RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
93 

Cessez d’exploiter les questions LGBT pour diaboliser l’Islam (The Intercept)

L’exploitation immédiate de cette attaque fait partie d’une tendance plus générale qui consiste à exploiter les questions sociétales progressistes pour glorifier les mots d’ordre militaristes, attiser les conflits inter-communautaires et défendre les politiques étrangères agressives.

À la fin des années 1990, Eric Rudolph – élevé dans un milieu catholique et affilié un temps avec la secte Christian Identity – a posé des bombes dans des cliniques qui pratiquaient l’avortement et un bar gay, insistant sur le fait qu’il s’agissait de lieux de débauche et de mal. Au mois de Juillet de l’année dernière, un Israélien juif orthodoxe a attaqué les participants du gay pride à Jérusalem, poignardant six d’entre eux dont un, un adolescent, succomba à ses blessures. Il a justifié ses attaques en s’appuyant sur les peines prescrits dans le Talmud pour homosexualité. Il venait d’être libéré d’une peine de prison de 10 ans pour avoir fait la même chose en 2005. Hier, un pasteur chrétien de l’Arizona, Steven Anderson, a salué le massacre de 49 personnes dans un club LGBT à Orlando au motif que « les homosexuels sont une bande de pervers dégoûtants » et des « pédophiles ».

Les attaques violentes contre les bars gays aux États-Unis ont longtemps été un phénomène courant, comme l’explique aujourd’hui le professeur de sociologie Greggor Mattson : « la rubrique criminalité de la presse gay a toujours été ponctuée par des attaques sur les clients dans les bars gays et continuent de l’être aujourd’hui », y compris des meurtres. En 2014, un crime de haine brutal contre un couple gay a été commis par le personnel et les étudiants d’un lycée catholique. Au Brésil, majoritairement catholique et évangéliste, le meurtre de femmes transsexuelles est devenue une épidémie. La pièce de théâtre "Corpus Christi" de Terrence McNally a été ciblé à plusieurs reprises aux États-Unis par des menaces à l’attentat et a dû être annulé car Jésus était présenté comme un gay.

Un sondage de 2015 de l’institut Pew a révélé que les Musulmans américains étaient plus tolérants envers l’homosexualité que les Evangélistes, les Mormons et les Témoins de Jéhovah :

De même, les musulmans américains sont plus susceptibles de soutenir le mariage de même sexe (42% de soutien) que les évangélistes américains (28%), le protestants historiques noirs (  ? du traducteur) (40%), les Mormons (26%) et les Témoins de Jéhovah (14%). En effet, les musulmans américains sont à peu près aussi susceptibles de soutenir le mariage de même sexe que chrétiens en général (44%).

La Chine et la Russie sont des pays en grande majorité non-religieux et aussi résolument anti-gay ; lorsque les Russes sont religieux, ils sont fidèles à l’Eglise chrétienne orthodoxe. Au Cameroun, les responsables de l’Eglise catholique continuent à cracher un rhétorique anti-gay virulent et incendiaire. Un pasteur évangélique éminent brésilien multi-millionnaire et membre du Congrès connu pour ses discours violemment anti-gay, Marco Feliciano,a attaqué hier la communauté LGBT en l’accusant "d’instrumentaliser" le massacre d’Orlando pour faire son "auto-promotion" et a dit qu’en réalité la faute incombait au soutien aux Palestiniens.

Au cours des dernières années, des fanatiques chrétiens aux États-Unis ont eu recours à la fois au militantisme et à l’argent - souvent avec succès - pour faire adopter des lois anti-LGBT sévèrement répressifs dans les régions chrétiennes de l’Afrique. Cela comprend l’Ouganda, où ils ont essayé de faire adopter la peine de mort pour les homosexuels. La loi qui fut finalement adoptée, la criminalisation de l’homosexualité, a conduit à une augmentation brutale d’attaques violentes contre les LGBT.

On ne peut cependant nier que des attitudes profondément anti-LGBT soient omniprésentes dans certaines parties du monde musulman : dans la plupart des pays (mais pas tous) la taux de tolérance se réduit à un seul chiffre. Mais cela est vrai aussi dans les parties tout aussi pauvres du monde chrétien, où une infime minorité de la population des pays en grande partie chrétiens tels que le Ghana, l’Ouganda et le Kenya pensent que la société devrait accepter l’homosexualité. Dans d’autres pays qui ne sont pas majoritairement musulman - la Chine, la Russie, le Nigeria, El Salvador, Israël – la majorité s’oppose à une acceptation sociale de l’homosexualité.

Il est également vrai que certaines parties de la doctrine islamique contiennent toutes sortes d’opinions terribles sur les LGBT, les femmes et d’autres. Mais c’est exactement la même chose dans la Bible chrétienne et le Talmud juif. En ce qui concerne les juifs et les chrétiens, les gens comprennent instinctivement qu’il est fanatique et trompeur de pointer du doigt quelques extraits particulièrement offensifs de leurs livres saints afin de diaboliser tous les chrétiens et juifs contemporains.

En effet, une tactique habituelles des néo-nazis et autres anti-sémites est de citer des extraits peu reluisants du Talmud - y compris ceux qui approuveraient l’esclavage des non-juifs par des juifs ou le vol des non-juifs par des juifs - comme preuve de la malhonnêteté et la perversité des Juifs en général. Nous comprenons tous que cette tactique est vil, douteuse et anti-intellectuelle précisément parce que les adeptes modernes à ces religions interprètent et appliquent (ou ignorent) ces dispositions de différentes manières.

Et c’est exactement la même chose pour les musulmans, mais il existe toute une industrie de pseudo-intellectuels charlatans - y compris ceux qui admettent ne jamais avoir lu le Coran – qui utilisent exactement cette même tactique tordue pour diaboliser l’islam regardez cette expérience sociale où des passages odieux de la Bible sont lus à des gens, en leur faisant croire qu’il s’agit du Coran). Il y a littéralement des millions et des millions de musulmans qui ont des opinions positives sur les homosexuels, et ont des contacts réguliers positifs avec eux (ce qui explique pourquoi les premiers à diaboliser l’Islam sont aussi souvent ceux qui connaissent le moins de musulmans (ce qui est vrai aussi pour les LGBT, ironiquement)).

En effet, il existe des LGBT musulmans partout dans le monde qui - comme tous les autres LGBT - luttent pour faire coexister leurs identités et leurs convictions religieuses et naviguer entre divers conflits personnels. Commea dit hier le directeur exécutif de la plus grande organisation musulmane des Etats-Unis, CAIR, : « Depuis plusieurs années, les membres de la communauté LGBT ont résisté au coude à coude avec la communauté musulmane contre les actes criminels motivés par la haine, l’islamophobie, la marginalisation et la discrimination. Aujourd’hui, nous sommes avec eux, à leurs côtés » Les Musulmans qui oeuvrent pour rendre l’islam plus ouvert aux LGBT méritent un soutien, mais ceux qui cherchent à diaboliser l’islam - pour toutes sortes de raisons communautaires, nationalistes et religieuses – ignorent généralement ces personnes parce que leur existence montre à quel point les portraits qu’ils désirent dresser des Musulmans sont trompeurs et extrémistes.

En dépit de toutes ces données factuelles, le groupe habituel de polémistes haineux qui semblent littéralement consacrer leur vie à l’exploitation de tous les événements de l’actualité pour attaquer l’islam n’ont pas perdu de temps hier - avant même que les faits ne soient connus, et que les corps jonchaient littéralement encore le sol du club – et se sont emparés de l’horrible tuerie à Orlando pour dépeindre les musulmans comme les seuls à haïr les LGBT. Peu importe que le suspect, Omar Mateen, ne montrait aucun signe de fanatisme religieux, qu’il souffrait (selon de nombreuses sources proches) de troubles mentaux, qu’il était connu pour battre sa femme, qu’il travaillait pour une importante société de sous-traitance de mercenaires, qu’il n’avait aucun lien connu avec des groupes extrémistes avant sont coup de fil à la police pour se revendiquer de l’Etat Islamique, et qu’il était obsédé par l’idée d’entrer dans la police de New York.

La possibilité d’exploiter la souffrance des LGBT pour alimenter l’habituelle campagne anti-musulmane était beaucoup trop attrayant pour y résister, peu importe les faits. Essayez d’expliquer aux citoyens LGBT qui ont grandi en Amérique du Nord ou en Amérique du Sud, ou en Europe, que la haine anti-gay est une exclusivité de l’Islam et le mépris que vous vous attirerez - fondée sur une expérience personnelle et non une idéologie haineuse - sera intense.

L’exploitation immédiate de cette attaque fait partie d’une tendance plus générale qui consiste à exploiter les questions sociétales progressistes pour glorifier les mots d’ordre militaristes, attiser les conflits inter-communautaires et défendre les politiques étrangères agressives. Décorez le QG des services de surveillance britanniques ou l’hôtel de ville de Tel Aviv avec les couleurs arc-en-drapeau LGBT et tout à coup la surveillance de masse et l’occupation militaire depuis des décennies paraissent mignonnes et progressistes. Elisez des présidents US militaristes qui symbolisent des jalons de progrès social en matière de race et de sexe et tout à coup leur militarisme semble plus progressiste, plus tolérable et peut même devenir une source d’inspiration. Prétendez que la guerre en Afghanistan est menée au nom de la condition de la femme et que l’agressivité envers l’Iran s’exprime au nom de la protection des LGBT, et observez comment les libéraux se mettent à roucouler de plaisir. Déguisez votre discours anti-musulman sous les oripeaux d’un activisme pro-LGBT et vous verrez rapidement s’élargir le soutien à la pensée et aux objectifs néo-conservateurs dans des pans entiers du camp progressiste occidental.

Affirmer que la haine anti-LGBT est une exclusivité (ou serait prédominant) à l’Islam est non seulement diffamatoire envers les musulmans, mais dessert massivement les millions de personnes LGBT qui ont été - et continuent d’être - gravement opprimées, ciblées et attaquées par des gens qui n’ont rien à voir avec l’Islam. La lutte des LGBT à travers le monde est suffisamment difficile sans cette instrumentalisation cynique qui vise à attaquer un groupe qui est par ailleurs déjà attaqué de tous côtés.

Glenn Greenwald

Traduction "vous ai-je précisé que Greenwald est notoirement gay ?" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

»» https://theintercept.com/2016/06/13...
URL de cet article 30507
   
L’affaire WikiLeaks - Médias indépendants, censure et crime d’État
Stefania MAURIZI
Dès 2008, deux ans après le lancement de la plateforme WikiLeaks, Stefania Maurizi commence à s’intéresser au travail de l’équipe qui entoure Julian Assange. Elle a passé plus d’une décennie à enquêter les crimes d’État, sur la répression journalistique, sur les bavures militaires, et sur la destruction méthodique d’une organisation qui se bat pour la transparence et la liberté de l’information. Une liberté mise à mal après la diffusion de centaines de milliers de documents classifiés. Les (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il y a bien une grande différence entre les articles publiés dans les médias institutionnels et les articles publiés dans les médias alternatifs (comme Le Grand Soir) : les leurs vieillissent super mal alors que les nôtres ne font que s’améliorer avec le temps.

Viktor Dedaj

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.