L’Europe, et plus largement le "monde occidental", fait face à sa plus grave crise depuis l’après-guerre. Définie originellement comme une crise économique (du fait de la stagnation de taux de croissance de production qui ont été transitoirement très élevés), il devient peu à peu évident pour tous que sa nature est socio-politique (distribution des richesses, conception utilitariste de l’économie politique, faillite de la méritocratie, désolidarisation des groupes privilégiés,...). Quoi qu’il en soit, les politiques de santé publique s’en ressentent profondément et, déjà, certains pays européens voient leur espérance de vie reculer du fait d’adaptations répondant uniquement à des préoccupations comptables. Il est urgent que le citoyen se saisisse de cette question et des instruments nécessaires pour y répondre.
La "crise économique", l’évolution sociale et l’explosion des "coûts" de santé
Les budgets alloués à la santé dans nos sociétés ne cessent de croître malgré les stratégies aléatoires de nos dirigeants tentant de les limiter. En 2011, elles s’élevaient à un total de 25,6 milliards d’euros pour la Belgique (INAMI : 15, Patients : 4,5, MSP : 1,273, Fédéral et Régional : 4,5). Différents facteurs entrent en ligne de compte.
L’évolution démographique
L’aboutissement du "baby-boom" d’après-guerre et l’amélioration de l’espérance de vie a profondément transformé la structure des âges de nos sociétés. Or, l’index de consommation médicale des 65 ans et plus est 2 x plus élevé que celui des 40-64 ans (lui-même deux fois plus élevé que celui des moins de 40 ans)... particulièrement en ce qui concerne la consommation de médicaments. Ainsi, les > 65 ans représentent 15% de la population mais 40% des montants des consommations pharmaceutiques. La perte des structures familiales concomitante rendant les individus plus dépendants de la société.
Les aspects économiques
La Belgique, tout comme le reste de l’Europe, connaît sa récession la plus dure depuis la seconde guerre mondiale entraînant une diminution des recettes, des limitations budgétaires, une politique de rustines. En parallèle, la santé de la population précarisée tend à se dégrader.
Les aspects socio-culturels
Tant la prospérité, réelle ou fantasmée, de l’après-guerre que la stagnation économique des deux dernières décennies ont profondément transformé les consciences et pratiques individuelles. Ainsi, les espoirs et exigences des patients envers la médecine sont de plus en plus élevés, souvent irrationnels... les patients attendant une obligation de résultats (or celle-ci n’existe pas légalement, le médecin n’étant tenu qu’à une "obligation de moyens", elle-même relative). Dans le contexte d’un chômage de masse et d’un accroissement des inégalités de richesses, la maladie devient également un véritable statut social, une source de revenus et une explication à un mal-être psycho-social. Les médecins n’y étant pas préparés, ceci aboutit à une multiplication d’examens complémentaires revenant négatifs ou dont la positivité est difficile à interpréter.
Par ailleurs, le développement de sous-groupes fragilisés (sans emplois, isolement social, grande pauvreté, immigrants, toxicomanes,...) entraîne de façon mécanique une majoration des coûts pour la collectivité (prévalence plus forte des facteurs de risque sanitaires, inaccessibilité aux stratégies de prévention, suivi erratique, prise en charge tardive).
Divers phénomènes concourent également à mettre le médecin en difficulté dans sa pratique : influence des médias sur les attentes et exigences en augmentation, accroissement de la technicité et de l’hyperspécialisation, émergence d’une concurrence des médecines parallèles, incompréhension du public face au nouveaux impératifs du fait de l’historicité du système de sécurité sociale, formation médico-technique du médecin occidental peu à même de répondre aux problématiques psycho-somatiques, émergence de contrôles du choix diagnostique et thérapeutique des praticiens par le politique et/ ou les firmes privées.
Les aspects politiques
Divers phénomènes poussent nos dirigeants à des décisions dommageables en matière de santé publique : dettes nationales, tendances nationalistes et régionalistes centrifuges, éclatement progressif des compétences relatives à la santé, responsabilisation financière et pouvoir accru des mutuelles, tendance générale à la désolidarisation dans tous les secteurs. En parallèle, les Etats sont aujourd’hui victimes des limitations des moyens d’actions qu’ils se sont eux-mêmes imposé. Les critères de Maastricht limitent ainsi les possibilités d’intervention de l’Etat en matière de soins sous peine de lourdes sanctions financières.
Le développement technologique
Face à l’augmentation des coûts de recherche et développement ainsi que d’investissement et de fonctionnement des moyens diagnostiques et thérapeutiques, le médecin est sommé aujourd’hui de prendre en compte non seulement l’intérêt (diagnostique et thérapeutique) du patient et les intérêts en matière de santé publique mais également les nouveaux impératifs économiques (intérêt de la collectivité). Faute de responsabilité collective en la matière (il est politiquement inimaginable d’exposer cette réalité à la population), il n’existe pas encore de consensus quant aux critères de bonne pratique clinique dans cette nouvelle réalité.
Santé publique et théories de la justice
Dans la droite ligne du contrat social de Rousseau, l’égalité de droits est devenue un des fondements proclamés de nos sociétés. Une telle égalité est-elle juste ? Non, car nous ne sommes pas tous égaux (caractéristiques intrinsèques et sociales) et notre liberté est limitée (déterminisme génétique et social), nous confrontant à des problèmes différents et des ressources différentes pour y faire face. De ce fait a peu à peu émergé le concept d’équité ou "égalité proportionnelle".
Conception libérale de la justice
La justice est ici définie comme une égalité formelle des droits, l’allocation optimale des biens étant réalisée par le marché. Le libre jeu de l’offre et la demande incite les partenaires, qui poursuivent chacun leur intérêt personnel, à adopter à leur insu un comportement qui tend à maximiser le bien-être général. Chacun choisit librement la hiérarchie de ses besoins et l’Etat n’a pas obligation de fournir des soins ou une assurance maladie. Il ne lui incombent que les programmes de santé publique, l’hygiène et la sécurité du travail. Chacun achète des soins en fonction de l’importance relative qu’il attache à la santé. C’est la base du système américain.
Cependant, l’information n’est pas distribuée équitablement entre les patients (qui tendent à une surconsommation de soins), les assureurs (qui tendent à choisir les patients à faible risque) et les médecins (qui tendent à une surproduction de soins). L’allocation des ressources n’est donc pas optimale. En outre, même si les différences de santé à la naissance ne résultent pas d’un processus humain injuste, ces différences peuvent heurter notre sens de la justice. De plus la liberté d’un malade est limitée : il est contraint de facto de se soigner pour recouvrer sa liberté. Enfin, les moyens à la naissance (financiers et culturels) des patients conditionnant l’évolution de leur santé et leur gestion relèvent par contre de processus humains injustes.
L’application de cette conception de la justice (égalité formelle des droits) est donc, du fait d’inégalités de naissances diverses, génératrice d’un renforcement des inégalités de fait.
Conceptions égalitaristes de la justice : le besoin
"A besoin égal, soins égaux". Cette idée résulte de l’influence du socialisme et de la démocratie chrétienne. La santé devient un droit fondamental et les soins ne relèvent pas du marché mais de la collectivité et de la solidarité. C’est la base des systèmes bismarckiens (assurance sociale, égalitarisme progressif = libéralisme redistributif) et beveridgien (solidarité nationale, égalitarisme comme fondement originaire = égalitarisme volontariste).
Le "libéralisme redistributif" a pour base une cotisation des travailleurs et de leurs employeurs pour une assurance contre des risques également partagés. Cette assurance peut être rendue obligatoire et être étendue aux ayant-droit des travailleurs. Les cotisations peuvent être égales ou proportionnelles aux salaires. Le système peut également être étendu aux non-travailleurs (universalisation).
"L’égalitarisme volontariste" est basé sur l’attachement des droits sociaux à la citoyenneté. Le financement est assuré par l’impôt et des prestations égales pour tous sont accordées par système de santé national gratuit géré par le gouvernement. Le critère n’est plus ici le besoin mais la maximalisation du bien-être collectif. Cela relève d’une conception utilitariste : une action est bonne si elle conduit au bonheur du plus grand nombre. Le problème de cette conception est que, menée à son terme, elle conduit à des sacrifices.
L’équité en lieu et place de l’égalité comme fondement de la justice
L’idée selon laquelle la répartition des ressources au sein de la société conditionne le devenir social individuel est ancienne. En proclamant l’égalité de droits, la Révolution Française prétendait y remédier. Face au constat que cette égalité de droits n’a pas empêché les inégalités sociales d’augmenter à l’occasion de la révolution industrielle et suite à la critique marxiste, le concept d’équité, sous diverses formes, s’est partiellement imposé comme condition de l’égalité. Plus récemment, Rawls a proposé une Théorie de la Justice centrée autour de l’équité et de l’utilité commune, aboutissant au rejet de toute conception utilitariste de la liberté et de la justice (pour Rawls, toute inégalité ne se justifie que lorsqu’elle se réalise au bénéfice des plus faibles, à qui doivent être alloués en priorité les biens premiers).
Dans nos sociétés, cela s’est traduit par la création d’importants systèmes d’imposition progressive et la mise en place d’un "Etat-providence". Nos social-démocraties ont ainsi mis en avant un idéal redistributif en parallèle d’un idéal méritocratique, axé sur les études et le travail, également hérité de la Révolution Française. Triomphant dans l’après-guerre, ce système est actuellement en faillite. Le système redistributif ne concernant plus, ou très peu, les classes supérieures s’avère incapable de financer l’Etat providence et de prévenir une nouvelle croissance sans précédent depuis le XIXème siècle des écarts de richesses. L’idéal méritocratique est quant à lui miné par une dévalorisation phénoménale des revenus du travail par rapport à l’importance des patrimoines et de leurs revenus.
L’échec adaptatif des modèles de soins
Oscillant généralement entre des modèles privés (assurances individuelles), bismarckien (assurances collectives financées par les travailleurs et le patronat) et beveridgien (assurances collectives financées par l’Etat), les pays occidentaux, confrontés au contexte exposé ci-dessus (désolidarisation, dette publique, politiques austéritaires, augmentation de la demande de soins,...), ont tenté diverses adaptations, toutes actuellement en échec.
La désolidarisation et la commercialisation des soins ou le modèle USA
Aux Etat-Unis, ce sont développées comme modèle principal des assurances privées. Certains distributeurs de médicaments deviennent assureurs et orientent impérativement les choix thérapeutiques des médecins selon des données purement économiques. Certains producteurs de médicamenst achètent ces distributeurs. et des assureurs négocient avec les employeurs des primes très basses via des "discounts" de l’industrie, des médecins et des hôpitaux. Quant au pharmacien... il est tout bonnement remplacé par la poste.
Ce modèle associe "managed care" (système de gestion rigoureuse de la délivrance des soins dans le but premier de réduire leurs coûts) où seuls certains soins et pathologies sont couverts, "Health Maintenance Organizations" (HMO, type de managed care consistant en l’offre d’une couverture par une compagnie d’assurance en échange d’un forfait annue) où l’assuré n’a ni le choix de son médecin ni celui des possibilités diagnostiques et thérapeutiques généralement dictées par l’employeur de l’assuré et "Pharmaceutical Benefit Management" (grossistes en médicaments négociant les "discounts" avec les firmes pharmaceutiques) qui fournissent les HMO et indiquent les choix pharmaceutiques à faire selon des impératifs comptables.
Cependant, mêmes aux Etats-Unis, existent certains garde-fous : medic aid (accès sous condition [certains médicaments et soins étant exclus] pour les indigents à un réseau d’hôpitaux publics) et medic care (remboursement sous conditions pour les > 65 ans à bas revenu).
Face au constat d’échec de leur système en matière de santé publique, un élargissement de la couverture et des compétences du medic aid a été effectué en 2014 sous la présidence Obama.
La "couverture minimale" ou l’interlude finlandais
Ce modèle assurant une couverture publique minimale (quasi exclusivement pour les pathologies lourdes) au côté d’assurances complémentaires privées a été essayé en Finlande. Il a été abandonné après quelques années au profit d’un retour à un système mixte au vu des conséquences catastrophiques tant sanitaires que budgétaires (baisse initiale des dépenses suivie d’une augmentation de l’incidence des complications et pathologies lourdes entraînant une augmentation vertigineuse des frais d’hospitalisation).
La politisation des soins ("l’étatisation") ou le modèle britannique
Dans les années ’80, la Grande-Bretagne a créé un véritable secteur public de la santé (centralisation des procédures et décisions, financement du système par l’impôt). Ce modèle beveridgien a certes aboutit à un système de santé de qualité et accessible financièrement mais également à des listes d’attente impressionnantes dans de nombreuses spécialités faute d’investissements suffisants. On assiste de fait à une reprivatisation (recours à des assurances complémentaires privées par les patients pour avoir recours à la médecine privée).
La limitation des prestataires ou le modèle belge et français
La Belgique dispose d’un modèle mixte bismarckien et beveridgien complexe consistant en des conventions annuelles conclues entre le pouvoir politique et les prestataires de soins. Il s’est avéré efficace et avantageux pour les patients mais fait tout aussi incapable que les autres de faire face aux problématiques actuelles. Pour ce faire, le gouvernement belge a, comme d’autres (France,...), procédé à une limitation du nombre de prestataires (réduction du nombre d’agréations délivrées par le ministère de la santé), postulant qu’une diminution de l’offre aboutirait à une diminution des coûts. Cette politique, toujours en cours, a échoué : le coût global de la santé continue à croître en parallèle à l’augmentation de la demande, la qualité des soins assurée est en diminution, l’accès à certaines spécialités devient tributaire d’importantes listes d’attentes,...
Pour une socialisation scientifique des soins de santé
Il serait irresponsable de continuer à mener une politique de "rustines" dans l’attente d’une hypothétique reprise de la "croissance". Elaborer de nouvelles stratégies en matière de santé publique concerne tant le monde médical que le citoyen. Il s’agit pour la société de prendre conscience d’une réalité admise depuis longtemps par les médecins : une politique de santé suppose de mener de front une réflexion quant aux pratiques médicales, aux évolutions socio-culturelles et aux évolutions socio-économiques.
Elaboration d’une politique globale en matière de pratiques médicales
Les évolutions décrites préalablement imposent une adaptation des pratiques des médecins au monde dans lequel ils évoluent. Les solutions sont connues, seule manque la volonté politique : définition des intérêts individuels, de groupes (en particulier concernant les patients âgés dont le nombre devient vertigineux et pour lesquels l’Evidence Based Medicine est malheureusement presqu’inexistante) et de la collectivité ; gestion globale de la maladie et de sa prévention ; établir une politique équitable (privilégier l’allocation de ressources médicales envers des publics à risque pré-déterminés, privilégier l’allocation de ressources financières aux institutions de soins confrontées à ces publics, ouverture d’un débat public sur l’allocation des ressources médicales en fonction de l’âge et du degré de dépendance des patients) ; définir les rôles des différents intervenants et favoriser leur collaboration ; transformer les patients en acteurs de la gestion de leur santé et développer leur éducation à ces problématiques ; donner priorité à la prévention par rapport au curatif ; généralisation de l’Evidence Based Médicine ; établir des index d’efficience ; optimiser les politiques de recherche scientifique ; abondon des politiques de restriction d’accès à la pratique médicale autre que le diplôme et la compétence ;...
Il ne s’agit pas d’adopter un managed care (dont le but premier est de réduire les coûts) ni un disease management programme (dont le but est, en se centrant sur une pathologie, d’ouvrir des marchés spécifiques aux fournisseurs) mais d’obtenir de meilleurs résultats pour les patients à un coût moindre pour les payeurs. De donner véritablement un sens au concept d’efficience si souvent loué mais toujours confondu avec celui de rentabiltié. Pour ce faire, un véritable dialogue entre les praticiens et le législateur doit s’établir. Cela ne pourra passer que par une réforme des Ordres médicaux et autres syndicats corporatistes sclérosés qui ne représentent plus depuis longtemps ni les intérêts ni les réalités vécues par leurs membres.
Au delà de la médecine
A bien des égards, les problématiques déterminant le niveau de santé global et la consommation des soins sont pourtant ailleurs...
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a de longue date établi que le premier déterminant de la santé globale d’une population est la répartition des richesses au sein de cette population (bien plus que le niveau moyen ou même médian de richesse) : plus les disparités en la matière sont réduites, plus le niveau global de santé de la population tend à augmenter. La politique socio-économique apparaît donc primordiale en matière de santé publique et tend actuellement dans nos pays à détériorer le niveau global de santé. Il revient au pouvoir politique de prendre acte de son échec et de développer une politique alternative. Cela ne peut passer que par une réforme fiscale, une distribution plus équitable du travail et une revalorisation des revenus de ce dernier.
De même, il est urgent d’inclure des problématiques touchant au droit du travail et à la fiscalité dans notre réflexion. Il faut le dire avec force : oui, la qualité des soins est mise en danger par les horaires imposés aux médecins candidats spécialistes assurant les urgences et la prise en charge des hospitalisations. On ne peut prester plus de cent heures de travail par semaine dont plusieurs gardes de vingt-quatre heures d’affilée pour un revenu horaire avoisinant les 5 euros et en sortir indemne. D’autant plus que la charge de travail horaire individuelle a cru de façon exponentielle ces dernières décennies. Le résultat est là : une agressivité de plus en plus palpable à l’égard des patients, un taux de suicide plus important que dans la population générale, une multiplication des erreurs et fautes médicales. Ces conditions de travail dignes du XIXème siècle et imposées en toute illégalité sont l’héritage du conservatisme de la profession, du mythe du médecin "superman" et d’un pouvoir politique se réduisant à un comptable. Elles n’ont plus de justification. Y mettre un terme aura bien sûr un coût. Mais on ne peut en faire l’économie.
Ceci nous amène à la question du financement du secteur de la santé et donc, si on veut éviter sa commercialisation, de la politique fiscale. Nos gouvernements doivent intégrer le fait qu’un service public ne peut être "rentable" si on veut maintenir son accessibilité. Cela est d’autant plus vrai pour la médecine qui utilise un personnel et des moyens techniques hautement spécialisés et/ ou onéreux. Nos pays, drainant une richesse sans équivalent dans notre histoire, en ont amplement les moyens. Ou plutôt les auraient si les 10% de la population monopolisant 50% de nos richesses nationales s’acquittaient de leur dû fiscal. Tant les études universitaires que les récents scandales relatifs aux paradis fiscaux nous l’ont démontré : la fraude est devenue banale pour cette classe sociale, nos gouvernements n’ont pas la volonté de s’y attaquer et les sanctions judiciaires pour les rares fraudeurs condamnés sont ridicules. Ceci est d’autant plus inacceptable que cette classe est celle qui consomme le plus les services financés essentiellement par les classes moyennes et populaires.
Par ailleurs, la gestion de la vieillesse, de la dépendance et de la fin de vie mobilise une part sans cesse croissante des moyens médicaux et des budgets de santé. Il en est de même de la gestion de problèmes sociaux (grande pauvreté, sans-abris, maltraitance, toxicomanies), parfois en dehors de toute dimension médicale. A nouveau, ces problématiques ne peuvent être résolues par les seuls médecins et nécessitent une réflexion politique quant à l’accompagnement des personnes âgées et la politique socio-économique.
De même, la surconsommation médicale à laquelle les médecins font face, et donc la diminution de prévalence des maladies au sein des patients, leur pose de graves problèmes éthiques, surcharge les services d’urgence et entraîne des adaptations de pratique anarchiques. Intégrer l’éducation à la santé au cadre scolaire et trouver des moyens de replacer le médecin généraliste au centre du dispositif médical apparaît plus que jamais nécessaire.
Enfin, de façon plus marginale, l’éclatement des compétences touchant à la santé entre pouvoirs fédéral, régionaux et communautaires génère inutilement des coûts, une multiplication des intervenants, une complexité qui n’a pu être abordée ici et une instabilité (comment agir avec cohérence et efficacité au rythme des réformes de l’Etat ?). Il est plus que temps que le pouvoir politique s’accorde sur une formule institutionnelle durable, quelle qu’elle soit.
Les politiques de santé publique sont vouées à l’échec tant qu’elles n’intégreront pas ces problématiques au premier rang de leurs actions.