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Chili : Une gifle pour la Minera Los Pelambres

La victoire des « comuneros » chiliens de Caimanes face à une multinationale toute puissante, longtemps au-dessus des lois

En 2010 nous avions tourné au Chili, avec Dominique Gautier, un court documentaire pour dénoncer les pratiques prédatrices d’une multinationale voyou (redondance), qui empoisonnait l’eau de communautés villageoises et paysannes du centre Chili, en toute impunité.

La multinationale Minera Los Pelambres, propriété de la famille fachote et peu éthique (euphémisme) Luksic, a construit au-dessus de la communauté de Caimanes, au « Mauro » (« endroit où jaillit l’eau », en langue indienne), l’une des plus grandes poubelles chimiques d’Amérique latine ; un « tranque de relave », un bassin de décantation pour les eaux usées, bourrées de métaux lourds, de son exploitation minière.

La digue de contention du « barrage », dans cette région sismique, est un mur de sable de 240 m de haut, sur des sols friables, gorgés d’eau. La Minera Los Pelambres n’a pas tenu compte de l’avis pourtant défavorable de la Cour suprême. Elle a acheté les élus, les médias (muselés) et plusieurs familles de villageois. Le président Lagos, de la « Concertation » (alliance PS-Démocratie chrétienne) autorisa l’édification illégale et dangereuse du dépotoir géant.

La communauté de Caimanes, lors de notre reportage, résistait à la multinationale depuis des années. Sept « comuneros », quelques semaines avant notre séjour, avaient frôlé la mort lors d’une grève de la faim de 81 jours (du 27 septembre 2010 au 17 décembre). La plupart avaient de graves atteintes visuelles. A quelques pas de leur calvaire, le ruisseau était quasiment à sec et le petit filet d’eau jaune-verdâtre. Les fruitiers des vallées de Pupio, de Choapa, les oiseaux, les plantes, les cultures, mouraient, empoisonnés par la pollution de l’eau et de l’air. Les nappes phréatiques avaient été captées par la construction du dépotoir. Des nappes absolument nécessaires pour alimenter en eau potable la population.

Aucun média ne fit état de cette grève de la faim héroïque et désespérée. Le maire de droite de la ville la plus proche (Los Vilos) nous confirma que la « transnacional » avait soudoyé tout le monde , arrosé les institutions , la presse, des dirigeants syndicaux, des villageois, détruit le tissu social communautaire. Aucun élu ne fut autorisé à se rendre sur le site, gardé par des hommes armés.

Deux de ces extraordinaires militants pour le droit à l’eau, à la santé, et à la vie, deux « Juan », Ruiz et Villalobos, furent invités à la Fête de l’Huma et au Festival latino-américain de Pau ; ils reçurent la médaille d’or de la ville de Pau et celle de l’Université.

Et puis en cette fin octobre, un message du pote Franck, de Santiago. « Une gifle pour ‘la Minera Los Pelambres’ », qui fut presque un Etat dans l’Etat.

Le 22 octobre 2014, la Cour suprême de Justice a tranché fermement en faveur des villageois, des « comuneros », des raisons de leur colère. Elle a condamné la multinationale à « rendre les eaux à leur lit naturel ou à démolir le dépotoir géant ».

L’avocate des villageois de Caimanes, Sandra Dagnino, a qualifié le verdict de « monument à la justice et à la vérité ». La Cour suprême a condamné l’atteinte vitale à l’environnement, au droit à l’eau, et même la violation par la « Minera Los Pelambres » des « garanties constitutionnelles ». La cour reconnaît l’illégalité du bassin géant de rétention et tout ce que les courageux villageois dénoncent depuis plus de six ans.

Reste à la multinationale à obéir à la justice. « Minera » et gouvernement de la présidente Bachelet sont au pied du mur.

Au Chili aussi les choses commencent à changer. Le puissant mouvement étudiant, social, environnemental, des mineurs, des Mapuches, continue à marquer des points.

P.S . Lorsque je m’apprêtais à quitter le Chili après le reportage à Caimanes, à l’aéroport de Santiago, des « costauds » en civil ont essayé de me faire passer un bon moment... Après enquête des camarades, il s’agissait d’hommes de main de La Minera Los Pelambres (en toute liberté d’action à l’aéroport, alors que j’avais déjà passé « l’immigration »). Les temps changent.

»» http://www.humanite.fr/blogs/chili-...
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