En défense de l’islam d’émancipation !
Pour une alliance altermondialiste avec les musulmans critiques du capitalisme, de l’impérialisme mais aussi féministes et laïcs.
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La question de l’alliance avec les musulmans, les individus qui se définissent principalement ou secondairement par leur religion, se pose différemment à l’égard des musulmans vivant en Europe ou de ceux musulmans vivant sous l’autorité d’Etats islamiques et/ou de sociétés subissant le néocolonialisme et l’impérialisme. La situation, notamment celle liées aux libertés et à l’égalité ou à l’accès aux droits, étant différente le niveau d’exigence est aussi différent. Refuser, par exemple, un soutien aux musulmanes voilées en lutte contre l’impérialisme pour ce seul prétexte serait faire preuve de sévérité en matière de solidarité. Il en va différemment en France et en Europe ou la défense d’un islam "light" (1) en France et en Europe se comprend nettement surtout quand l’islamophobie indistincte frappe l’Europe. Il y a de nombreux musulmans de gauche, qui semblent trop "intégrés" pour Vincent GEISSER , mais qui néanmoins appuient le mouvement altermondialiste, laIc et féministe. En Europe ils sont nombreux on peut donc s’appuyer sur eux pour changer l’Europe et le monde. Ils sont une force essentielle pour enclencher la dynamique européenne à construire.
Il ne s’agit pas donc ici des élites de droite que vise, semble-t-il, Vincent GEISSER . Que les racines critiques puisent chez tel ou tel auteur dans le compromis néocolonial des années 50/60 ne nous semblent pas aujourd’hui déterminant. Les parcours militants peuvent évoluer. D’autant que le fait n’est pas avéré pour la jeunesses étudiante qui lutte à la fois contre l’islam réactionnaire et oppressif (qui s’est développé depuis la perte d’influence du socialisme bureaucratique) et contre l’impérialisme . Pour les plus âgés, ce qui compte ce sont leurs positions et pratiques sociales et politiques aujourd’hui et non une aléatoire collusion datant des années 1950/60.
Se dégager des logiques de camp qui verrouillent la compréhension des dynamiques.
Comme à l’accoutumée désormais il est difficile de prendre une position qui n’entre pas dans la logique de camp Occident contre Orient dite communément "choc des civilisations". En France deux organisations idéologico-politiques impriment leur diktats sur le devoir de choisir son camp : Riposte laïque contre les Indigènes de la République. Les anti-islam et anti-musulmans d’un côté contre les pro-islam et les pro-musulmans de l’autre. Ce n’est pas ainsi que le débat se pose. D’ailleurs même au sein de ces organisations maximalistes tous ne le posent pas en ces termes et c’est heureux.
Dès lors on ne s’étonnera pas qu’il faille distinguer d’emblée l’islam et ses croyants - les musulmans - pour souligner ensuite la diversité de l’islam et des musulmans. Au regard du contexte ce n’est pas une clause de style mais une nécessité visant à préserver les musulmans d’une stigmatisation globalisante. Car le procédé est désormais connu depuis l’affaire Redeker : on critique sévèrement cette religion dans sa globalité (ce qui est de droit mais pas la stratégie politique ici préconisée) puis on rapporte le jugement extrêmement négatif à l’ensemble de la communauté musulmane. Le procédé devient alors clairement odieux. C’est une islamophobie qui n’a rien à voir avec une critique raisonnée de l’islam ou des pratiques de certains musulmans réactionnaires.
Le second niveau de remarques plus en prise avec un souci de stratégie altermondialiste revient à distinguer un certain islam réactionnaire aux pratiques rétrogrades de l’islam pacifiste, laïc et favorable à l’égalité entre hommes et femmes. Dans la foulée immédiate de cette distinction, l’altermondialisme se doit de respecter et de défendre les musulman(e)s d’Europe éloigné(e)s de l’islam de protection vestimentaire de la femme (voile ou burka) ou de l’islam pro-affichage ostensible. Les pratiquants de cet islam sobre et pacifiste doivent pouvoir trouver leur place dans le travail et hors du travail, autrement dit dans toutes les sphères de la société française ou européenne. Ils doivent être reconnus comme des égaux et des camarades (principe adelphique). Ces musulmans et musulmanes doivent aussi pouvoir disposer de lieux de prière comme toutes les religions présentes sur le territoire national ou européen afin d’en finir avec "l’islam des caves".
Ni burka ni voile islamique : contre l’islam d’oppression quelle pédagogie en défense de l’islam d’émancipation ?
Fin du tabassage des femmes au foyer et construction de mosquées.
Or cet Islam et leurs pratiquants sont stigmatisés par Vincent Geisser comme étant un islam "light". Les Indigènes de la République n’ont que des critiques contre cet "islam compatible" avec la mentalité dite "catho-laïque" c’est à dire d’affichage discret. Leur pratiquants sont qualifiés de "bountys" ainsi que le dit Pierre Tévanian : ils sont noirs dehors et blancs dedans. Ils sont des traitres à l’islam perçu comme "authentique", celui qui voile les femmes et autres contraintes plus oppressantes encore. Or l’islam qui voile les femmes suscite au mieux de la gêne polie au pire de l’exclusion. On ne saurait donc encourager de telles pratiques.
Cet islam fondamentaliste est diffusé par un appareil intégriste et patriarcal international qui s’est beaucoup développé depuis la perte de crédibilité du socialisme autoritaire et dictatorial. Cet appareil intégriste pèse de tout son poids sur les jeunes filles pour assurer tôt leur soumission. Beaucoup de religions procèdent ainsi. Et les mères participent de la reproduction du système patriarcal. Ce qui ne rend nullement aisé la tâche des féministes de par le monde. En tout cas la gauche tiers-mondiste n’a pas à défendre cet islam-là pour lutter contre le néocolonialisme et l’impérialisme du Nord. Au contraire, le mouvement d’émancipation a pour racine le questionnement et la confrontation sur les pratiques religieuses et les mécanismes d’identification culturelle. Le propos vaut contre l’Occident comme contre l’Orient . L’émancipation passe par une mise à distance des mécanismes d’identification assignés très tôt par la tradition de la communauté d’appartenance.
– Au regard de ces développements, il faut défendre :
1 - la laïcité des institutions,
2 - la loi de mars 2004 contre les signes religieux ostensibles (et non pas les signes visibles mais discrets) à l’école, avec extension au personnel civil encadrant les sorties scolaires. Proposer son extension en Europe. Quid de l’université ?
3 - l’accès par concours à tous les résidents de longue durée à la fonction publique (les 3 FP) mais sans signes religieux ostensibles (principe de neutralité de l’auxiliaire jusqu’aux échelons de commandement).
4 - l’interdiction du voile couvrant tout le corps y compris le visage lors de présentation aux guichets des institutions publiques ou des entreprises privées. Proposition faite à Mr Gérin.
5 - le principe de libre accès aux soins par les femmes musulmanes sans autorisation du mari vérifiant la qualité du soignant.
6 - l’application des règles contre l’excision, le mariage forcé, le tabassage des femmes au foyer et le viol conjugal.
7 - l’extension de ces règles qui est demandée par les féministes. Il importe d’être plus offensif sur cette exigence.
8 - la possibilité de lieux de prière pour les musulmans afin de sortir de l’ "l’islam des caves". La question de "qui finance ?" reste problématique. Y contrôler l’emprise éventuelle des secteurs les plus radicaux n’est pas à exclure mais avec prudence.
Christian DELARUE CA ATTAC / BE MRAP
1) Islam light : un produit qui se vend bien Vincent Geisser
NB : Mon désaccord avec Vincent GEISSER ne signifie pas approbation des mesures politico-policières prise à son encontre.
2) La dynamique européenne à construire.
http://www.france.attac.org/spip.php?article9264