[ Ce sont les médias qui produisent périodiquement des "illusions" sur
l’opinion. Ils fonctionnent au niveau idéologique à la manière dont ils
transforment la mort de Diana ou celle du Pape en hystérie de fans. C’est
la video-sphère, une machine à fabriquer l’événement et des "adeptes" qui
ressemblent plus aux fanatiques de Claude François qu’au citoyen, voire au
croyant ordinaire. Ils ont décidé de fabriquer un peuple français de "fans"
de l’Europe. Et se sont conduit comme s’ils avaient affaire aux dits
"fans". L’Europe, sa défense, excusait tout, certes le traité n’était pas
idéal, mais l’idole exigeait qu’on lui dise OUI. ]
Amorce de réflexion sociologique...
Oui le NON au Traité Constitutionnel prend de plus en plus le sens d’un
combat pour la démocratie.
La Démocratie au sens plein du terme, un gouvernement par et pour le peuple
et pas un simple rituel électoral contrôlé de A à Z parce qu’un système de
propagande, un véritable rouleau compresseur impose au peuple, ignorant des
enjeux, un seul choix : le OUI....un plebiscite.
1) Au delà du traité, un mécanisme institutionnel à produire du consensus :
Nous risquons un système politique sans alternative comme aux États-Unis.
Celui de deux partis majoritaires s’entendant sur le fond, sur les
orientations néo-libérales, sur la mise en concurrence des salariés, sur le
démantélement des services publics, sur la pression sur l’emploi et les
salaires pour réserver les fruits du travail aux actionnaires, aux secteurs
financiers, sur la soumission aux Étts-Unis, sur l’intégration totale à
l’OTAN...
L’Europe telle qu’elle a évolué depuis sa création est devenue cela. Les
institutions européennes sont devenues simple Conseil d’administration des
Grands intérêts et un appareil à fabriquer du consensus entre gauche et
droite, un système opaque, élitiste, décourageant l’exercice de la
citoyenneté. Des directions syndicales intégrées à ce fonctionnement, des
députés de gauche, voire communistes, participant à des clubs où avec des
grands patrons, où on élabore des projets de privatisation. Des élus sans
pouvoir mais gorgés d’avantages financiers en tous genres.
Toute cette bureaucratie n’est pas un simple dysfonctionnement que
permettrait de surmonter un traité constitutionnel, celui au contraire
l’entérine, l’impose aux constitutions nationales. L’Europe est devenu le
moyen d’annihiler le processus électoral, de rendre le choix citoyen
inopérant. Et cela va au delà des partis politiques. On le voit bien avec
le silence de Bernard Thibault, malgré une base à 82% contre le traité.
Entendons-nous bien ce n’est pas un tel ou un tel qui serait un "traître",
mais bien un sytème dans lequel il faut une force, une organisation, une
mobilisation, nécessaire à un individu quel qu’il soit pour s’y opposer
autrment il est "pris". Ce qui importe dans un tel système n’est plus le
mandat de la base qu’il soit politique ou syndical, mais les garanties
données au système consensuel de "tenir" cette base. Le dirigeant qu’il
soit celui des partis ou celui des syndicats tire désormais "sa légitimité"
non plus de son organisation mais de sa capacité à orienter cette
organisation, à lui faire accepter des décisions qui proviennent d’ailleurs
: faire voter oui au référendum, empêcher que le syndicat se prononce quand
il y a danger de le voir dire NON, pourquoi pas alors casser le mouvement
quand il proteste "contre les réformes", les privatisations décidées en
haut. Et sous couvert "d’indépendance syndicale", alors même que l’on
subordonne toutes les luttes sociales au vote en faveur du PS, interdire
l’expression des salariés. Il ne s’agit pas, je le répète, de tel ou tel
dirigeant, il s’agit d’un système dans lequel l’ensemble de la gauche est
ligoté et l’Europe telle qu’elle est et telle qu’on nous la prépare, en est
la forme achevée.
2) La légitimité médiatique :
Autre base de la légitimité, celle issue des médias sensés exprimer
"l’opinion publique". Les élus du peuple, et singulièrement les partis de
gauche ne s’intéressent plus à leurs adhérents mais à la revue de presse.
Il s’en dégage "un politiquement correct". On en finirait pas d’énumérer à
propos de l’Europe ce que cela produit, mais prenons l’essentiel. Comment
les dirigeants des partis politiques de gauche français se sont-ils
auto-intoxiqués au point d’être tous convaincus que "l’opinon publique
française" était pro-Europe ? Que si l’on voulait être entendu il ne
fallait plus défendre la nation, la laisser à l’extrême-droite ? Au point
d’aboutir pour le PCF à cet invraisemblable slogan sur le Traité
consitutionnel : "Voter NON pour donner sa chance à l’Europe !" Sans se
rendre compte que si les Français n’ont rien contre une Europe des peuples,
d’une part ils tiennent à la Nation française, et d’autre part ils ne
peuvent éprouver aucun "patriotisme" pour cette Europe telle qu’elle se met
en place sous leurs yeux...
Ce sont les médias qui produisent périodiquement des "illusions" sur
l’opinion. Ils fonctionnent au niveau idéologique à la manière dont ils
transforment la mort de Diana ou celle du Pape en hystérie de fans. C’est
la video-sphère, une machine à fabriquer l’événement et des "adeptes" qui
ressemblent plus aux fanatiques de Claude François qu’au citoyen, voire au
croyant ordinaire. Ils ont décidé de fabriquer un peuple français de "fans"
de l’Europe. Et se sont conduit comme s’ils avaient affaire aux dits
"fans". L’Europe, sa défense, excusait tout, certes le traité n’était pas
idéal, mais l’idole exigeait qu’on lui dise OUI.
Et ils continuent, ils ignorent superbement qu’une majorité de citoyens
français dit NON à ce traité. Ils espèrent provoquer un mouvement d’opinion
à la manière de ceux qui récemment exigeaient la sanctification immédiate
du Pape... Ce n’est pas un hasard si le Président de la République a choisi
une émission spectacle sur TF1, le peuple sollicité est celui de la "star
académie", son vote canalisé par le spectacle et par toute une presse qui
relaie l’événement sans état d’âme.
Ca c’est ce que "le spectateur" voit les paillettes et strass à la mode
berlusconienne, "la production sociale des imbéciles" par décervelage, le
reflexe conditionné. Mais ce qu’il n’a pas en mémoire est le système de
propagande. La concentration de la propriété des titres aux mains des
marchands d’arme que sont Dassault et Lagardère, le poids des annonceurs
dont le plus important est "publicis" (dont un des principaux clients est
l’armée nord-américaine). Sous cette influencele système fonctionne
doublement dans la défense des intérêts, il faut promouvoir ce qui se vend,
le spectacle et en même temps préserver les intérêts fondamentaux des
grands groupes qui tiennent le système. Faire voter OUI, obtenir par le
traité, l’intégration à l’Otan, est-il un enjeu innocent pour ces gens-là ?
Non la réponse est : ce qui est bon pour Bouygues, pour Dassault, pour
Lagardère est bon pour la France... L’espace de liberté du "journaliste"
est infime, et certains s’excitent d’autant plus sur la liberté de la
presse dans le Tiers Monde qu’il leur faut éviter de s’interroger sur la
leur. Le système Robert ménard et RSF repose tout entier là -dessus. A cela
il faut ajouter "les experts", un petit corps soigneusement selectionné
parce qu’ils disent ce qu’on attend d’eux et ne manifestent pas la moindre
velleité d’indépendance, pas plus que "les intellectuels" à la Bernard
henri levy dont la notoriété et la vente de best-seller est lié à cet
échange de services. Regardez en ce moment comment ils nous vendent le
best-seller DALLOZ qui nous présente des extraits soigneusement expurgés de
la Constitution.
Nous avons avec le référendum une illustration parfaite de ce système
médiatique : censure systématique du NON ou tentative de marginalisation
(par exemple on va de plus en plus sortir Le pen pour réduire à
l’extrême-droite ou à quelques gauchistes caractériels type "la bande à
Ruquier" le vote NON), "tout ce qui compte médiatiquement parlant" se
mobilise en faveur du OUI. Le président de la République se met au-dessus
des partis c’est-à dire qu’il choisit de participer à la star academie sut
TF1...
Est complétement nié dans le show médiatique le phénomène pourtant le plus
intéressant de ce référendum, une forme de démocratie participative, la
multitude de gens qui lisent, s’informent, débattent.
3) La destruction depuis des années des possibilités d’intervention politique.
Ce qui est caractéristique de cette situation est la négation de la
réalité, qu’il s’agisse du show médiatique ou du consensus feutré des
institutions politiques coupées du peuple. Cela n’a pu avoir lieu qu’à
travers ce qui s’est passé depuis plus de 20 ans. Tous les instruments de
la démocratie représentative et participative ont été mis à mal.
L’extension du chômage a joué un rôle central sur la désorganisation
politique et syndicale à la base. Mais cela a été accompagné par une
pression idéologique d’une grande puissance. On a commencé à vouloir nous
faire crier "vive la crise", puis à nous donner comme modèle l’aventurier
des temps modernes type Bernard tapie, "enrichissez-vous nous disait-on,
les syndicats, le militantisme, nous ont été présentés comme "ringards",
"conservateurs" et ceux qui échappaient à la stigmatisation étaient ceux
qui se moulaient dans le modèle du "réalisme" ambiant. Mais qui a mesuré
l’atteinte réelle à la démocratie que pouvait représenter l’attaque contre
le syndicalisme ?
Par faiblesse, désarroi ou autres, les partis de gauche ont largement
contribué à cette perte de démocratie réelle. L’évolution du PCf est
particuliérement caricaturale. Sous couvert de "mutation" , tout a été mis
en oeuvre pour détruire cette base militante, pour décourager ces militants
d’intervenir sur la vie de leur parti. Les directions "de base", "les
permanents" ne sont le plus souvent que des employés de collectivités
locales intégrés de diverses manières à "l’union de la gauche", seule leur
adhésion syndicale leur confère une marge d’autonomie limitée à leurs
intérêts de salariés, mais sur le plan politique l’intégration au système
est prioritaire. Il faut bien voir que nous sommes ici devant un système
qui dépasse tel ou tel mais qui touche en profondeur à la démocratie en
France et qui conduit à un système proche des États-Unis, une alternance
sans alternative. Comme le disait le dramaturge est allemand Heiner Muller :
"nous sommes devant deux marchands de saucisse, l’un dit je mets plus de
Ketchup, l’autre dit je mets plus de moutarde, mais c’est la même
saucisse". Cela aboutit à créer de faux enjeux, qui paraissent dérisoires
mais qui sont abondemment relayés par les médias pour qui ils constituent
également une marge "d’autonomie" sans danger(souvenez vous du mariage des
homosexuels et de Jospin sortant de "son silence" pour se prononcer sur
cette question, voilà le type même de l’intoxication
politico-médiatique)... La vie politique en devient de plus en plus un
spectacle étanger à la vie quotidienne... On ne vote plus pour mais
contre... Une des caractéristiques de la bataille autour du référendum, et
ce depuis le NON de la CGT, la découverte de la circulaire Bolkenstein a
été au contraire la réflexion sur ce qui était réellement en jeu.
Avec la conscience aiguë que si l’on acceptait ce traité, on aurait plus si
souvent l’occasion de peser sur ce qui se ferait indépendamment de nous.
Les intitutions européennes "fédérales" ne peuvent que renforcer ce
bi-partisme de fait, avec comme aux États-Unis le poids de plus en plus
lourd de l’argent dans les campagnes électorales. Celui qui n’a ni argent,
ni appareil médiatique derrière lui ne peut pas être élu. Et la politique
spectacle consacre cela... Il y a eu en quelque sorte un réflexe français
assez raisonnable : "Où tout cela nous mène-t-il ? Excusez-moi je réfléchis !"
4) La "dépolitisation" locale...
Au plan local, face à cette dissolution du tissu militant, le clientélisme,
la notabilité, le saupoudrage des subventions remplace peu à peu tout
projet social. la "décentralisation" a accentué cette tendance à voir se
substituer un équilibre entre de multiples intérêts privés à l’intérêt
général. Il y a au niveau local une reproduction de l’appareil à consensus
européen. Les "programmes européens" auxquels il faut se conformer pour
obtenir des subventions uniformisent en amont ce que le clientélisme
uniformise en aval, la perte de débat politique, une sorte de
technicisation du choix politique.
La manière dont au plan local se sont multipliés les débats référendaires,
l’ardeur à comprendre les enjeux, se heurtent à cet appareil consensuel. Et
ils découvrent la machine institutionnelle bien rôdée, les soutiens dont
elle bénéficie. Ainsi le comité local d’Aix en Provence pour la défense du
NON découvre avec stupeur que l’Éducation Nationale s’engage dans le OUI,
que le recteur de l’Académie de Nice transmet une circulaire aux chefs
d’établissement afin que les enseignants d’histoire et géographie montrent
à leurs élèves les aspects positifs de l’Union Européenne, telle qu’elle se
construit actuellement avec la Constitution. Ils découvrent que "Cependant,
force est de constater que, même sur le plan local, le Oui à la
Constitution profite de moyens et d’infrastructures qui nous sont refusés.
Le Gouvernement a décidé, en particulier, d’utiliser les services de ses
ministères pour animer une campagne de propagande afin de faire triompher
le Oui. C’est la venue de la députée européenne Marie-Arlette
Carlotti(PS), pour « Le printemps de l’Europe », dans un lycée de
Vitrolles, qui se transforme en une heure de promotion de la Constitution
européenne devant un parterre de lycéens (BEP, BTS surtout), dont bon
nombre est en âge de voter (ou en tout cas d’influencer le vote de leurs
parents). C’est la distribution auprès des lycéens de brochures « Pour une constitution », tirées à 750 000 exemplaires par la
Commission européenne. Explication d’Yves Gazzo, chef de la représentation
en France de la Commission européenne, dans un courrier aux
chefs d’établissement : « le gouvernement de la République française, le
Parlement européen et la Commission européenne ont établi un partenariat en
matière d’information sur l’Union européenne. Le thème prioritaire cette
année concerne l’information sur le traité établissant une Constitution
pour l’Europe. ». Mais, c’est aussi la censure de la revue pédagogique «
Textes et Documents pour la Classe » (TDC),dont un numéro spécial est
consacré à la Constitution européenne : la partie sur les arguments
contradictoires a disparu afin que les arguments du Non ne soient pas
présentés aux professeurs lecteurs de cette revue.
Ce qui se passe à Aix-en provence se passe dans toute la France, face au
rouleau compresseur des partis majoritaires, face à la propagande
médiatique, face aux énormes moyens financiers, médiatiques, face à un
appareil médiatique, un peuple qui veut comprendre, juger en connaissance
de cause, se "politiser", se heurte à la "machine à dépolitiser"... Il y a
un "choix officiel", plebiscitaire et il faut interdire tout autre choix,
empêcher par censure, par isolement, par provocation que puisse s’exercer
le droit démocratique, pas le rituel. Celui-ci ne cesse au contraire d’être
exalté, justifie tout y compris les guerres de pillage, mais l’exercice
réel de cette démocratie.
Mais le véritable pas sera accompli quand tous ceux qui se sont éveillés à
cette pratique démocratique comprendront à quel point ils ont besoin de
véritables organisations et quand ils ne se laisseront plus déposséder de
celles-ci par la pseudo-létimité de ceux qui sont censés les représenter.
Face à certains dirigeants, à leur capacité à trahir le peuple qu’ils sont
censés défendre ou tout simplement les adhérents de leur organisation,
personnellement je n’ai pas envie d’une "chasse au sorcière", simplement de
leur dire, dans le prolongement de cette calme réflexion sur un traité
constitutionnel : "Vous venez de faire la preuve que vous n’étiez pas
capable de diriger... Donc nous vous proposons de reprendre votre place au
milieu des autres dans la salle et de laisser quelqu’un d’autre s’installer
sur le podium"... Ce n’est pas grave, la période était difficile, la
pression insupportable... On ne vous en veut pas mais laissez la place à
des gens plus résistants, et surtout apprenez à nous écouter, ce sera plus
facile si vous êtes au milieu des autres.... "
Danielle Bleitrach, sociologue, 12 avril 2005.
Dix bonnes raisons de voter NON... par A-J Holbecq.
L’Europe malTRAITEe : une vidéo en ligne. A voir absolument.
Constitution : Quand un « Non de gauche » écrit au « Oui de gauche »...
La directive Bolkestein « retirée » jusqu’au 29 mai ! par Jean-Jacques Chavigné, Gérard Filoche.
Témoignage d’un revenu du Oui - arguments inédits en faveur du Non, par Thibaud de La Hosseraye.
Constitution : Délocalisation, des rapports explosifs, par Yves Housson.
Constitution : Dix mensonges et cinq boniments.
– Du même auteur, lire entre autres :
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