« Laissez les chiens de l’empire aboyer, c’est leur travail. Le nôtre, c’est de se battre pour achever la véritable libération de notre peuple. » - Hugo Chavez
« Si vous voulez savoir qui était Chavez, regardez qui pleure sa disparition, et regardez ceux qui s’en réjouissent, là vous aurez votre réponse ! » - Fidel Castro
J’avoue qu’en apprenant la mort d’Hugo Chavez, j’ai pleuré. Ce fut bref, mais intense.
J’avoue qu’à la mort de Fidel Castro, je pleurerai jusqu’à la dernière larme de mon corps. Ce sera probablement un peu plus long et un peu plus intense.
J’avoue aussi qu’à chaque annonce de la mort d’un dirigeant occidental, j’ai plutôt tendance à reprendre deux fois des moules.
Oui, j’avoue : j’échangerai la quasi-totalité de la classe politico-médiatique occidentale contre un seul Hugo Chavez. Même malade. Même mort.
Alors que toute la gauche latino-américaine, et même au-delà , décrète le deuil, ici La Gauche la Plus Conne de la Planète, comme à chaque fois que l’occasion lui est offerte, refait son numéro de « démonstration de respectabilité ». Vous savez, parler des "dérives" de Chavez, des "tendances" de Chavez, de la "dictature" de Chavez... et toutes les "prises de distance" avec les uns lorsqu’on cherche à se rapprocher des autres.
La « démonstration de respectabilité » des politicards est aux médias ce qu’un accord signé par la CFDT est au patronat : le geste par lequel le dominé (le syndicat, le politicard) communique son désir de « respectabilité » auprès du dominant (le patronat, les médias), prélude à un éventuel ralliement ou soumission. Le gestuel est connu et rodé : un pas en avant... puis deux pas en arrière ; un pas sur le côté (gauche)... puis deux pas de l’autre côté. Et on recommence, jusqu’à atteindre la respectabilité suprême : être traité « d’égal à égal » sur un plateau de télé.
Oui, je sais : certains verront dans mes épanchements lacrymaux une répétition en solitaire des scènes de détresse à la mort du « Petit Père des Peuples » ou du Grand Timonier. Ils se trompent. Je n’ai pas pleuré la mort de Chavez, j’ai pleuré l’incommensurable injustice qui lui a été faite avant, pendant et après.
J’ai pleuré l’insondable médiocrité et bêtise de tous ces gens de très peu qui ne m’ont jamais inspiré autre chose qu’une vague indifférence ou mépris. J’ai pleuré devant ce cirque occidental animé par des couillons, des abrutis, des charlatans, des « spécialistes », des nullités, des médiocres, des salauds, des omniprésents, des va-t-en guerre humanitaires, des incultes, des mercenaires, des opportunistes, des lèche-bottes, des faux-culs, des traîtres, des bien-sur-soi, des intellectualoïdes, des incompétents, qui se permettent, s’arrogent le droit, s’imposent, se déchaînent, se vautrent, se sentent en droit de, se délectent, se déchaînent contre « le plus légitime d’entre nous ».
Un jour, un collègue de travail, répétant les propos de son épouse, une Vénézuélienne issue de la haute-bourgeoisie, m’a dit que « Chavez n’avait en réalité rien fait pour les pauvres ». Ma réaction fut « Depuis quand la bourgeoisie vénézuélienne s’intéresse-t-elle au sort des pauvres ? C’est maintenant qu’elle les découvre ? Les murs de ses résidences sont donc si hautes qu’elle ne voyait pas, depuis toutes ces années, toutes ces bidonvilles qui s’étalent sur les hauteurs des collines qui entourent Caracas ? ».
Au delà de l’ironie involontaire d’une telle phrase, il faut bien admettre qu’elle contient une certaine dose de vérité, car effectivement, avant Chavez, les pauvres « n’existaient pas ». Avant Chavez, 80% de la population vénézuélienne « n’existait pas », il n’y avait que des Miss Monde, leurs sponsors, des présidents gominés et quelques plages. Pas plus que « n’existait » la misère, l’insécurité, la corruption, la maladie, la faim, le clientélisme, la répression.
En somme, l’Amérique fut "découverte" en 1492, mais le Venezuela en 1998 seulement (date de la première élection de Chavez).
Par exemple, avant Chavez, l’illettrisme au Venezuela « n’existait pas ». Après Chavez non plus d’ailleurs, mais pas pour les mêmes raisons... C’est étrange : Chavez aurait fait disparaître quelque chose (l’illettrisme) qui par ailleurs « n’existait pas »... avant ?
Levons le mystère : l’illettrisme est passée d’une inexistence virtuelle, a-médiatisée, à une inexistence concrète et réelle. Et ça, ça s’appelle une révolution, n’en déplaise à tous nos faiseurs de rien (ou de pire).
"Révolution" : une fois le mot lâché, la meute impatiente et conditionnée n’a plus qu’à se lancer à sa poursuite. C’est ainsi que, sur le chemin de la révolution, on sait déjà qu’on est dans la bonne direction lorsqu’on a la meute derrière soi. Mais qui se laisse encore impressionner par ces toutous ?
Alors oui, Chavez est mort, mais c’est simplement por ahora.
Viktor Dedaj
« qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? »