Libye : l’agressivité constante des Etats-Unis
Si je pouvais poser une question à notre bien-aimé président, ce serait celle-ci : « M. le Président, au cours de votre court mandat vous avez mené six guerres - Irak, Afghanistan, Pakistan, Somalie, Yémen et Libye. Et je me demandais, avec tout le respect que je vous dois, qu’est-ce qui ne va pas chez vous ? »
Les médias américains (et français - NdT) ont fait de leur mieux pour dénigrer les accusations libyennes selon lesquelles les missiles de l’OTAN/US tuent des civils (ceux qu’ils sont censés protéger), du moins jusqu’à la récente « bavure » qui était trop flagrante pour être étouffée. Mais qui, parmi les grands médias, se posent des questions sur les accusations de l’OTAN/US selon lesquelles la Libye faisait tirer et « massacrait » ses civils il y a quelques mois, et la raison pour laquelle, nous dit-on, les puissances occidentales ont attaqué ? Inutile de regarder Al Jazeera pour ça. Le gouvernement du Qatar, propriétaire de la chaine, n’aime pas du tout le dirigeant Libyen et était lui-même l’une des principales sources des histoires de « massacres » en Libye, tout en jouant un rôle militaire dans la guerre contre Tripoli. Les reportages d’Al Jazeera sur le sujet ont été tellement honteux que j’ai cessé de la regarder (moi aussi - NdT)
Alain Juppé, le ministre des affaires étrangères de la France, force dirigeante des attaques contre la Libye, s’est exprimé le 7 juin devant le Brookings Institution à Washington. Après son intervention, quelqu’un dans le public, un militant local, Ken Meyercord, lui a posé cette question :
« Un observateur américain des évènements en Libye a fait le commentaire suivant : « il n’y a pas d’éléments convaincants pour affirmer qu’un massacre à grande échelle ou un génocide étaient imminent ni même probable ». L’auteur de ce commentaire est Richard Haass, Président du Council of Foreign Relations (Conseil des Relations Etrangères). Si M. Haas a raison, et c’est quelqu’un de plutôt bien informé, alors ce que l’OTAN a commis en Libye est une attaque contre un pays qui ne menaçait personne, en d’autres termes, une agression. Puisque l’OTAN sème de plus en plus la mort et la destruction en Libye, ne craignez-vous pas qu’un Tribunal Pénal International puisse décider que vous et vos amis de l’Naked Aggression Treaty Organization (Organisation du Traité d’Agression Ouverte - jeu de mot sur l’acronyme anglais NATO - NdT) pourraient être poursuivis plutôt que Kadhafi ? »
M. Juppé a ensuite cité, sans mentionner ses sources, quelqu’un qui estimait que 15.000 civils Libyens avaient été tués par les forces pro-Kadhafi. A quoi M. Meyercord a répondu : « Alors où sont les 15.000 cadavres ? » M. Juppé n’a pas répondu, mais le brouhaha causé par la première question a peut-être étouffé la seconde. (pour un autre point de vue sur les histoires de « massacres libyens », voir video ici http://www.abovetopsecret.com/forum/thread691464/pg1 )
Il faut souligner que, au 30 juin, l’OTAN a effectué 13.184 sorties aériennes au-dessus de la Libye, dont 4.963 sont qualifiées de frappes. Vous trouverez les derniers chiffres sur le site de l’OTAN. http://www.aco.nato.int/page424201235.aspx
Si un pays tirait des missiles sur les Etats-Unis, Barack Obama considérerait-il un tel acte comme un acte de guerre ? Si les centaines de missiles que les Etats-Unis tirent sur la Libye ne constituent pas un acte de guerre, comme il le répète (pour éviter d’avoir à faire une déclaration de guerre comme l’exige la loi US), alors les morts qui résultent de ces attaques de missiles sont des meurtres. C’est ça. C’est soit une guerre, soit un meurtre. En admettant qu’il existe une différence entre les deux.
Il faut aussi souligner que depuis l’arrivée de Kadhafi au pouvoir en 1969, à aucun moment les Etats-Unis n’ont exprimé le moindre respect pour les nombreuses avancées que Kadhafi a réalisées en Libye et en Afrique. Pour un historique de cette hostilité, consultez le chapitre sur la Libye de mon livre « Guerres Scélérates ».
L’Amérique et sa quête incessante d’amour
« Pourquoi ne réussissons-nous pas à nous faire aimer dans ces bleds perdus au lieu de nous faire haïr ? » - Président Dwight D. Eisenhower, mars 1953, réunion du Conseil National de Sécurité
Les Etats-Unis se le demandent encore et sont toujours aussi paumés que notre bon vieux Ike (surnom de Dwight D. Eisenhower - NdT) l’était il y a 60 ans. Les dirigeants US croient encore à ce que Frances Fitzgerald observait dans son étude sur les manuels scolaires et l’histoire américaine : « Selon ces manuels, les Etats-Unis ont été une sorte d’Armée du Salut pour le reste du monde : tout au long de l’histoire, ce pays n’a fait qu’aider les pays pauvres, ignorants et malades... les Etats-Unis ont toujours agi avec désintéressement, toujours au nom de grands principes ; Ils ont toujours donné et jamais pris. » (2)
En 2007, j’avais écrit ceci sur l’intervention militaire US en Irak :
« J’ai presque de la peine pour eux. Ce sont des Américains « on peut » habitués à obtenir ce qu’ils veulent, habitués à se considérer comme les meilleurs, et ils sont terriblement frustrés, incapables de comprendre « pourquoi ils nous haïssent », pourquoi nous n’arrivons pas à gagner leurs coeurs, pourquoi nous n’arrivons même pas à les éliminer. N’aspirent-ils pas à la liberté et la démocratie ? … Ce sont des Américains « on peut », qui font appel au bon vieux savoir-faire américain et tout le doigté de Madison Avenue (quartier des sociétés de communications et publicitaires - NdT), aux campagnes commerciales, aux relations publiques, à la publicité, pour vendre la marque « USA », comme ils font chez eux, avec des psychologues et des anthropologues.... et rien n’y fait. Et comment pourrait-il en être autrement, si le produit que vous essayez de fourguer est toxique, par essence, depuis sa naissance, si vous êtes en train de ruiner la vie du client, sans considération pour le droit ou la morale, la santé ou l’environnement. Ce sont des Américains « on peut », habitués à jouer le rôle qui est le leur. Et ils sont terriblement frustrés. »
Voici à présent la cavalerie de Google qui s’amène sur un cheval blanc. Par l’intermédiaire de son groupe de réflexion, Google Ideas (ou groupe de réflexion/action), la société a financé une réunion de 80 anciens extrémistes musulmans, néonazis, membres de gangs et autres extrémistes à Dublin du 26 au 28 juin (« Summit Against Violent Extremism », ou SAVE - Somment Contre la Violence Extrémiste) pour explorer comment la technologie pourrait jouer un rôle dans les efforts de « dé-radicalisation » à travers le monde. N’est-ce point un projet ambitieux ?
Les « anciens », tels que les appelle Google, seront encadrés par 120 penseurs, militants, philanthropes et dirigeants patronaux. L’objectif est de disséquer ce qui attire certaines personnes, notamment les jeunes, vers des mouvements extrémistes et pourquoi certains les quittent.
La personne chargée du projet est Jared Cohen, qui a passé quatre ans au sein du bureau de planification de la politique du Département d’Etat, et qui sera bientôt nommé au Council of Foreign Relations, pour s’occuper des questions de contre-radicalisation, innovation, technologie et tactique politique. (3)
Bon, alors donc... c’est « l’extrémisme violent » qui constitue le grand mystère, l’objet d’étude de tous ces grands intellectuels... Pourquoi l’extrémisme violent attire-t-il tant de jeunes à travers le monde ? Ou, plus important probablement aux yeux de ceux du Département d’Etat et du Council of Foreign Relations : pourquoi les extrémistes violents désignent-ils les Etats-Unis comme leur cible de choix ?
Mes lecteurs fidèles connaissent déjà la réponse. Il y a tout simplement un grand nombre d’horreurs qui ont été commises à travers le monde par la politique étrangère des Etats-Unis. Quant à savoir ce qui attire les jeunes dans l’extrémisme violent, réfléchissons à ceci : Qu’est ce qui attire un million de jeunes américains à partir en Afghanistan ou en Irak pour y risquer leurs vies et leur intégrité physique et pour aller tuer d’autres jeunes qui ne leur ont fait aucun mal, pour y commettre des horreurs innommables et pour pratiquer la torture ?
Ne pourrait-on pas dire qu’il s’agit d’un comportement extrémiste ? Ne pourrait-on pas qualifier ces jeunes américains « d’extrémistes » ou de « radicaux » ? Ne sont-ils pas violents ? Les experts de Google comprennent-ils leur comportement ? Si non, comment réussiront-ils alors à comprendre le comportement d’étrangers musulmans extrémistes ? Ces experts sont-ils disposés à examiner le phénomène sous-jacent - cette croyance profondément enracinée d’une « exception américaine » qui est vrillée dans chaque cellule de la conscience américaine depuis la maternelle ? Ces vénérables experts auront-ils ensuite besoin de se pencher sur ceux qui croient à « l’exception islamique » ?
Scoop ! Les dirigeants américains éprouvent des sentiments. !
Les critiques du président afghan Hamid Karzai contre les forces de l’OTAN dans son pays sont de plus en plus sévères et polémiques. Récemment, l’ambassadeur US Karl Eikenberry s’est senti dans l’obligation de lui répondre : « lorsque les Américains, qui servent dans votre pays en payant un prix fort - en termes de vie et d’argent - se voient comparés à des occupants, lorsqu’ils s’entendent dire qu’ils ne sont ici que pour leur propres intérêts, et se voient assimilés aux ennemis brutaux du peuple afghan... ils sont perdus et se lassent de leurs efforts accomplis ici... nous perdons notre envie de continuer. »
C’est probablement vrai pour de nombreux soldats sur le terrain. Si seulement les militaires et les dirigeants politiques US pouvaient réellement être offensés par ce que l’on raconte sur eux et leurs nombreuses guerres.
Eikenberry - qui a servi en Afghanistan pendant cinq ans, d’abord comme général d’armée et ensuite comme ambassadeur - a prévenu que si les dirigeants afghans arrivaient au point où ils « pensaient que nous faisons plus de tort que de bien, » alors les Américains pourraient « être amenés à penser que les sacrifices demandés à nos soldats et civils sont injustifiés, » et que « le peuple américain pourrait demander le retrait de nos troupes ».
Eh bien, si cela intéresse Eikenberry, un sondage effectué le 8 juin par World News America/Harris révèle que 52% des Américains pensent que les Etats-Unis devraient retirer leurs troupes d’Afghanistan « maintenant », et seulement 35% qui pensent que les troupes devraient rester. Un autre sondage de Pew Research Center effecté mi-juin indique que 56% des Américains sont favorables à un retrait « immédiat ».
« L’Amérique n’a jamais cherché à occuper un autre pays dans le monde, » a poursuivi l’Ambassadeur. « Nous sommes bons. » (4)
Comme c’est sympa. Ca me rappelle la secrétaire d’Etat Madeleine Allbright, après le bombardement pendant 78 jours en 1999 de l’ex-Yougolsavie sans défense, un crime de guerre qu’elle a largement instigué, lorsqu’elle a déclaré « Les Etats-Unis sont bons. Nous essayons de faire notre mieux partout. » (5)
Est-ce que ces adultes croient réellement à ce qui sort de leur bouche ? M. Eikenberry pense-t-il réellement que « l’Amérique n’a jamais cherché à occuper un autre pays dans le monde » ? Soixante-six ans après la Deuxième Guerre Mondiale, les Etats-Unis ont toujours de grandes bases militaires en Allemagne et au Japon ; 58 ans après la fin de la guerre de Corée, des dizaines de milliers de forces armées US sont encore stationnées en Corée du Sud ; depuis plus d’un siècle, les Etats-Unis occupent la baie de Guantanamo contre la volonté farouche du peuple cubain. Et comment qualifier autrement la présence américaine en Irak depuis plus de huit ans, et en Afghanistan depuis presque 10 ans ?
George W. Bush, lui, ne se faisait pas d’illusions : les Irakiens « ne sont pas contents d’être occupés, » a-t-il dit. « si j’étais occupé, moi non plus je ne serais pas content. » (6)
Cependant, un dirigeant Républicain à la Chambre des Représentant, John Boehner, semble y croire dur comme fer. « Les Etats-Unis n’ont jamais envisagé la création d’une base permanente en Irak, ni ailleurs. » a-t-il affirmé il y a quelques années. (7)
Si les Américains du 18ème siècle pouvaient rejeter les Britanniques, alors que de nombreux Américains étaient Britanniques, il devrait être alors facile de comprendre les ressentiments des Irakiens et Afghans envers les occupants étrangers.
(…)
William Blum
www.killinghope.org
Traduction « hé, les ricains, lorsque vous ne comprenez pas, demandez moi » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles.