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Victor Hugo contre le paiement des deux bronzes chinois.

Les deux bronzes chinois vendus par Christie’s le 25 février dernier lors de la dispersion de la collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé seront-ils payés par son acquéreur ? Ce dernier est un Chinois, Cai Mingchao, qui possède une maison d’enchères à Xiamen (Sud-Est de la Chine). M. Cai a fait savoir qu’il ne paierait pas.

Maxime Vivas

Cette vente aux enchères avait irrité les autorités de Beijing qui réclamaient la restitution à la Chine de ces oeuvres d’art pillées par les Français lors du sac du Palais d’été.

Cai Mingchao est en passe de devenir un héros national dans un climat détestable, créé entre la France et la Chine lors des incidents autour du passage de la flamme olympique à Paris, par l’activisme anti-chinois de RSF (ONG subventionnée par des ministères français et par des industriels comme Sanofi, Carrefour, etc.), les tergiversations du président Sarkozy quant à sa présence à la cérémonie inaugurale des jeux, les ronds de jambes français au dalaï lama.

« Cet argent ne peut pas être versé », a affirmé Niu Xianfeng, directeur adjoint du Fonds du patrimoine national de Chine, un organisme semi-gouvernemental chargé de la récupération des oeuvres d’art pillées. Dans cette hypothèse, les tribunaux auront à trancher. A moins que la Chine, ravie d’avoir mis les rieurs de son côté par ce pied de nez à un pays qui lui a fait « perdre la face » en multipliant les gestes inamicaux avant et pendant les jeux olympiques, ne consente finalement à payer ce qui lui a été dérobé.

Cette affaire aura spectaculairement ouvert le débat sur l’opportunité de la restitution des objets chapardés par des puissances militaires dans des pays colonisés ou envahis. Les musées du monde entier regorgent d’oeuvres volées. Que faire : tout rendre, à qui, comment, à quel prix, avec quelles garanties que les objets n’iront pas directement chez des richissimes collectionneurs ?

Dans une lettre adressée au capitaine Butler, Victor Hugo donne son avis :

« Hauteville House, 25 novembre 1861.

Vous me demandez mon avis, monsieur, sur l’expédition de Chine. Vous trouvez cette expédition honorable et belle, et vous êtes assez bon pour attacher quelque prix à mon sentiment ; selon vous, l’expédition de Chine, faite sous le double pavillon de la reine Victoria et de l’empereur Napoléon, est une gloire à partager entre la France et l’Angleterre, et vous désirez savoir quelle est la quantité d’approbation que je crois pouvoir donner à cette victoire anglaise et française.
Puisque vous voulez connaître mon avis, le voici :

Il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde ; cette merveille s’appelait le Palais d’été. L’art a deux principes, l’Idée qui produit l’art européen, et la Chimère qui produit l’art oriental. Le Palais d’été était à l’art chimérique ce que le Parthénon est à l’art idéal. Tout ce que peut enfanter l’imagination d’un peuple presque extra-humain était là . Ce n’était pas, comme le Parthénon, une oeuvre rare et unique ; c’était une sorte d’énorme modèle de la chimère, si la chimère peut avoir un modèle.

Imaginez on ne sait quelle construction inexprimable, quelque chose comme un édifice lunaire, et vous aurez le Palais d’été. Bâtissez un songe avec du marbre, du jade, du bronze, de la porcelaine, charpentez-le en bois de cèdre, couvrez-le de pierreries, drapez-le de soie, faites-le ici sanctuaire, là harem, là citadelle, mettez-y des dieux, mettez-y des monstres, vernissez-le, émaillez-le, dorez-le, fardez-le, faites construire par des architectes qui soient des poètes les mille et un rêves des mille et une nuits, ajoutez des jardins, des bassins, des jaillissements d’eau et d’écume, des cygnes, des ibis, des paons, supposez en un mot une sorte d’éblouissante caverne de la fantaisie humaine ayant une figure de temple et de palais, c’était là ce monument. Il avait fallu, pour le créer, le lent travail de deux générations. Cet édifice, qui avait l’énormité d’une ville, avait été bâti par les siècles, pour qui ? pour les peuples. Car ce que fait le temps appartient à l’homme. Les artistes, les poètes, les philosophes, connaissaient le Palais d’été ; Voltaire en parle. On disait : le Parthénon en Grèce, les Pyramides en Egypte, le Colisée à Rome, Notre-Dame à Paris, le Palais d’été en Orient. Si on ne le voyait pas, on le rêvait. C’était une sorte d’effrayant chef-d’oeuvre inconnu entrevu au loin dans on ne sait quel crépuscule, comme une silhouette de la civilisation d’Asie sur l’horizon de la civilisation d’Europe.

Cette merveille a disparu.

Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. Une dévastation en grand du Palais d’été s’est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs. On voit mêlé à tout cela le nom d’Elgin, qui a la propriété fatale de rappeler le Parthénon. Ce qu’on avait fait au Parthénon, on l’a fait au Palais d’été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l’orient. Il n’y avait pas seulement là des chefs-d’oeuvre d’art, il y avait un entassement d’orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres ; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits.

Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voila ce que la civilisation a fait à la barbarie.

Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m’en donner l’occasion ; les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ; les gouvernements sont quelquefois des bandits, les peuples jamais.

L’empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd’hui avec une sorte de naïveté de propriétaire, le splendide bric-à -brac du Palais d’été.

J’espère qu’un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée.

En attendant, il y a un vol et deux voleurs, je le constate.
Telle est, monsieur, la quantité d’approbation que je donne à l’expédition de Chine.

Victor Hugo ».

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