Les crapules ! Ils ne s’arrêteront donc jamais. Ils ne s’arrêteront jamais de conditionner et d’infantiliser les universitaires.
Le ministère de l’Éducation nationale et la Conférence des présidents d’université viennent de promulguer des directives en cas de pandémie de la grippe aviaire. Plusieurs universités ont servilement répercuté ces directives.
Un mot sur la Conférence des Présidents d’Université : il s’agit d’un groupe de pression de plus en plus influent, globalement de droite (même s’il s’affirme purement « technique »), et qui a accompagné et facilité la mise en place de tous les textes législatifs permettant la privatisation de l’enseignement supérieur, la sélection des étudiants par l’argent, la mise en concurrence des unités d’enseignement et de recherche à l’intérieur des établissements, la fin du statut de fonctionnaire d’État des universitaires (personnels enseignants et administratifs).
Le texte que ces excellences viennent de publier sur la pandémie possible est grotesque et a bien fait rire les médecins à qui je l’ai montré. Le but de ce texte n’est pas de préserver qui que ce soit face au danger sanitaire mais bel et bien d’asservir encore et encore une corporation qui, dans sa majorité, n’a pas suffisamment réagi face aux régressions de ces deux dernières années.
Si la peste s’abat sur la France, il faut à tout prix préserver la « continuité du lien pédagogique ». Notez que l’on n’évoque pas « la continuité du service public ». Dans l’esprit de ces éminences, en effet, il n’y a plus de service public mais des clients, les étudiants pour qui les droits d’inscription vont doubler ou tripler dans les cinq ans à venir, et des larbins, les « enseignants-chercheurs » réduits au rôle de prestataires en ligne.
Dans quel contexte assurer cette continuité ? « En cas de pandémie », affirment nos excellences à la solde du CAC 40, « 50% des étudiants et des personnels sont considérés comme potentiellement malades. » Pas un spécialiste, aujourd’hui en France, n’est capable d’avancer le moindre chiffre avec précision. Aucune importance. Comme les établissements seront fermés, « le plan d’organisation et de continuité des activités universitaires devra être immédiatement mis en oeuvre. »
Mais par qui, diantre ?
Lefebvre, le sinistre porte-parole de l’UMP, a inspiré la réponse des présidents d’université. Un malade peut travailler de chez lui.
Si 50% des personnels sont au lit, si leurs enfants sont eux-mêmes malades, si les familles sont sur le flanc, si les pays est désorganisé, les « enseignants-chercheurs » enverront leurs cours par internet et assureront quatre heures de permanence téléphonique depuis leur lit brûlant. Peut-être que les conducteurs de TGV conduiront les trains depuis leur chambre, tout comme les postiers qui distribueront le courrier depuis leur cuisine…
Ce n’est pas de la gnognotte qui sera exigée de nos prestataires de service. Je cite une équipe présidentielle (un team) au hasard. Il faudra :
« - Mettre au moins un travail personnel ouvert à distance (T_POD) par UE proposée au 1er semestre.
- Chaque équipe pédagogique en charge d’une UE proposera un travail ouvert à distance qui requiert un investissement personnel de la part des étudiants de 10 à 15 heures.
- Un scénario type sera proposé aux équipes pédagogiques. Chacune restant libre de l’adapter ou d’en choisir un autre [ce laxisme me surprend, BG] :
- Mettre en ligne d’un ou plusieurs documents ressources ou lien(s) vers des ressources tierces (canal_U, UOH, Campus internationaux, SCD, BNF, etc.).
- Proposer une consigne de travail.
- Formuler de conseil et rédaction d’une feuille de route pour guider le travail des
étudiants.
- Expliciter les critères d’évaluation.
- Proposer un corrigé type ou une séance collective de correction à la reprise normale des activités d’enseignement.
- Développer l’activité en ligne pour enrichir le scénario de base :
- Animation d’un forum
- Tutorat en ligne
- Classe virtuelle
- Test
- Planifier et piloter, composante par composante, diplôme par diplôme, la mise en ligne des T_POD : 2 T_POD mis en ligne en septembre, 1 en octobre.
- Dresser un tableau de bord central.
- Suivre au jour le jour l’ajout ou la modification des ressources sur IRIS.
- Relancer les composantes par contact personnalisé avec les équipes.
- Vérifier aléatoirement la fonctionnalité technique de 10 [seulement ? BG] ressources par jour.
- Aider à la conception, la documentation, la production et la mise en ligne de ressources pédagogiques :
- Accueillir en face à face durant le mois de juin, début juillet, septembre et au-delà jusqu’à déclaration de la pandémie.
- Assurer une permanence téléphonique tous les jours ouvrés de 13h à 17h hors vacances.
- Ouvrir à distance du dispositif dès l’annonce du plan national « pandémie ».
- Informer et communiquer pour sensibiliser les équipes pédagogiques et administratives.
- Envoyer une lettre d’information aux enseignants-chercheurs et aux enseignants relayée par les directeurs de composantes.
- Examiner les mesures garantissant la continuité pédagogique par les instances centrales : CEVU, CA et Conférence pédagogique.
- Examiner les mesures garantissant la continuité pédagogique par les conseils de composante.
- Mobiliser le réseau des correspondants ENT. »
Tout cela pour les étudiants ?
Que nenni !
Les dizaines de pages du texte de la LRU et de son cahier des charges ne comptent pas trois lignes concrètes et sensées sur et pour les étudiants.
Aucun Tribunal administratif n’acceptera que des épreuves d’examen sanctionnent des « cours » assurés dans ces conditions.
Encore une fois, nous sommes désormais dans l’univers de l’entreprise, de la dérégulation, du capitalisme, de la marchandisation du savoir, du clientélisme.