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Didier Reynders : ce que tout parlementaire européen doit savoir sur sa pratique des droits de l’homme

La nomination de Didier Reynders en tant que commissaire européen à la Justice « avec pour mission les Droits fondamentaux et la défense de l’État de droit » est une gifle magistrale à toutes celles et tous ceux qui l’ont croisé sur le chemin de la défense des droits de l’homme en Belgique.

À l’annonce de sa nomination, Didier Reynders, dont le nom a été cité dans des affaires comme le Kazakhgate, la loi sur la transaction pénale, la gestion des fonds libyens et, tout récemment, le blanchissement d’argent et de corruption au Congo, a déclaré : « L’Union (européenne) n’est pas uniquement un grand marché : il faut une surveillance des droits fondamentaux et de la séparation des pouvoirs, comparable à celle déjà appliquée aux finances ». Commencer par aborder la question des droits de l’homme en prenant le libre marché et le monde financier comme référence en dit beaucoup sur Reynders. C’est ce monde qu’il connaît le mieux et les intérêts économiques et financiers ont toujours été sa première préoccupation. On pourrait déjà s’interroger : si les droits de l’homme en Europe seront surveillés comme le sont les multinationales et les banques, ça promet.

Dorénavant, Reynders se chargera d’un "rapport annuel objectif" sur ces questions, dans lequel la situation de chaque État membre devra être analysée « sur pied d’égalité et de manière impartiale ». Comme on le verra, là aussi, on ne peut qu’avoir des doutes sur « l’objectivité et l’impartialité » de monsieur Reynders dans l’évaluation des droits de l’homme. Lui qui n’a jamais voulu écouter les rapports des instances onusiennes ou des organisations comme la Ligue des droits humains ou Amnesty international, que ce soit dans le dossier d’Ali Aarrass, de Wafi Kajoua ou de Mustapha Awad.

Quelques faits sur Monsieur Reynders qui auraient leur place dans « un rapport objectif » sur les droits de l’homme en Belgique.

On sait que Didier Reynders s’est toujours montré un des plus fidèles soldats des États-Unis et de l’OTAN dans la Global War on Terror déclenchée par Georges Bush, en acceptant, avec son collègue à la Défense, quasiment toutes les demandes des États-Unis sur l’engagement militaire de la Belgique dans cette guerre. La défense de la paix et le refus de soutenir les guerres étasuniennes sans fin, comme la guerre en Afghanistan qui dure depuis 18 ans, ne font-ils pas partie des qualités nécessaires d’un commissaire européen à la justice et à la défense des droits de l’homme ?

On sait que Didier Reynders a refusé de confirmer le rapport de l’organisation interparlementaire des membres de l’OTAN du 16 avril 2019, qui confirmait la présence d’armes nucléaires en Belgique à la base de Kleine Brogel. À ce propos, un journaliste du Soir écrit : « Convoqué au Parlement, le ministre de la Défense s’en tient à la ligne en vigueur à l’Otan : ni confirmation, ni démenti sur la présence de bombes en Belgique. Pas question de dévoiler à l’ennemi le détail de la localisation de nos arsenaux ou leur fiche technique précise : telle est la position commune en vigueur à l’Otan – et il ne fallait pas compter sur Didier Reynders pour mettre cette ligne de conduite en péril ». Pour Didier Reynders, la question d’un stockage illégal et secret de missiles nucléaires sur le sol belge ne relève pas non plus des droits de l’homme.

Prenons encore la position de Didier Reynders sur l’extradition illégale de Nizar Trabelsi de la Belgique vers les États-Unis en octobre 2013. En tant que ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders a justifié cette extradition en pleine connaissance de cause de l’interdiction formelle de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) d’extrader Trabelsi. Le jour après l’extradition Reynders avait déclaré : « C’est une manière de gérer le terrorisme ensemble, avec les États-Unis... Je crois qu’il faut être très ferme dans ce domaine » . Par la suite, la Belgique a été condamnée par la Cour européenne pour, je cite, « violation de l’article 3 de la Convention européenne ». Celui-ci interdit aux États de soumettre un individu à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, traitements auxquels Nizar Trabelsi a effectivement été soumis depuis sa détention aux États-Unis.

Ou, encore, prenons sa position par rapport à la nouvelle loi belge du 16 juillet 2015 sur la déchéance de la nationalité des binationaux accusés de terrorisme. Rappelons que Didier Reynders était parmi les plus ardents défenseurs de cette loi. En France, une proposition de loi similaire, introduite sous la présidence de François Hollande, a dû être retirée, grâce à une opposition aussi bien parlementaire (la ministre Taubira a tout simplement démissionné) qu’extra-parlementaire. Ce ne fut pas le cas en Belgique. Concernant la déchéance de la nationalité pour terrorisme, Reynders faisait partie de l’aile dure au sein du gouvernement belge. Pas satisfait du fait que la loi de juillet fait sauter le verrou de 10 ans (auparavant, pour pouvoir déchoir une personne de sa nationalité belge, une infraction terroriste devait être commise dans les dix ans suivant l’acquisition de la nationalité) et de l’élargissement des infractions pouvant donner lieu à cette déchéance, Didier Reynders déclarait sur le plateau de l’émission "Mise au point" (RTBF) : « Il y a bel et bien au sein du gouvernement la volonté de retirer la nationalité belge à des personnes qui ont la double nationalité et qui seraient en Belgique depuis deux ou trois générations, la volonté est d’aller vers la deuxième ou la troisième génération parce que c’est là que la situation se pose » .

Sa vision sur les vrais Belges, les sous-Belges et les non-Belges ne date pas des attentats de Bruxelles en 2015. Pour lui, les immigrés et les binationaux sont et restent des étrangers, habitant en zone étrangère dans leur propre pays. Comme il l’a dit en mai 2012 dans un incident au Sénat en réaction à Philippe Moureaux, au lieu d’aller en visite en Afghanistan « J’aurais pu aller à Molenbeek (la commune bruxelloise avec la plus grande concentration de personnes issues de l’immigration ndlr)), cela aurait été plus près. C’était plus court pour me déplacer à l’étranger ».

Signalons aussi aux parlementaires européens qu’il y a toujours un procès en cours contre la discrimination des binationaux de la part de Didier Reynders devant la CEDH. Un procès instruit par Ali Aarrass, un citoyen belge ayant la double nationalité belgo-marocaine, détenu depuis 12 ans au Maroc. C’est autour de sa personne que la lutte contre le racisme systémique et pour l’égalité en Belgique s’est rassemblée.

Entre le 30 septembre et le 8 octobre prochain, Reynders sera-t-il auditionné par le Parlement européen sur l’affaire Ali Aarrass ?

Nous proposons aux membres du Parlement européen d’avoir le courage d’interroger Monsieur Reynders – « sur pied d’égalité et de manière impartiale » – sur l’affaire Ali Aarrass dans laquelle il a joué le rôle principal et dans laquelle il s‘est manifesté jusqu’à ce jour comme un opposant farouche à tout élargissement de la protection des citoyens contre la torture et autres traitements dégradants.

Pour clarifier notre position, voici une ligne de temps et des éléments clés pour comprendre ce dossier.

Pour rappel

Le Belgo-marocain Ali Aarrass a été arrêté par la police espagnole à Mellila, le 1er avril 2008, à la demande du Maroc qui sollicitait son arrestation et son extradition pour association terroriste. Après une enquête minutieuse du juge antiterroriste Garzon, l’Espagne a innocenté Ali en mars 2009 de toute implication dans une entreprise terroriste. Le 26 novembre 2010, le Comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies demande officiellement à l’Espagne de ne pas extrader Ali Aarrass vers le Maroc, en raison du risque sérieux qu’il y subisse de mauvais traitements. Le 14 décembre 2010, au moment où le conflit diplomatique et médiatique entre l’Espagne et le Maroc sur le Sahara occidental est à son comble, l’Espagne décide de ne pas respecter la demande du Comité des Droits de l’Homme et extrade Ali Aarrass vers le Maroc. Cette extradition au Maroc fut suivie d’un long silence d’un mois. Ali avait disparu. Il réapparaît le 18 janvier 2011, lorsqu’il est présenté au juge d’instruction, assisté de son avocat. Après dix jours de torture, Ali a paraphé un texte en arabe qu’il ne comprend pas et qui par la suite servira de confession. Ali décide de porter plainte du chef de torture, non seulement auprès du Parquet marocain mais également auprès du ministre de la Justice et du Conseil National des Droits de l’Homme au Maroc.

Une campagne pour les droits de l’homme qui pourrait réjouir tout commissaire à la justice, mais pas Reynders.

Dès son incarcération en Espagne en 2008, et puis au Maroc, Ali Aarrass n’a pas cessé de clamer son innocence. Il entame plusieurs grèves de la faim pour protester contre son incarcération, contre la demande d’extradition et contre ses conditions de détention et pour solliciter une protection par une visite consulaire de son pays, la Belgique. Dans une lettre ouverte datant du 10 août 2013, trente-quatre (34 !) parlementaires belges demandent à Didier Reynders d’intervenir et d’accorder une assistance consulaire belge urgente à Ali Aarrass. Ils écrivent : « Il est aujourd’hui établi que les aveux d’Ali Aarrass ont été obtenus sous la torture. En effet, en septembre dernier, le rapporteur spécial de l’ONU contre la torture, Juan Mendez, l’a rencontré en prison et l’a fait examiner par le médecin légiste qui l’accompagnait. Dans son rapport datant du 4 décembre 2012, Monsieur Juan Mendez fait état de traces physiques résultant d’actes de torture constatées sur le détenu (brûlures de cigarette, électrochocs aux testicules, coups assénés à la plante des pieds, etc.) ». Et ils concluent : « Nous, parlementaires belges, vous demandons solennellement d’activer enfin l’assistance consulaire dont Monsieur Aarrass n’a jamais pu bénéficier et à laquelle il a pourtant droit, au même titre que n’importe quel ressortissant belge en difficulté à l’étranger ».

Il n’y a pas que l’action parlementaire belge. Des interpellations et la déposition de motions sur le rôle du gouvernement belge, marocain et espagnol dans l’affaire d’Ali Aarrass ont lieu aussi bien au parlement belge – fédéral et régional bruxellois et wallon, qu’au parlement espagnol et britannique.

Une campagne internationale contre l’extradition d’Ali est mise sur pied en Belgique par la famille et le Comité Free Ali, en Espagne par Amnesty international, à Mellila par la famille et la Plataforma por Ali Aarrass, à Londres par les London Friends of Ali Aarrass, demandant à la Belgique d’intervenir pour protéger son ressortissant. Dans les années qui suivent, ils seront rejoints par la Ligue pour les droits humains, le MRAX, Al Karama, l’AMDH... Une équipe internationale d’avocats en Belgique (le bureau d’avocats Jus Cogens), en Espagne et au Maroc s’occupe de sa défense.

En mai 2014, Ali Aarrass accepte de devenir une des cinq personnes emblématiques de la campagne mondiale contre la torture d’Amnesty international. Pour appuyer ces demandes contre la torture d’Ali Aarrass, Amnesty apporte 216.450 signatures provenant de 120 pays au gouvernement marocain et une chaîne humaine est organisée en face du parlement marocain.

Les grands médias écrits et visuels commencent à s’intéresser à l’affaire Ali Aarrass, suite aux grèves de la faim de ce dernier, et suite aux nombreuses manifestations devant le ministère des Affaires étrangères à Bruxelles ou devant les ambassades du Maroc et l’Espagne à Bruxelles. Des artistes s’engagent dans la campagne par des chants, des vidéos, du théâtre comme le Chœur d’Ali Aarrass, qui se présente au Théâtre national, au cœur de Bruxelles. Sous le titre « Ali Aarrass, pour l’exemple » paraissent un DVD, une bande dessinée (qui gagne le prix de la meilleure BD de reportage 2019) et deux autres livres.

Un soutien de l’ONU pour Ali Aarrass, qui pourrait réjouir tout Commissaire à la Justice, mais pas Reynders

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En septembre 2013, le Comité de l’ONU contre la détention arbitraire, le même Comité qui demande aujourd’hui la fin de la détention de Julian Assange, demande la libération immédiate de cinq détenus marocains, dont Ali Aarrass. En mai 2014, un autre Comité de l’ONU, le Comité contre la torture, condamne le Maroc pour avoir violé la règle absolue de l’interdiction de la torture, pour ne pas avoir mené une enquête sérieuse sur sa torture et pour avoir condamné Ali Aarrass sur base de preuves tronquées. Le Comité exige une enquête impartiale et approfondie, incluant un examen médical conforme aux standards internationaux. En août 2014, le Comité des droits de l’homme des Nations unies condamne l’Espagne pour avoir extradé Ali Aarrass au Maroc alors qu’il existait un risque sérieux de torture, comme le même comité l’avait signalé en extrême urgence quatre ans auparavant. Le Comité impose à l’Espagne d’offrir une compensation adéquate à Ali Aarrass pour les souffrances encourues et d’assurer un suivi efficace quant au traitement d’Ali Aarrass.

En octobre 2015, le Comité Free Ali, la Ligue des Droits de l’Homme et le MRAX rendent publique une vidéo d’Ali Aarrass faite à la prison de Salé II. La vidéo a été réalisée suite aux maltraitances qu’Ali a subies après son témoignage à Juan Mendez en 2012. Elle constitue une preuve – cette fois visible , qui s’ajoute au dossier accablant sur ses tortures. Le 10 octobre 2016, les autorités pénitentiaires marocaines décident de transférer Ali de la prison de Salé II à la prison de Tiflet II où il sera enfermé en isolement total. Son isolement prolongé s’apparente pour Amnesty international « à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au titre des Règles Nelson Mandela ». Le Comité contre la Torture (CAT) de l’ONU, saisi par les avocats d’Ali, ordonne que « le régime pénitentiaire de Ali soit allégé et ses droits garantis ». Le Maroc ne réagit pas et maintient sa détention solitaire jusqu’à ce jour.

A l’incompréhension de tous, tout au long de ces dix ans, Monsieur Reynders refuse et refuse encore de lever le plus petit doigt pour protéger Ali Aarrass. Ni pour s’opposer à son extradition, ni pour empêcher sa torture, ni pour s’indigner sur sa torture, ni pour critiquer son procès inique, ni pour s’opposer à ses conditions de détention inhumaines, contraires aux Règles Nelson Mandela, qui définissent les conditions de détention à respecter par tous les États membres. Jamais il n’a fait une déclaration publique sur Ali Aarrass, comme il a l’habitude de le faire quand il s’agit de Belges en Iran ou au Nicaragua. L’argument avancé pour ce refus systématique ? Il n’y en a qu’un seul, répété par Reynders et ses services à chaque demande d’assistance : « Nous n’intervenons jamais pour un binational sur le territoire d’un pays dont il possède la nationalité... Ce principe est appliqué sans discrimination pour tous les détenus de double nationalité ». En vérité, les seuls principes qui empêchent une assistance belge sont les relations privilégiées économiques, politiques, judiciaires et sécuritaires entre le Maroc et la Belgique (et l’Europe en général).

Des jugements de la justice belge en faveur d’Ali Aarrass pourraient réjouir tout commissaire à la justice, mais pas Reynders.

Après six ans de demandes et d’actions, Ali Aarrass et ses avocats décident de s’adresser au tribunal pour briser cette discrimination et obliger la Belgique à assurer une protection consulaire à Ali Aarrass.

Le 3 février 2014, Ali Aarrass obtient une victoire historique devant le Tribunal de première instance de Bruxelles. Pour la première fois dans l’histoire judiciaire belge, un citoyen binational obtient d’un Tribunal l’ordre de le protéger hors de la Belgique. En s’appuyant sur l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, le tribunal déclare : « « La protection consulaire vise principalement à la protection des droits individuels à l’étranger. Elle doit être entendue comme un mécanisme visant à ce que les droits reconnus à un individu puissent être effectivement garantis (...) La protection consulaire est donc de nature à contribuer au respect des droits fondamentaux, comme celui garanti à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’homme (...) Un agent consulaire a le droit de communiquer avec son ressortissant mais ce droit peut se transformer en obligation, en vertu de l’article 1er de la Convention européenne des Droits de l’homme, si une violation à ladite Convention est alléguée et portée à la connaissance de cet Etat (...).

Mais, Monsieur Reynders ne désarme pas et décide de faire appel de ce jugement. À une interpellation parlementaire de Zoé Genot, le 11 mars 2014, demandant pourquoi aucun suivi n’a été donné au jugement, Reynders répond : « Pour ce qui est de l’ordonnance du tribunal de première instance de Bruxelles, outre le fait que nous avons interjeté appel car nous ne partageons pas du tout l’analyse sur deux points de droit, cette ordonnance stipule que M. Ali Aarrass doit pouvoir, s’il en fait la demande, communiquer avec le consul belge sur place. Instruction a été donnée à notre ambassade à Rabat de mettre M. Aarrass en mesure de communiquer avec l’ambassade. En fonction de ses doléances, il sera examiné avec quelle fréquence cette communication devra avoir lieu ».

Contrainte par le tribunal, la Belgique demande l’autorisation d’une assistance consulaire au Maroc le 4 mars 2014. Tout en mentionnant dans sa demande que la Belgique a été forcée par un tribunal de le faire et que de nouvelles démarches judiciaires suivront !

En réalité, Reynders attend que la Cour d’appel annule le premier jugement. Ce que la Cour d’appel ne fera pas ! Au contraire, en septembre 2014, la Cour d’appel non seulement confirme le premier jugement, mais elle durcit le ton : elle ordonne la Belgique à « requérir de l’État du Maroc de permettre aux autorités consulaires au Maroc de rendre hebdomadairement visite à Ali Aarrass pendant une période de six mois », et à payer « une astreinte de 100 euros par jour de retard si elle n’adresse pas cette demande dans le mois de la signification de l’arrêt », si elle ne réagit pas à l’urgence signalée par la Cour de Bruxelles. Pour la Cour, « des indications sérieuses tendent à démontrer que l’intimé (Ali Aarrass) a subi des traitements inhumains et dégradants dans les prisons marocaines afin de lui arracher des aveux. » La Cour critique « le silence persistant conservé par les autorités marocaines aux demandes d’information », « la manière dont elles tendent à minimiser les plaintes de l’intimé ». Pour la Cour, il y a urgence : « Ali Aarrass subit encore à ce jour des atteintes graves à son intégrité physique et à son intégrité morale... ».

Après cette deuxième défaite, Didier Reynders se pourvoit en cassation. Ce qu’il obtient finalement, non pas sur le fond, mais sur des aspects formels, le 29 septembre 2017 : la Cour de Cassation en Belgique casse les arrêts en faveur d’Ali Aarrass de 2014.

Entretemps, le Maroc a eu le temps d’observer tranquillement cette saga judiciaire en Belgique et se range bien évidement du côté de Reynders : le Maroc répond froidement en 2016 (deux ans après la demande belge !) qu’il n’y aura pas d’autorisation pour une visite consulaire à Ali Aarrass, ni d’autorisation pour une assistance humanitaire belge. La Belgique n’élève même pas la voix.
Sur ce, Ali Aarrass et ses avocats saisissent la Cour européenne des droits de l’homme pour violation des articles 1er et 3 de la Convention.

Mais ce n’est pas fini. Non satisfait de sa victoire devant la Cour de cassation, Reynders décide de faire bétonner la non-protection des binationaux dans une loi, ce qui débarrasserait définitivement la Belgique d’une campagne comme celle d‘Ali Aarrass.

En 2018, pour couper court au combat d’Ali pour obtenir la protection de la Belgique et pour les droits égaux des binationaux, la Belgique fait inscrire la non-protection des citoyens binationaux dans une nouvelle loi. Sur proposition des ministres Reynders et Geens, le 9 mai 2018, une nouvelle loi modifiant la protection consulaire enlève, par la loi (!), toute protection consulaire belge aux citoyens belges ayant une double nationalité, une fois qu’ils se trouvent dans le pays de leur deuxième nationalité. Le nouvel article 11 du code consulaire dit ceci : « Il est inséré un article 79 : Ne peuvent prétendre à l’assistance consulaire les Belges qui possèdent aussi la nationalité de l’État dans lequel l’assistance consulaire est demandée, lorsque le consentement des autorités locales est requis ».

Ali Aarrass et ses avocats décident alors de saisir la Cour constitutionnelle de cette question, en espérant que cette dernière sanctionnera ce racisme d’État.

La cerise sur le gâteau arrive en août 2019, où une proposition de loi de Reynders est divulguée dans la presse. Cette proposition de loi prévoit « un emprisonnement d’un mois à trois ans et une amende de cent à cinq mille euros à l’encontre des personnes qui divulguent une information classifiée et "qui savent ou devraient savoir qu’une divulgation est susceptible de porter atteinte" notamment à la défense de l’intégrité du territoire national, à la sûreté de l’État ou à "tout autre intérêt fondamental de l’État » . Tout est dit. En pleine campagne contre l’extradition de Julian Assange, Reynders a à nouveau choisi son camp.

Monsieur Reynders a peut-être sa place en tant que commissaire européen pour les banques et les multinationales mais pas comme commissaire à la justice et pour protéger des droits de l’homme. La justice et les droits de l’homme constitueront un enjeu capital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’est pas dans les mains de Reynders qu’ils seront garantis.

»» https://lukvervaet.blogspot.com/2019/09/didier-reynders-ce-que-tout.html
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Je n’ai aucune idée à quoi pourrait ressembler une information de masse et de qualité, plus ou moins objective, plus ou moins professionnelle, plus ou moins intelligente. Je n’en ai jamais connue, sinon à de très faibles doses. D’ailleurs, je pense que nous en avons tellement perdu l’habitude que nous réagirions comme un aveugle qui retrouverait soudainement la vue : notre premier réflexe serait probablement de fermer les yeux de douleur, tant cela nous paraîtrait insupportable.

Viktor Dedaj

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