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Brutalité patronale et résistance ouvrière

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de lutte de classes.(...) Oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée ». (1)

« Qu’est ce que c’est que cette histoire d’aller séquestrer les gens ? (...) Je ne laisserai pas faire les choses comme ça » menaçait N. Sarkozy » (2). De leur côté, les organisations patronales s’inquiètent de la multiplication de cette forme de lutte sociale : « La CGPME, le MEDEF et l’UPA sont préoccupés par l’évolution du débat sur les séquestrations de dirigeants ou de collaborateurs d’entreprises » (3).

« Plutôt crever que de satisfaire les salariés » déclarait brutalement Didier Leroy, directeur de Toyota France. (4)

« Ils ne comprennent pas que ça fait cinq semaines qu’on est gentils, qu’on ne dit rien, qu’on se retient. Ils ont eu des moutons, et maintenant ils ont des lions » disait Xavier Mathieu délégué CGT de Continental (5).

« Toutes mes propositions ont pour objectif d’associer les salariés et les actionnaires à la destinée des entreprises(...). Cette coopération permettrait de mettre fin à l’esprit de lutte des classes » pense très sincèrement Serge Dassault (6).

N’en déplaise au chef de l’Etat et aux patrons, la lutte des classes est bel et bien une réalité.

Séquestrations, occupations d’usines, grèves et autres manifestations se succèdent et se développent au rythme des licenciements et des fermetures de sites. Capital contre travail, exploiteur contre exploité, profit contre salaire, violence sociale ouvrière contre violence sociale patronale !

Mais la violence patronale est masquée, invisible ; elle est même légale. Licencier les salariés pour motif économique par exemple est une disposition inscrite dans le code du travail : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs (…) résultant d’une suppression ou transformation d’emploi consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » (article L 321-1).

La violence salariale, elle, est montrée, visible, médiatisée et de surcroît rendue illégale. « Les salariés de Continental saccagent la sous-préfecture de Compiègne » titrait en gros le journal Le Monde(7). « La colère explose chez les salariés de Continental » annonce de son côté Le Dauphiné Libéré (8). Et toute « entrave à la liberté de travailler » est punie par la loi. Ainsi le17 avril 2009, dix-neuf salariés de l’entreprise Caterpillar ont été traînés devant la justice et condamnés pour ce motif (9). Le 22 avril le premier ministre François Fillon menaçait les salariés de Continental de « poursuites judiciaires ». Combien de salariés ont été et seront traduits devant les tribunaux alors qu’ils ne demandent justement qu’à travailler ? « On pourrait travailler. La fermeture, c’est pour mettre une pression supplémentaire », a déclaré à l’AFP un salarié de Continental (10). Mais pour les patrons, « liberté de travailler » signifie avant tout liberté de licencier !

Le vocabulaire utilisé n’est pas innocent non plus : plan de restructuration, plan social, licenciement, chômage partiel etc. ne sont pas en eux-même des termes violents même s’ils masquent des réalités terribles pour les salariés. Par contre des mots comme séquestrations, occupations et blocages d’usines, piquets de grève etc. évoquent une certaine violence même s’il ne s’agit, le plus souvent, que de moyens symboliques utilisés par les ouvriers pour se défendre justement contre la violence sociale patronale. Elle constitue une réaction à la violence sociale des employeurs. Il serait plus juste de parler de résistance ouvrière contre brutalité patronale. C’est peut-être l’une des raisons qui explique qu’elle est comprise voire soutenue par une majorité de citoyens. Les salariés sont contraints et poussés par le fonctionnement même du capitalisme à se défendre, à se révolter. Ils refusent cette situation aliénante qu’on leur impose. Ils sont conscients de leur existence inhumaine. La bourgeoisie, elle, ne voit dans cette situation que les signes de sa puissance et de sa domination. Cet état lui donne l’illusion d’une existence humaine. Elle se complaît dans sa propre aliénation ! Elle est inconsciente des ravages qu’elle engendre. Cette classe est condamnée par l’histoire. Seule la classe des travailleurs est porteuse d’espoir.

Aujourd’hui, les salariés sont sur la défensive. Leur lutte contre le capital ne vise pas à arracher de nouveaux droits sociaux, mais, dans la plupart des cas, se battent pour garder leurs emplois ou obtenir de meilleures conditions pour les quitter.

Offensive ou défensive, le combat des salariés contre leurs employeurs reste permanent. Les lois et les mécanismes du système basés sur l’exploitation du travail salarié, les intérêts contradictoires des deux classes qu’il engendre, ne peuvent que produire et reproduire cette guerre de classes. Celle-ci n’est cependant pas toujours menée ouvertement. Souvent, elle est feutrée, voilée, maquillée, mais toujours présente et, somme toute, brutale nonobstant les apparences. Ici, les salariés et les patrons se transforment en « partenaires sociaux ». Ils se rencontrent, discutent, dialoguent, signent des accords, lisent ensemble des communiqués de presse etc. Ils donnent l’impression de s’entendre, que leurs intérêts sont, à quelques nuances près, les mêmes. Ils représentent « les forces vives de la nation » qui travaillent main dans la main au maintien de la paix sociale. Classes et lutte de classes seraient désormais des mots du passé , des vieilleries d’un autre âge. La lutte des classes est ter-mi-née( pour paraphraser Orwell).

Mais la réalité est têtue. Elle s’impose à tout le monde malgré l’intense propagande de l’idéologie dominante pour la dissimuler. La guerre livrée sans pitié aux ouvriers par les patrons continue à faire ravage dans les usines, dans les ateliers, sur les chaînes de montage et partout où le profit impose sa loi : licenciements collectifs, précarité, flexibilité, chômage partiel et heures supplémentaires souvent non payées, cadences infernales, humiliations, harcèlement en tout genre, etc.

A l’extérieur de l’entreprise, l’Etat prend la relève : démantèlement du droit du travail, remise en cause des trente-cinq heures, atteinte au droit de grève, suppression de l’autorisation administrative de licenciement et de l’indexation des salaires sur les prix. En même temps, L’Etat accorde des milliards et des milliards d’euros aux patrons des banques et de de l’automobile, réduit la TVA dans la restauration, supprime la taxe professionnelle et l’impôt forfaitaire annuel, diminue les cotisations sur les bas salaires, en particulier la fameuse « ristourne Juppé » et « Réduction Fillon ». La liste des exonérations et des cadeaux fiscaux octroyés aux employeurs est trop longue pour pouvoir la reproduire ici.

La lutte des classes est donc menée par ceux-là même qui la nient !

Les salariés qui luttent pour sauvegarder leurs emplois, pour l’augmentation des salaires ou pour l’amélioration générale de leur situation, doivent comprendre aussi qu’ils se battent contre les effets et non contre les causes de ces mêmes effets. Ce combat est indispensable s’ils veulent éviter de tomber encore plus bas dans la misère. Mais cela ne suffit pas. Il faut qu’ils s’attaquent également aux racines du mal c’est à dire au capitalisme lui-même.

Mohamed Belaali

notes

(1) K. Marx, F Engels. Manifeste du parti communiste

(2) http://www.lefigaro.fr/politique/

(3) http://www.medef92nord.fr/main/core.php?pag_id=138275

(4) http://www.usinenouvelle.com/

(5) Le Monde Diplomatique, mai 2009 p.15.

(6) http://www.lefigaro.fr/debats/

(7) http://www.lemonde.fr/

(8) http://www.ledauphine.com/

(9) http://www.ledauphine.com/

(10) http://www.google.com/

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