Ci-dessous, un article publié par Rue 89.
Cet article pose, à mes yeux, un problème très important : pourquoi les leaders populistes du style Sarkozy ou Bush massacrent-ils, à l’oral, leur propre langue ? La réponse suggérée par l’article - et qui est peut-être la bonne - est que, ce faisant, ces défenseurs du capitalisme pur et dur déplacent les problèmes, font semblant d’être proches du peuple (comme quand Bush mange des hamburgers en public) et de se dissocier des élites intellectuelles et financières, de la gauche caviar, et aussi de Neuilly ou de Harvard, dont ils sont pourtant issus.
Je ne suis pas sociolinguiste, mais j’ai toujours empiriquement pensé que le peuple ne se laisse pas berner par ce type de stratagème. Lorsque j’étais enfant dans le pays minier du Pas-de-Calais, un parent d’élève mineur de fond eût été scandalisé que mon père, instituteur, lui parle en ch’ti.
Les gens du peuple qui n’ont pas eu accès à l’éducation se sentent respectés quand on leur parle une langue correcte et méprisés lorsqu’on s’adresse à eux de manière relâchée.
"Parfois, le président Nicolas Sarkozy massacre la langue française. Le week-end dernier, Le Parisien a publié un petit best-of de ses dernières trouvailles syntaxiques.
Par exemple, défendant le bouclier fiscal devant des ouvriers d’Alstom, dans le Doubs :
« Si y en a que ça les démange d’augmenter les impôts… »
Ou alors parlant des études des élites :
« On se demande c’est à quoi ça leur a servi ? »
Plus couramment, il ampute la moitié des négations, comme dans :
« J’ai pas été élu pour augmenter les impôts »
Or que se passe t-il quand Nicolas Sarkozy est publié ? Son français est corrigé.
Quand Nicolas Sarkozy dit « j’ai pas été élu pour augmenter les impôts », Le Monde corrige en « je n’ai pas été élu ».
Puis « S’il y en a que ça démange d’augmenter les impôts » (Le Monde n’est quand même pas allé jusqu’à écrire « que cela démange »). La Tribune et Le Figaro remettent aussi le Président en français dans le texte.
On pourra se dire que c’est l’usage de repeigner du français oral pour qu’il soit lisible à l’écrit. Parfois, quand un bout de phrase est trop incompréhensible, le journaliste peut s’en sortir d’un lâche « (…) », ou d’un recours au style indirect.
Tiens, par exemple à Rue89, pour présenter la vidéo de cet épisode, on écrit « Sarkozy se demande à quoi servent les études » plutôt que « Sarkozy se demande "c’est à quoi ça leur a servi" ».
Mais n’y a t-il pas deux poids, deux mesures ? Quand c’est la vraie France qui parle, la presse tend à laisser des vrais grumeaux d’authenticité, voire des « sic » attestant un article contenant des vrais morceaux de terroir.
Comme par exemple dans ce reportage du Monde sur les Contis :
« ’C’est la faute à la globalisation, depuis Maastricht, tout s’est cassé la gueule’, assure Bruno Feron à son vieux copain François Langny, 40 ans, dix ans de ’Conti’ derrière lui.’Le gouvernement, de toute façon, il a des billes à droite, à gauche...’, répond l’ami. ’Surtout à droite, ouais...’ »
Il y aurait une autre raison à reproduire les mots de Nicolas Sarkozy tels quels. Après tout, l’anglais écorché de George Bush en disait long sur son discours anti-élite, sur la façon dont ce fils de président, petit-fils de sénateur avait voulu se réinventer en brave gars texan.
On peut aussi penser que Sarkozy bouscule la syntaxe pour jouer le type ordinaire. L’écrire tel quel, ce serait en rendre compte. C’est d’ailleurs ce que fait Jean Veronis sur son blog, quand il explique que Sarkozy marque un retour au parler popu, bien qu’il ait grandi dans des beaux quartiers. « M’enfin, m’ame Chabot ! », « les Français, s’y voulaient pas que j’réforme, y fallait pas qu’y votent pour moi ! »"
Par Guillemette Faure, Rue89, 29/03/2009