Ok, admettons, ça fait chier un tas de monde de voir débouler sur les plages des femmes habillées de pied en cap. Et ça glose sur ce sujet, et ça pond des arrêtés, et ça donne son avis à tous les coins de rue et de micro... Ben voyons ! C’est sûr que c’est plus agréable à l’oeil de voir des femmes à poil se dorer la pilule, soumises qu’elles sont à un autre diktat : celui du bronzage intégral, incessamment rabâché à chaque veille de l’été par des magazines qui appartiennent tous à qui-vous-savez et qui font marché le business de la crème solaire. A ce propos, nos concitoyennes musulmanes n’en choperont pas un mélanome, elles.
Bon, c’est évident que tout signe d’obscurantisme est ennuyeux à constater. Mais y a-t-il quelque chose de plus risible que cette montée en épingle d’un truc aussi futile, fut-il partie d’un tout plus inquiétant. Ces femmes sont aussi des mamans, et donc parce que leur tenue ne convient pas à nos mirettes de laïcs, on leur interdit un des seuls plaisirs qui reste dans cette société de merde : celui de se tremper les pieds dans l’eau et de regarder nos enfants se fendre la poire et apprendre à nager... Non, à Nice et dans d’autres villes de ce sud-est au ciel de plus en plus brun, on le leur interdit, tout bonnement. Sauf à s’habiller en jean Levi’s, et en t-shirt Adidas. Le culte des marques étant plus acceptable que la pudeur musulmane. Que leur reste-t-il alors ? Rentrer chez elle et regarder la télé ? Ou pire encore, se gaver de propagande à deux balles.
Alors oui, on peut être horrifié par un maillot de bain intégral, c’est toujours plus communicatif que d’être accablé par les morts d’une guerre lointaine, à moins qu’ils viennent crever sur nos plages. Toujours est-il que le fond du problème est loin d’être là, je dirais même qu’une fois encore le monde politico-médiatique et le gigantesque troupeau de veaux qui communie à 13 et 20 heures devant ce tas de fumier qu’est la téloche, ont tout faux. Mais comme les premiers ont fait de hautes études, on se doute bien que c’est calculé. Oui, les veaux, tout faux. La question qu’on devrait se poser, tout en connaissant la réponse, c’est celle qui chercherait la raison pour laquelle une frange de la population se retourne vers l’obscurantisme de la religion, fut-elle l’Islam ou une autre. Or, il ne devrait pas être difficile de trouver écrit quelque part que plus une société est dure, que plus celle-ci ôte des droits à ses citoyens, que plus elle les persécute et les marginalise, plus certains se tourneront vers un espoir, une promesse illusoire, mais la dernière qu’ils croient pouvoir intérieurement et librement avoir, celle de se remettre à croire en un dieu qui lui, au-moins, fournit des règles simples à suivre et jure le bonheur éternel, seulement, après la mort, pas dans cette vie qui pour beaucoup est un quotidien de galérien et de galeux. C’est vrai que les musulmans n’ont pas fait ce travail de modernisation du Coran pour en modérer les propos ou les rendre moins propices à une multitude d’interprétations, de la plus pacifique à la plus meurtrière, mais ils n’en ont pas eu le loisir, vidés de leur substance par des siècles d’oppression, de rejet, de colonisation dans leurs pays, d’exploitation, de mépris et de racisme dans les pays qui les ont appelés ou accueillis, au mépris même de la richesse faramineuse de leur culture et de ce qu’elle a apporté à l’Occident, et en niant, en effaçant même le moindre fait historique qui puisse la mettre en lumière ou éclaircir le mal que nos pays leur ont fait par le passé.
Alors, moi, je suis prêt à accepter qu’une femme aille se baigner en se couvrant une partie du corps si sa religion le lui demande, si seulement on pouvait lui rendre sa dignité de citoyenne en améliorant son quotidien de femme et de mère de famille, pour qu’elle n’ait plus à subir les nombreuses humiliations venant d’autres citoyens qui se croient de souche. Je suis sûr que si elle se sentait admis dans une société qui la respecte, elle et sa culture, qui respecte ses ancêtres pour ce qu’ils ont aussi fait pour la France, qu’on offre à ses enfants les mêmes chances de réussite et d’emploi que les autres, alors peut-être bien qu’un jour elle finirait par oublier de se couvrir pour sortir, que son mari n’y penserait même plus parce qu’il serait heureux et fier d’être français. Ce serait bien plus efficace que leurs arrêtés minables et leurs prétendues indignations, toujours à géométrie variable.
Mais ils ont besoin de haine, les cons, et ils l’obtiennent.