Savourons donc notre plaisir... Les trois formations « indépendantistes » obtiennent la majorité absolue : 70 sièges sur 135.
Mais l’avenir d’une « République catalane » sociale, progressiste, non inféodée à Bruxelles, n’est pas assuré pour autant. La stratégie du rejeton franquiste Rajoy tenait en quelques mots ? Jeter de l’huile sur le feu de la crise aiguisée par lui et « le système », depuis des mois, refuser tout dialogue, toute remise en cause d’une « transition » obsolète... afin de ramasser la mise politicienne. Son parti, le « parti populaire », vomi par les Catalans, arrive en dernier, tout à fait en queue. C’est que « Marianito », ce triste personnage, et ses acolytes, ont réprimé, sans aucune retenue, le référendum du premier octobre 2017, et la déclaration unilatérale le 27 octobre 2017, d’une brumeuse « République catalane »... cognant sur femmes, enfants, vieillards... Tout fait matraque ! Tous des « rouges » ! M. Rajoy a fait en réalité un coup d’État qui ne dit pas son nom, et mis la Catalogne sous tutelle de Madrid, humiliation suprême, jeté des dirigeants « indépendantistes », élus démocratiquement, en prison, condamner d’autres à l’exil. L’article 155 visait à installer en Catalogne une « dictature molle », à briser les résistances, à réinstaurer l’ordre ancien : répression d’Etat et misère sociale, violation des droits de l’homme, atteinte aux libertés de base... La droite ultra a voulu appliquer aux Catalans le bâillon et le corset d’un franquisme encore présent dans les réalités et les mémoires. On le sait : l’Espagne n’a pas réellement « défranquisé ». Le franquisme fut un régime parmi les plus sanglants de l’histoire contemporaine. L’article 155 ressemble comme goutte d’eau aux oukases franquistes.
En 2006, alors qu’un nouveau statut d’autonomie de la Catalogne, plus large, avait fait la quasi unanimité, « Marianito » l’héritier du franquisme, le fit annuler par une justice majoritairement dépendante, provoquant en Catalogne des réactions de colère populaire, de dignité, et une montée en flèche de la revendication « indépendantiste » (elle tournait à l’époque autour des 5% à peine). La majorité des « indépendantistes » associent désormais la revendication nationale à la souveraineté, au respect par Madrid des droits historiques des Catalans, au fait national, culturel, encore brimé. L’emprise mortelle du libéralisme, de Bruxelles, a exacerbé les exigences. La tentative de reprise en mains vient de connaître un échec cinglant. Le taux de participation aux urnes a atteint une record historique : plus de 82% de votants.
Dans les conditions fort difficiles du moment, avec un roitelet sorti de sa réserve, outrepassant son rôle de chef d’Etat « modérateur », avec un matraquage inouï des droites « unionistes », la victoire des « indépendantistes » n’en est que plus significative des attentes démocratiques et sociales des Catalans. Avec un président légitime, Carles Puigdemont (« Démocrates », PDeCAT), contraint à l’exil et un vice-président Oriols Junqueras, gauche républicaine de Catalogne, (ERC), embastillé à Madrid, le résultat des trois formations « indépendantistes » (ajoutons le bloc CUP-Junts per Catalunya), constitue bien une victoire populaire, même si elle n’est pas dénuée d’ambigüités et de contradictions de classe. Et même si la nouvelle droite (Ciudadanos) « Ciudadans », cache-sexe de l’autre, l’ancienne, issue du franquisme, a drainé ceux qui veulent le statu quo et ont peur..., la peur, un argument électoral facile.
Seule une réparation, seule une libération rapide et une amnistie de tous les détenus, les poursuivis, seule une issue politique négociée, seule « une Espagne (enfin) de toutes les Espagne », plurinationale, fédérale, seul un nouveau pacte fédéral, un processus constituant, pourront éviter la rupture définitive, si cela est encore possible.
Jean ORTIZ