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Corona virus : les écoles,les cafés,les restaurants ferment... Et les prisons ?

Belgique. Le 12 mars, la presse nous apprend qu’au palais de justice de Mons, la présidente de la cour d'assises a été contaminée par le coronavirus et qu’une cour d’assises sera reportée. L’avocate Nathalie Gallant déclarait à ce propos : « Des mesures doivent être prises, Il en va de la santé de tous, tant des clients que des avocats. Il ne faudrait vraiment pas qu’un détenu qui se présente à une audience risque de contaminer tous les autres en prison ». Depuis, confirmé par l’administration pénitentiaire, un cas de coronavirus a été avéré à la prison de Mons. Le lendemain, la majorité du personnel pénitentiaire de la prison de Saint-Gilles est absente ! Avec comme conséquence que toutes les visites et toutes les activités sont annulées. Se dirige-t-on vers des situations à l’italienne ?

La prison face à quatre défis majeurs

Il ne faut pas être virologue pour comprendre que le monde carcéral, institution de confinement total par définition, est des plus vulnérables face aux virus et aux épidémies. Ce qui cause des ravages à l’intérieur des prisons et constitue une menace pour la société dans son ensemble.

Le problème est multiple.

Il y a le lieu confiné qui provoque la propagation des maladies. Il y a la concentration de personnes malades. Il y a le manque de soins à tous les niveaux. Il y a la surpopulation. Selon les derniers chiffres de 2019, les 36 prisons du pays comptent ensemble 1.862 détenus en trop, compte tenu de leur capacité.

La prison, une concentration de maladies

Déjà en novembre 2013 se tenaient au parlement belge les États généraux sur la prison, à l’initiative du Conseil central de Surveillance pénitentiaire. Le professeur Cosyns, de l’Universitair Forensisch Centrum Antwerpen, y tenait un exposé sur les soins de santé au sein des prisons belges. Il nous informait du fait que "le taux de tuberculose dans les prisons est seize fois supérieur au taux dans le pays ; celui du sida cinq fois, de l’hépatite C sept fois, des psychoses cinq fois, de suicide six fois, de problème d’alcoolisme ou autres drogues sept fois, de l’expérience de consommation de l’héroïne cinquante-quatre fois".

Depuis, les problèmes n’ont fait qu’empirer, aggravés par la surpopulation et les économies au niveau des soins.

Cinq ans plus tard, le journal De Tijd (3 mai 2018) titre : « Les médecins dans les prisons constatent la propagation des maladies contagieuses dans les prisons, comme la tuberculose, l’hépatite B et C, la gale et le VIH ». Selon le syndicat ACV, ajoute le journal, les économies au niveau des moyens pour assurer l’hygiène sont en cause.

La prison, des épidémies en chaine

Les prisonniers et leurs familles ont déjà fait l’expérience des mesures de confinement et d’isolement drastiques auxquelles toute la société est brusquement soumise aujourd’hui.

Prenons quelques exemples récents.

En juin 2017, découverte de la rougeole à la prison de Gand, suivie d’interdiction de visites, de nouvelles entrées de détenus dans la prison et de l’arrêt des transports vers les tribunaux.

En avril 2019, la prison de Mons est frappée par ce que les autorités pénitentiaires et les syndicats appellent « une catastrophe » : une épidémie de punaises de lit, qui pourrait même se répandre en dehors de ses murs avec des conséquences pour la salubrité publique.

Fin mai 2019, épidémie de rougeole à la prison de Lantin, suivie par une mise en isolement des 1000 détenus dans leurs cellules pendant des semaines, pas de transferts, pas de visites autorisées pour les familles des détenus.

En juillet 2019, c’était au tour de la prison de femmes de Berkendael à être frappée par le fléau des punaises de lit. Avec comme conséquence un verrouillage complet de la prison pendant près d’un mois : pas de visites, pas d’activités, pas de téléphone, pas de services extérieurs...

En septembre 2019, une douzaine de cas de gale sont constatés à la prison d’Arlon.

Prisons : toujours la même solution face à une crise

Renforcer l’isolement, arrêter toutes les activités, interdire les visites... sont à chaque fois la réponse aux crises. Ce qui ne fait qu’augmenter le vécu de l’exclusion et provoquera inévitablement des révoltes comme on en a vu en Italie. En Italie, où les détenus se trouvent parfois à cinq dans une même cellule, un mouvement de révolte s’est en effet déclenché, provoqué par l’inquiétude sur l’épidémie et l’annulation des parloirs pour les familles. En tout, douze prisonniers sont décédés.

Il faut libérer des prisonniers

L’Iran, pays faisant partie de « l’axe du mal » et mis en isolement par un boycott du monde occidental, a libéré temporairement 77 000 prisonniers, après les avoir testés médicalement. Des mesures inimaginables en Belgique ?

Quelques mesures de bon sens pourraient enlever immédiatement la pression sur les prisons, aussi bien sur les détenus que sur le personnel pénitentiaire.

En diminuant radicalement le nombre de détenus dans nos prisons par la libération de tous les détenus en détention préventive (36% de toute la population carcérale) qui ne constituent pas un danger pour autrui.

En libérant toutes les femmes prisonnières et tous les détenus âgés, fragiles, malades qui ne constituent pas un danger pour la société. En mettant fin à l’arrêt actuel des libérations conditionnelles.

En renforçant les soins dans les prisons.

En allongeant la possibilité de téléphoner à la famille.

On ne peut qu’espérer que l’expérience sociétale de cette épidémie augmentera la compréhension des problèmes vécus au sein du monde carcéral.

Luk Vervaet, ancien enseignant dans les prisons, et Jean-Marc Mahy, éduc-acteur

 https://lukvervaet.blogspot.com/2020/03/coronavirus-les-ecoles-les-bars-les.html
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COMMENTAIRES  

15/03/2020 09:38 par désobeissant

Merci de votre compte rendu,tous les pays d’Europe étant touchés,la circulation de l’information et le débat international deviennent primordiales :

le dépistage sur les lieux de travail et dans les prisons, doit être imposé partout,suivi d’actes de soins.

Lettre d’Italie au temps du Coronavirus
14 Marzo 2020

https://poterealpopolo.org/lettre-ditalie-au-temps-du-coronavirus/

Citation :

….De nombreux rapports ont fait état de conditions de travail dangereuses dans les entrepôts et les usines. Le 9 mars, les travailleurs.euses de l’usine FIAT de Pomigliano, dans le sud de l’Italie, ont fait une grève sauvage pour protester contre le manque de mesures de sécurité. Les travailleurs.euses de la logistique d’un hub de Bartolini à Caorso dans le Nord, et d’un entrepôt de TNT à Caserta ont fait de même.

Au moment de la rédaction du présent rapport, des rapports de grève arrivent toutes les heures, touchant les principaux sites de production du pays (pour plus de détails, voir en italien : https://poterealpopolo.org/coronavirus-sciopero-ovunque/). Le plus grand syndicat de base USB a appelé à une grève de 32 heures de tous les secteurs non essentiels, et les principales centrales syndicales doivent rencontrer le premier ministre.

Les prisons italiennes sont un autre point de mire. Le système pénitentiaire italien est depuis longtemps en crise. Des installations obsolètes et un grave surpeuplement font que les prisons italiennes sont en violation perpétuelle des réglementations en vigueur. Dans ces conditions, les restrictions imposées par le gouvernement (interdiction de visites, limitation des appels aux familles et des permis de travail jusqu’au 31 mai, entre autres) ont déclenché des révoltes dans les prisons de tout le pays. Treize personnes sont mortes au cours de ces révoltes dans des circonstances qui ne sont toujours pas claires. Il semblerait qu’un gardien ait été testé positif à Vicence, et les familles témoignent de la crainte des détenu.e.s qui ont un accès limité à l’information et aux conseils. S’il est vrai qu’« On peut juger du degré de civilisation d’une société en entrant dans ses prisons » (Dostoïevski), l’Italie ne se porte pas bien....

15/03/2020 13:06 par Papa Razzi

Des punaises de lit en prison, non ???
Mais on en trouve partout des punaises de lit, y compris dans les hôtels chics de la capitale.

Et les frelons asiatiques (encore eux !) et les fourmis allogènes, qui nous envahissent et dont les autorités publiques se foutent comme d’une guigne, si on en parlait ?

15/03/2020 13:53 par jo nice

On peut juger une société à la façon dont elle traite ses exclus (fous,prisonniers,toxico etc...).
Autant dire que chez nous c’est pas brillant même si il y a pire ailleurs.

15/03/2020 19:55 par Aquarius15

Bon article qui tombe uin peu à plat sur la fin avec sa référence néo-féministe contre-preoducrtive.

Déjà qualitativement, placer les femmes en général (donc y compris jeunes et en bonne santé) sur le même plan que des "détenius âgés, fragiles ou malades", voire prioriser les femmes, c’est intellectuellement malhonnête. Accessoirement, cela déssert la cause féminine en tendant à montrer les femmes comme des petites chose fragiles inférieures aux hommes.

Ensuite quantitativement, les hommes représentant 96% de la population carcérale, nul doute qu’il y a moins de détenues femmes en globalité que de détenus hommes âgés, ou de détenus hommes jeunes et malades/handicapés pris séparément.

A moins que ça ne traduise un symptôme plus grave qui consiste à penser qu’une femme est en toute circonstance victime (à défaut, de "l’oppression systémique") et donc jamais coupable.

Défendre les femmes oui, mais avec bon sens !

15/03/2020 20:29 par guy

On pourrait commencer par transférer une certaine catégorie de prisonniers dans quelques monastères ...... les émile , michel et autres nordhal par exemple .....

16/03/2020 03:56 par EtoileFilante

Déjà vu : 1 cure pedo a purge sa peine, (15 ans) a Aiton (Savoie) et apres il a été transfere dans 1 couvent.
Dufour, cure pedo a Saint Jean de Maurienne (Savoie) (2005-2006 proces)

16/03/2020 10:26 par Assimbonanga

Effectivement, drôle d’idée de faire du critère "femme" un critère de libération. Toute manière, il est déjà trop tard. Je suppose que tout le monde est déjà contaminé dans cette promiscuité. Le gouvernement est largement dépassé par les choses les plus basiques alors il ne va pas être pris d’une soudaine révélation sur le sujet des prisons qui était déjà primordial dès son arrivée au pouvoir.
Prison lieu indigne, prison honte pour la nation. Prison service public à l’abandon. Plus que tout autre victime des "économies" qu’on promet aux électeurs ras du front. Aversion exacerbée pour l’impôt, mépris pour la redistribution, contagion du principe de bouc émissaire, désignation de coupables à avilir, leur faire payer, les réduire à néant.

"le taux de tuberculose dans les prisons est seize fois supérieur au taux dans le pays ; celui du sida cinq fois, de l’hépatite C sept fois, des psychoses cinq fois, de suicide six fois, de problème d’alcoolisme ou autres drogues sept fois, de l’expérience de consommation de l’héroïne cinquante-quatre fois"

La prison semble être la poubelle de la société. C’est à pleurer. Ça met en colère. Dans tous les pays "démocratiques" , les prisons recueillent les laissés-pour-compte car tous les cancres de l’école n’ont pas la chance de devenir petit commerçant ou petit artisan gonflé d’orgueil et sympathisant du RN.
Le droit à l’oubli, la réhabilitation, la réinsertion, beaucoup s’en foutent. C’est le règne de l’idéologie punitive. Je vous recommande une vidéo sur un sujet voisin. Titre à rechercher sur Youtube : « Le modèle français, c’est la police qui fait peur » Excellente vidéo, d’une grande clarté, dans une tonalité très dépassionnée, factuelle. Le sujet c’est la police. Mais comme c’est elle qui précède la mise en prison , on est dans la droite ligne. C’est un tout.

18/03/2020 03:56 par EtoileFilante

Pourquoi ne se base t on pas sur le modele carceral suedois ?

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