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Equilibration contre emprise : Pour des minarets et clochers discrets.

tableau : "Minaret" de Simon Bull

Le vote suisse est dangereux pour la dérive haineuse globale qu’il entraine. A question mal posée risque de mauvaise réponse. Car il y a de bonnes raisons de s’opposer à la montée du religieux ici ou là mais pas en Suisse vu le faible nombre de mosquées avec minarets (quatre je crois). Il est possible de reconnaitre le fait architectural religieux tout en affirmant vouloir circonscrire sa trop forte emprise dans l’espace public qu’il s’agisse de minarets, clochers ou autre.

Le premier texte portant sur l’emprise du religieux et du marchand a été complété par un autre qui emporte des précisions d’ordre culturel et idéologique.

I - Autoriser mais limiter l’emprise du religieux sur l’espace public

Le débat sur les minarets donne lieu à des positions radicales opposées alors qu’un compromis est réalisable à partir de principes clairs et cohérents. Les principes ne sont que des indicateurs mais ils doivent être diffusés.

L’espace public devrait être neutre. Cet idéal n’est pas évidemment pas respecté. On peut même dire que c’est utopique. Il subi l’emprise de la marchandisation et celle du religieux. A défaut d’être totalement neutre on devrait limiter cette double emprise. Car qui dit emprise dit dépassement d’une limite. Un peu de religieux çà va trop c’est trop ! On peut en dire autant de la marchandisation : un peu de pub çà va trop c’est trop. On peut à cet égard invoquer la notion d’équilibration qui vient de Proudhon sous le sens "équilibration des contraires" et qui a été exhumée ou réhabilitée par le sociologue altermondialiste Philippe Corcuff.

A) Du côté de l’emprise MARCHANDE

Les tableaux d’affichage associatif (souvent moches certes) disparaissent au profit des grands panneaux publicitaires (très propres évidemment). Cette dynamique va dans le sens de l’emprise de la marchandisation du monde. Une autre dynamique plus respectueuse de la vie locale (mêmes avec ses quelques débordements) viserait à favoriser l’expression associative de quartier avec plus de panneaux et à limiter la prolifération des grands affiches commerciales. Il en va de même pour l’emprise historique du religieux qui est mon propos principal.

B) Du côté de l’emprise RELIGIEUSE

Autoriser des locaux de prière pour les différentes religions ne fait pas problème pour l’immense majorité des gens mais sous certaines conditions. Les religions disposent toutes de locaux sauf l’islam. Ce que l’on nomme "l’islam des caves" qui devient "l’islam à ciel ouvert" - euphémisme d’islam dans la rue - n’est pas une solution. L’exercice du culte doit être privé. Ce qui suppose des locaux. Les religions ont de l’argent pour en construire.

* Reste à examiner les conditions.

Il convient de rassurer la population sur ce point. Si aucune garantie n’est prise sur les conditions d’installation alors on trouve des réactions de protection qui ne font pas dans la nuance Un compromis, un équilibre des tolérances est nécessaire. Il y a besoin que les élites politiques affichent leur sens du compromis dont elles sont par ailleurs coutumières à l’ordinaire. Ce compromis devrait limiter l’emprise forte du religieux dans l’espace public. Autoriser certes mais en donnant des limites. Ce qui pose problème ce n’est pas l’existence de minarets discrets c’est l’existence de grands minarets et de minarets faisant appels bruyants à la prière. C’est pareille pour les grands clochers et les envolées répétés de cloches. Les cloches des églises sonnent d’ailleurs beaucoup moins que jadis. De la même manière que l’appel du muezzin est à brider si l’idée apparait. Mais il semble que ces appels soient rares pour l’instant.

* Que comprendre ?

C’est le caractère ostentatoire et même impérialiste de certaines constructions qui gêne, qui importune. Une castration des phallus religieux est demandée qui n’est pas de l’islamophobie.

Qu’est ce qu’un grand minaret demandera-t-on ? La réponse vient de la commune de Genevilliers - lue dans Ouest France de ce 1/12/09 - c’est un minaret plus haut que la mairie. Autrement dit on prend un bâtiment symbolique de la République et on dit pas plus haut ! Moins de grandiose et plus d’humilité pour les religions ne saurait faire de mal à la tolérance mutuelle.

Si l’on veut bien regarder les choses ainsi, alors on évite l’affrontement et de traiter de racistes et de fascistes des gens qui ne le sont pas.

II - Laïcité-équilibration contre emprise.

On connaissait deux formes de laïcité : la laïcité-séparation et la laïcité-neutralité voici la laïcité-équilibration. La laïcité équilibration promeut la tolérance réciproque, l’ajustement des intérêts. Ce qui est possible pour la laïcité ne l’est pas nécessairement dans tous les domaines. La laïcité a pour but de créer un espace commun ou il est possible de vivre ensemble en reconnaissant des différences qui sont acceptables non excessives. Telle société va dire que les signes religieux discrets sont acceptables à l’école mais pas les signes ostensibles ou ostentatoires. Ce faisant on peut dire qu’elle tranche un conflit de société en acceptant un peu mais en refusant l’excessif, l’abusif. C’est chaque société en fonction de son histoire qui ajuste ce compromis social.

Ce n’est pas parce que l’autre camp procède à des amalgames que nous devons faire de même. Le gros du vote anti-minarets est sans doute xénophobe mais pas tous loin de là . Il faut chercher à comprendre avant de caractériser à l’emporte-pièce. La vision globalisante, pratiquant la confusion et le campisme constant n’aide pas à gagner ceux qui pensent hors des deux schémas.

Procédons à quelques distinctions qui aident à comprendre et structurer la complexité des visions du monde dans le champ culturel et dans le champ théo-idéologique. Ces distinctions relèvent plus des expériences militantes que d’une analyse savante ou scientifique.

A) Aspects CULTURELS : trois conceptions du monde en présence.

* Certains aiment les villages avec clocher et estiment que c’est là le bon terroir et la ruralité qui forme l’identité de la France (Agoravox le 1/12/09) en différence avec les villages musulmans des pays arabes. Nous sommes différents restons-le ! Ce respect des différences débouche sur un "chacun chez soi" complété marginalement par une acceptation de l’autre sous condition d’assimilation.

* D’autres aiment la pluralité par réaction à ce chauvinisme et veulent un mixte de bâtiments religieux comme paysage de tolérance.

* D’autres encore n’approuvent ni l’un ni l’autre : le premier pour sa préférence catholique séparatiste fondée sur la subculture chrétienne qui perdure, le second car ils se font plus religieux que les religieux en autorisant un envahissement du religieux pluriel. Ici il peut y avoir deux positions l’une laïque radicale plus d’église, synagogue et mosquées (bulldozer à la Pol-Pot) , l’autre plus modérée qui les acceptent mais limitant à l’avenir le caractère ostensible et grandiose tant pour les grands minarets que les grands clochers.

B) Aspects IDEOLOGIQUES : une double dégénérescence qu’il faut critiquer :

* Versus déplacement des acteurs visés : Celle islamistophobe (critique de l’islamiste et de l’islam radical ) qui dégénère vers la musulmanophobie (peur de tous les musulmans assimilés aux islamistes radicaux). Exemple de lecture : En 1998, le premier ministre Turc actuel, M Erdogan, disait : "Les mosquées sont nos casernes, les coupoles nos casques, les minarets nos baïonnettes et les croyants nos soldats." A partir de là on imagine que les "dirigeants" des mosquées sont tous des islamistes radicaux. On ne sait que peu de chose sur le sujet d’ailleurs. Mais la raison impose de penser que la présence-absence de minaret n’est pas très déterminante sur leur activité, activité qu’ils peuvent mener sur les autres lieux de prières, rues ou caves.

* Versus "du texte aux croyants" : Celle islamophobe (entendu ici au sens strict comme simple critique de l’islam pouvant aller jusqu’au blasphème) qui dégénère vers l’islamophobie raciste, la musulmanophobie (de Robert Redeker au clip de Wilder). Ce discours contient en général une part de critique acceptable du texte religieux et de ses pratiques mais aussi une critique in fine des croyants. Autrement dit il opère tôt ou tard un passage de la critique d’une croyance à une stigmatisation des croyants. Le passage peut être plus ou moins net dans "l’incitation" ce qui fait qu’il n’y a pas toujours procès juridique.

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Christian Delarue

Qui exprime ici une conception complémentaire voire différente de celle du MRAP dont il est membre (BE &CA)

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