. La phrase d’Hermann Van Rompuy évoquée plus haut (« nous le ferons quand même ») est significative de cet aspect proprement totalitaire d’un système condamné à fermer l’un après l’autre tous les espaces démocratiques qu’il avait d’abord ouverts pour « lâcher de la pression ».
Tout cela se traduit chez nous depuis des années par l’autoritarisme croissant, par l’Etat policier, par l’armée patrouillant dans les grandes gares (on n’y fait même plus attention, mais des Cubains venant en France sont choqués par ce déploiement de force permanent au « pays de la liberté »), par les « lois antiterroristes » qui, dans la « libre Angleterre », permettent d’emprisonner des suspects sans jugement et durant des années, par la proclamation à tout-va de l’état d’urgence comme l’a fait De Villepin en novembre 2005, par l’empilement des lois sécuritaires, par le musèlement des médias, par la vidéosurveillance à tout bout de champ, par l’espionnage américain omniprésent sur l’internet et par la fin, désormais banalisée, de l’idée même de correspondance privée ; aux Etats-Unis, la fascisation « douce » permise par le Patriot Act – et nullement abrogée par le « démocrate » Obama – est même allée jusqu’à légaliser la torture, ce qui met en cause un acquis juridique antérieur à la Révolution française et aux autres révolutions bourgeoises (la « question » a été abolie par Louis XVI suite aux campagnes des philosophes des Lumières !) et de plus en plus, par le musèlement de la grève et par l’encadrement « constitutionnel » du prétendu « dialogue social » à sens unique entre le patronat et les syndicats jaunes du type CFDT. Dans les entreprises, la pratique du harcèlement moral se développe, comme l’a démontré naguère le député communiste Georges Hage, président d’honneur du PRCF. ; et tous les syndicalistes de classe savent bien que ceux qui tiennent tête dans les boîtes, y compris dans les « services publics », à la différence des « syndicalistes » qui « copinent » avec les chefs, doivent s’attendre aux pires vexations – en guise de « dialogue social » entre « partenaires sociaux » égaux !
Tout cela, certes, n’est pas encore le fascisme : les menottes de la dictature de classe enserrent de plus en plus les poignets de Marianne, mais pour le moment, le sang passe encore dans nos vieux pays impérialistes qui ont encore un peu (de moins en moins !) les moyens de s’acheter la paix sociale en offrant des jouets électroniques aux jeunes et aux adultes infantilisés. Mais comme le signalait Dimitrov, les mesures de fascisation prises dans le cadre de la démocratie bourgeoise en phase régressive préparent chaque jour un peu plus les esprits, elles les habituent à l’intolérable, elles les dissuadent de résister, elles constituent l’évolution continue, « quantitative », par degrés insensibles, qui prépare le seuil décisif, le saut qualitatif du fascisme proprement dit, de la « dictature terroriste » de l’oligarchie sur les classes populaires avec la mise en sommeil de la démocratie bourgeoise suicidée sur l’autel des intérêts de classe.
D’autant que dans le même temps, les partis ultraréactionnaires fascistes ou non (encore) fascistes se développent sur des thématiques généralement xénophobes et que dans les partis de la droite « parlementaire », les orientations chauvines, la xénophobie, la « tziganophobie », l’anticommunisme, l’antisoviétisme à retardement, l’anti-syndicalisme, la haine du fonctionnaire, le machisme, le cléricalisme, « reprennent du poil de la bête » sous couvert de concurrencer l’extrême droite sur son propre terrain : on l’a vu d’une manière éclatante avec la période sarkozyste où les mesures liberticides et les attentats contre les formes les plus « sacrées » de la démocratie bourgeoise étaient quasi-quotidiennes[9]. Aux USA par ex., c’est la montée du Tea Party et la présence obsédante des néoconservateurs, lesquels fusionnent l’aile droite du parti « républicain » (archi-réactionnaire), les élus « démocrates » les plus bellicistes et l’intégrisme protestant ou sioniste dans une forme agressive, voire messianique, de pétainisme à l’américaine. Tout cela n’est pas encore le fascisme, cette mais cela crée déjà le terrain culturel et psychologique propice à l’avènement de la « dictature terroriste des éléments les plus réactionnaires du capital financier » (Dimitrov).
Ce processus de fascisation ne supprime pas les contradictions, parfois intenses, entre la droite classique et le fascisme : il les avive au contraire. Dimitrov signalait là encore que le fascisme n’arrive jamais au pouvoir sans une empoignade, parfois féroce, entre les partis fascistes proprement dits et les grands partis bourgeois « classiques », fussent-ils déjà gravement fascisés. Ainsi, après avoir été appuyés par le Vatican, les nazis allemands interdiront-ils le Zentrum catholique ; Pétain interdira les partis parlementaires bourgeois laïques et non laïques qui, à l’exception du PCF., lui avaient pourtant remis les pleins pouvoirs, etc. Mais il est important de voir que la fascisation avance toujours d’abord sur ses deux pieds, l’un étant posé à l’extérieur et l’autre à l’intérieur à la démocratie bourgeoise. Si bien que ceux qui disent, « le vrai danger n’est pas le fascisme mais l’UMPS » ne saisissent pas que l’UMPS constitue par elle-même un facteur de fascisation puisqu’en détruisant toute alternative progressiste et patriotique, fût-elle sagement « réformiste », elle rabat objectivement, et parfois volontairement, sur l’extrême droite présentée comme seule alternative : le machiavélique Mitterrand, lui-même issu de l’extrême droite et du colonialisme militant, a ainsi sciemment mis Le Pen père sur orbite en 1981 : chacun sait qu’il s’agissait alors de faire diversion au « tournant de la rigueur » européiste de 1982, de masquer l’orientation stratégique du PS (détruire le PCF, combattre l’URSS aux côtés de Reagan), et rendre la droite classique inéligible en la flanquant d’un pôle extrémiste jouant le rôle d’un répulsif.
Il faut en outre concevoir historiquement le processus de fascisation. Même s’il y a actuellement un gros effort pour criminaliser le communisme et pour réhabiliter le nazisme comme un moindre mal (Courtois et Cie vont jusqu’à prétendre que Hitler était moins dangereux que Staline : quel camp eussent-ils donc choisi à Stalingrad ?), les horreurs perpétrées par Mussolini, Franco et Hitler sont telles que la grande bourgeoisie est forcée – du moins en France – de condamner en paroles les crimes sans égal du Troisième Reich. L’angle d’attaque est différent et se mène, comme nous l’avons suggéré sous l’étendard USURPE des droits de l’homme, de l’antitotalitarisme d’apparat, de l’indécente équation « communisme = hitlérisme » et « U.R.S.S. = Allemagne nazie », qui vise à diaboliser les premiers termes de ces deux équations tout en banalisant les deux seconds, et notamment en banalisant les camps d’extermination nazis. Les choses vont très vite puisque des Fabius et des B.H.L. en sont désormais à dédouaner les antisémites caractérisés du parti Svoboda en prétendant que, voyez-vous, ils ne sont pas vraiment d’extrême droite ! C’est en effet désormais au nom des « droits de l’homme » et du « devoir d’ingérence humanitaire », et non pas au nom du repartage impérialiste du monde, de la « civilisation chrétienne » et du triomphe de la « race des Seigneurs » que s’effectuent les guerres, blocus, et autres ingérences impérialistes en Syrie, en Ukraine, en Libye, etc. C’est au nom d’un libéralisme de parade – car le Capitalisme monopoliste d’Etat n’a jamais été si fort qu’aujourd’hui derrière la mythique « concurrence libre et non faussée » de l’Empire euro-atlantique – que s’installe une législation anti-ouvrière et antisyndicale, un code du travail rabougri ou inexistant, un « encadrement » de plus en plus pesant de la grève et du « dialogue social » sous constante pression patronale[10]. Bref, et sans qu’il soit question de mettre l’ensemble des militants du PS (voire ceux de l’UMP comme tels) sur le même plan que les adhérents d’un parti fasciste, la fascisation emprunte un masque « libéral », voire « social » (libéral-fascisation, social-fascisation) qui, notamment en criminalisant les grèves et l’action syndicale, OUVRIRAIT AISEMENT LA VOIE à des méthodes sanglantes si la situation sur le front des classes en lutte venait à l’exiger. Et déjà des sondages stupéfiants indiquent qu’une part croissante des Français doute de la République et rêve d’un pouvoir fort pour « faire passer les réformes ». Car c’est bien à cela que tendent les campagnes médiatiques qui vilipendent grossièrement les cheminots, les enseignants, les grévistes du spectacle, etc. en prétendant que « la France est irréformable » (sic), qu’il faut « un Etat fort », qu’une « grande coalition gauche-droite » comme en RFA (pour ratiboiser les acquis ouvriers et mettre à genoux « à la Thatcher » les derniers bastions rouges...). Et c’est alors la surenchère entre Copé, qui annonce qu’il gouvernera avec l’article 16 s’il accède au pouvoir, et Hollande, qui encourage ses ministres à « accélérer » et à gouverner par décrets pour accélérer les « réformes » de l’Etat, des services publics, etc.
Pourtant, nombre de militants progressistes, voire communistes, s’aveuglent sur cet aspect de la fascisation : pour certains, cela tient de l’aveuglement. Pour d’autres, c’est plus préoccupant ; cela signifie en fait qu’ils partagent inconsciemment ce carburant de la fascisation qu’est l’anticommunisme « de gauche » (bien souvent travesti en anti-stalinisme de confort). Ce poison idéologique est inséparable du social-impérialisme « de gôôôche » (allons casser la gueule à Saddam, à Bachar, à Mouammar, soutenons les prédations d’Israël, ne levons pas un doigt pour que cesse la strangulation économique de Cuba, renvoyons dos à dos les prédateurs de « Tsahal » et les résistants palestiniens ; et préparons-nous au conflit nucléaire avec Poutine et avec le PC chinois pendant qu’on y est !) que diffusent ou incarnent à longueur d’année Libération, le Nouvel Obs, Charlie-Hebdo, mais aussi Cohn-Bendit, Kouchner, B.-H.L. et autres gourous médiatiques omniprésents sur France-Inter, Télérama, etc. Certains de ces « progressistes » du « droit d’ingérence » vont d’ailleurs jusqu’à sympathiser niaisement avec des mouvements ultraréactionnaires et grossièrement cléricaux (du type Dalaï Lama ou secte chinoise Falungong[11] !). L’essentiel n’est-il pas de porter des coups au communisme et aux régimes « nationalistes » laïques qui, pour se garantir tactiquement des prédations de Washington, furent quelque temps les alliés militaires du camp socialiste ? Pas étonnant que les processus d’euro-fascisation restent totalement imperceptibles à ceux qui, confondant les formes idéologiques grossièrement nationalistes d’hier avec les formes actuelles de la fascisation (tantôt nationalistes, tantôt supranationalistes, tantôt... les deux), ne procèdent pas à une analyse matérialiste de son contenu et de sa fonction de classe universelle, laquelle consiste à conclure l’affrontement de classes qui procède de la crise du capitalisme par l’écrasement du mouvement ouvrier, progressiste, démocratique et réellement patriotique...
Quant à l’appréciation politique à porter sur le FN, elle doit être soigneusement pesée. D’abord la lepénisation n’est que la face émergée de la fascisation ; on ne peut la couper de ses racines de classe françaises[12], mais aussi européennes, ni du néofascisme européen « blanc ». Ce sont pourtant ces racines sanglantes que continue d’afficher sans honte la flamme tricolore (imitée du M.S.I. italien) du parti lepéniste.
Bien entendu, le jeu de Marine Le Pen est de se « dé-diaboliser » dans l’espoir d’accéder à l’Elysée ; pour cela elle aura besoin de bénéficier au second tour des voix de l’UMP radicalisée. Des convergences fortes se sont déjà tissées « en bas » lors des « manifs pour tous » et dans le slogan pré-factieux (venant de la droite) « Hollande, dégage ! ». Bien entendu, il n’est pas exclu qu’il y ait un « choc des tactiques » au sein du FN. entre Le Pen fille et le Le Pen père, la première choisissant d’attraper les mouches électorales avec du miel « républicain » en se présentant comme une néogaulliste ( !), le second restant sur une problématique fasciste, voire antisémite, plus franche et plus classique, de manière à ne pas rompre avec le noyau fasciste dur. Bien entendu, il n’est pas exclu que Marine Le Pen attende la disparition physique de son père pour rebaptiser le FN en « R.B.M. », changer de logo, marginaliser l’entourage trop voyant de Bruno Gollnisch, et surtout – si elle parvient au second tour face à un candidat du P.S. – pour tendre la main à la droite de l’UMP, notamment à la « droite forte » ; elle abandonnerait pour ce faire le thème de la sortie de l’euro – qui n’a d’ailleurs jamais été sincère chez les lepénistes[13] – et elle proposerait d’officialiser l’U.M.’ Pen pour mener une politique économique à la Thatcher (économiquement) et à la Orban (politiquement). Cela provoquerait aussitôt le regroupement, dans le futur R.B.M. ou en dehors de lui, d’un parti fasciste « décomplexé » ; en effet, il faut toujours une aile marchante clairement fasciste et « antisystème » pour tracter la fascisation ; cette recomposition de l’extrême droite servirait Mme Le Pen. On aurait alors l’équivalent un Tea Party franco-français en position de faire main basse sur le pouvoir et d’accélérer la destruction de la France en lui portant le coup de grâce du déshonneur, le terrain extraparlementaire étant occupé par les fascistes pur jus épisodiquement renforcés par les manifs de « réacs pour tous »...
Toute cette « recomposition » n’aurait rien d’anodin pour autant, rien de « républicain » ni même de « patriotique ». D’abord, avec la Le Pen brandissant le drapeau tricolore à partir de l’Elysée, il deviendrait encore plus difficile aux progressistes de défendre la nation : il est d’ailleurs faux que Le Pen père ait « du moins » servi l’idée de nation depuis les années 80 : il l’a tout au contraire salie et rendue suspecte à des millions de progressistes ; en France et dans le monde, l’arrivée de M. Le Pen à l’Elysée signerait la fin honteuse et impardonnable de la France de 89, de la Commune et du CNR. En outre, arrivant au pouvoir, la Le Pen aurait nécessairement à montrer d’emblée sa poigne contre le mouvement syndical, contre la gauche radicale et contre les banlieues-ghettos dont la révolte probable serait vite instrumentée pour réduire les libertés et militariser le pays : sans cette politique du gros bâton, la grande bourgeoisie cesserait d’ailleurs rapidement d’appuyer un F.N. qui pourrait lui coûter plus qu’il ne pourrait lui rapporter. Sans pour autant sortir de l’UE, on aurait alors une situation de guerre civile larvée ou ouverte, l’armée dans les banlieues récalcitrantes, plus certaines régions frontalières, déjà portée à l’autonomie et profitant de l’occasion pour faire sécession en se déclarant opposées au retour pseudo-jacobin de la « grande nation ».
Quant aux vrais communistes et aux progressistes républicains, ils perdraient tout espace politique puisqu’ils seraient à la fois réprimés par le pouvoir FN et rejetés par la gauche radicale, confortée dans son illusion suicidaire amalgamant « la » nation au fascisme. Bref, cet avènement de la Le Pen accélèrerait non seulement la mort de la France, mais sa faillite devant l’histoire et peut-être pour finir, sa balkanisation, sa partition – déjà dessinée par l’actuelle régionalisation – et sa mise en tutelle définitive à la yougoslave. Bref, la Le Pen au pouvoir, c’est assurément l’accentuation par d’autres moyens de la contre-révolution française et l’euro-désintégration du pays garanties, c’est la mort IRREVERSIBLE de la nation, c’est l’assurance d’un affrontement intra-national sanglant et communautarisé, dont il sera difficile de tirer quoi que ce soit de positif pour le monde du travail et les idées de progrès : alors, n’imitons pas l’aile sectaire du PC allemand qui, dans les années 1930, déclarait de façon suicidaire, aux dires de Dimitrov : « si le Troisième Reich de Hitler advient, ce sera six pieds sous terre et sous les pas du prolétariat vainqueur » (sic).
Il n’y a donc pas à choisir entre « combattre la fascisation » et combattre l’UE ; ces deux monstres politiques constituent les deux dimensions inséparables du même processus impérialiste, antinational, antirépublicain et anti-ouvrier. Il s’ensuit que la résistance à ce processus mortifère doit combattre sur deux, voire sur trois fronts : ceux qui veulent construire un « nouveau CNR » ou, pour le dire en termes plus marxistes, un Front de Résistance Antifasciste, Patriotique et Populaire (FRAPP !) pouvant ouvrir la voie au socialisme, doivent BRISER LA TENAILLE de l’UMPS, de l’U.M.’ Pen et leur alliance de revers avec les forces euro-régionalistes déterminées à dépecer la République indivisible héritée des Sans Culotte.
3 – Un nouveau CNR pour combattre sur tous les fronts
Le PRCF fut le premier, les documents en font foi, à lancer l’idée stratégique, distincte de toutes ses incarnations organisationnelles transitoires, d’un « nouveau CNR ». Cette idée est de plus en plus reprise mais elle donne lieu à des interprétations unilatérales.
Pour certains, de nouveaux Jours heureux doivent se préparer dans le cadre de l’UE, sur le mot d’ordre de l’Europe sociale, avec la gauche du PS, le Front de gauche, voire les Ecolos et certains éléments « républicains » ( ?) du MODEM.... C’est faire l’impasse, celle d’un « antilibéralisme » sans contenu, sur cette ligne de classe majeure qu’est l’acceptation ou le refus de l’UE, de l’OTAN et de l’euro. Comme l’ont déclaré au Plateau des Glières les Résistants Léon Landini et Pierre Pranchère, membres de la présidence du PRCF, « l’UE et l’euro sont antinomiques du programme du CNR ».
Pour d’autres au contraire, qui survalorisaient il y a peu la lutte électorale anti-FN, le cœur de cible d’un nouveau CNR doit être exclusivement l’UE, la fascisation n’existant pas à leurs yeux, ou bien ne concernant que l’Ukraine, le FN n’étant plus considéré comme fasciste, l’idée même de « gauche » étant reléguée au rang d’un leurre idéologique[14]. Quel terrible cadeau fait à la réaction qu’abandonner l’idée même de gauche alors que le pays tend à se droitiser, voire à s’ « ultra-droitiser » idéologiquement comme l’a montré le quasi-rejet dont a fait l’objet la grève légitime des cheminots de la part d’une grande partie de la population française confinée dans l’aigreur et le chacun-pour-soi ! Et quelle aberration de confondre la « gauche » établie, constituée non seulement du PS maastrichtien, mais des états-majors euro-formatés des confédés syndicales et d’une certaine « gauche radicale » socialo-dépendante, avec les idéaux de gauche – paix, coopération internationale, égalité entre les sexes, laïcité, République sociale, patriotisme populaire et internationalisme ouvrier, lutte pour les « Lumières » – bref, tout ce qu’incarne en France, avec leurs limites historiques évidentes, mais avec aussi leur grandeur incontestable, les noms de Jean Jaurès ou, sur un autre plan, de Jean Moulin !
Ces deux points de vue symétriques – dont l’un rejette la lutte anti-fascisation et dont l’autre refuse la lutte anti-UE – aboutissent potentiellement à neutraliser l’un et l’autre l’idée d’un nouveau CNR. Un nouveau CNR reprenant le slogan mensonger de l’Europe sociale ne pourrait en effet qu’apporter une caution de gauche usurpée à la mise à mort finale de la nation par désintégration de la France dans les « Etats-Unis d’Europe ». Comment des héritiers de la Résistance peuvent-ils ignorer que la construction du Front national de lutte pour l’indépendance de la France (mis en place par le PCF clandestin sous l’Occupation), puis le CNR historique, ont été formés pour affranchir la France de toute forme de joug étranger ? Objectivement une telle orientation rabattrait vers une social-démocratie de gauche, de type « Syriza ». Faute d’affronter l’UE, celle-ci échouerait lamentablement et il n’y aurait alors plus « sur le marché » qu’une « alternative » que je laisse à chacun le soin de deviner.
Quant à un « nouveau CNR » ignorant la résistance à la fascisation et à la lepénisation, il s’exposerait à de multiples dangers. Il resterait plus ou moins spectateur des mobilisations antifascistes et antiracistes qu’il tendrait à considérer a priori comme des leurres alors même que les fascistes frappent déjà dans les rues, que des Roms sont lynchés dans certains quartiers, que la xénophobie d’Etat bat son plein. Il offrirait prise aux attaques des groupes roses-bruns, proches du pouvoir social-libéral et de la pseudo-« gauche » atlantique, qui diffament les progressistes anti-U.E. en les accusant de complaisance envers l’extrême droite. Et surtout, un mouvement anti-UE ignorant la dimension antifasciste de son combat ne se donnerait pas les moyens de briser l’étau idéologique entre l’UMPS et l’UM’ Pen puisqu’il ne dénoncerait à fond que l’une des deux mâchoires du dispositif oligarchique. Le danger serait aussi de se couper de la mouvance communiste et progressiste continentale alors que l’UE ne peut être abattue que par une convergence de luttes intérieure et extérieure au territoire national. Or, c’est bien sous le drapeau de l’antifascisme que les mineurs du Donbass poussent la lutte nationale et qu’ils appellent, du même mouvement, à la nationalisation démocratique et socialiste des mines : de plus en plus, l’antifascisme, associé à la dénonciation claire et nette de l’Empire euro-atlantique, deviendra un « critère de convergence » des luttespuisque l’OTAN mise sur les nostalgiques du Reich pour relayer le Drang nach Osten de l’UE., pour « nettoyer » le mouvement communiste et le syndicalisme rouge, voire pour « porter l’adhésion populaire » à la « construction » européenne en crise (cf l’Euro-Maïdan et l’accord impérialiste récent avec la Moldavie). Enfin il importe que le front progressiste anti-UE en France même s’allie au front communiste paneuropéen contre l’U.E. et ses dérives fascisantes : sans quoi le mouvement pour l’affranchissement de la France n’aura pas d’assises solides dans la classe ouvrière internationale : un peu de patriotisme renie l’internationalisme, mais beaucoup y ramène... En France même, un mouvement progressiste anti-U.E. qui resterait indifférent à la fascisation ne « parlerait » pas aux travailleurs d’origine immigrée ou aux démocrates qui se sont engagés sur le terrain civique à partir de motivations antifascistes et antiracistes. Souvenons-nous au contraire de l’exemple admirable des F.T.P.-M.O.I. créés par le PCF clandestin pendant la guerre de 39-45 : les bataillons animés par Missak Manouchian, Joseph Epstein ou par les frères Roger et Léon Landini fusionnèrent l’antifascisme, l’antiracisme et la défense de l’indépendance nationale française pour écraser la « Grosses Europa » de cette époque.
Et surtout, constatons que la grande bourgeoisie lorgne à nouveau sur Vichy : les descendants du traitre Louis Renault, qui fabriquait des tanks pour le Reich pendant la guerre, ont eu antennes ouvertes sur les médias publics pour tenter leur opération de réhabilitation de ce personnage, alors que nos amis Annie Lacroix-Riz, Roger Silvain (ancien dirigeant de la CGT à Renault à Billancourt), etc. ne pouvaient même pas s’approcher des micros. On nous explique aussi aujourd’hui que le Colonel de la Roque, qui présidait la plus grande organisation d’extrême droite des années 1930, « n’était pas fasciste » et certains « historiens » à la mode promeuvent le thème odieusement glauque des « vichysso-résistants ». Quant à Pierre Pranchère et à ses camarades résistants des Maquis de Corrèze, ils ont dû beaucoup batailler pour que l’imprescriptibilité des crimes de guerre ne soit pas levée en France ; symétriquement de mode aujourd’hui de nier ou de salir carrément le « Parti des fusillés » en minimisant la contribution centrale du PCF clandestin à la lutte armée contre l’Occupant. Quoi d’étonnant à ce que les mêmes milieux européistes qui encensent la « construction européenne », la « Françallemagne », Angela Merkel et notre ancêtre à tous Karl der Grosse (Charlemagne), regardent avec une secrète indulgence ce Troisième Reich et cet « Etat français » qui, plus que tout autre, ont voulu naguère ériger la Grande Europe allemande et l’ « europ » (l’ancêtre hitlérien de l’euro !) sur les ruines fumantes de la Russie rouge et de la République « bleue » de Robespierre ?
C’est pourquoi une stratégie révolutionnaire sûre, équilibrée, de classe et de masse, héritière à la fois de la Révolution jacobine, du Front populaire et de la Résistance patriotique ET antifasciste, consiste à combattre à la fois les trois « piques » du trident antirépublicain : Parti Maastrichtien Unique, U.M.’ Pen en gestation et euro-régionalisme patronal. Pour desserrer la tenaille et briser ce trident, il faut à la fois marier la Marseillaise à l’Internationale, raviver le symbole de la Marianne au bonnet phrygien, opposer le front « rouge Marianne » en construction au rassemblement bleu marine et au drapeau clérical de l’Empire euro-atlantique ; il faut enfin – et c’est évidemment le plus difficile pour les militants issus de l’alter-mondialisme ou influencés par l’euro-trotskisme – percevoir le lien de feu et de sang entre l’euro-réhabilitation rampante du fascisme et l’euro-criminalisation galopante du communisme [15]. Là est la seule voie gagnante possible pour reconstruire à temps l’alternative populaire et progressiste.
Georges Gastaud
26 juin 2014, 220ème anniversaire de la Victoire des armées révolutionnaires françaises à Fleurus.
Georges Gastaud est un philosophe marxiste, syndicaliste, secrétaire national du PRCF. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment Mondialisation Capitaliste et Projet Communiste, Sagesse de la Révolution, Lettre ouverte aux bons français qui assassinent la France, Essai sur la renaissance communiste, Internationalisme et Patriotisme éléments de réflexion marxistes sur la question nationale